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Le récit
débute avec l'histoire du XVIe
au XIXe par M. Brissaud, ancien pasteur de la paroisse.
La Bible sculptée sur la façade
de
ce temple rappelle le message de la Réformation :
l'Ecriture sainte annonce le Salut par la seule grâce, le seul
amour gratuit de Dieu envers l'homme ; salut que l'homme
reçoit par la seule foi, la confiance qu'il fait à cette
bonne parole, et qui le mobilise pour des œuvres bonnes, fruit de sa
reconnaissance.
Ce message avait été
proclamé au XVIe dans notre région. En 1560, des gens de
Mas Cabardès, de Montolieu, Saissac, Fontiers, Caudebonde,
Lastours, Conques, Villegailhenc et Limoux étaient allés
l'entendre à Mazamet, et en 1561, des Eglises
Réformées étaient
« dressées » à Carcassonne, Limoux,
Castelnaudary malgré l'opposition du peuple et des
autorités civiles et religieuses. En faisaient partie des
marchands, des magistrats, des artisans. Les communautés de
Limoux et Castelnaudary disparurent (siège de Limoux) assez
vite. Celle de Carcassonne se maintient tant bien que mal tout au long
des guerres de religions et sa présence est attestée au
début du XVIIe siècle. Des membres d'une famille connue
de drapiers et des magistrats, les D'Oliviers, en font partie, dont des
descendants, réfugiés au Pays-Bas comme pasteurs à
la révocation feront souche à Amsterdam. Mais dans cette
période de renouveau et de ferveur de l'Eglise catholique une
communauté protestante isolée soumise à des
pressions sociales, économiques, religieuses avait peu de
chances de subsister. Elle avait disparu en tant que telle avant la
Révocation de l'Edit de Nantes. De même qu'une petite
communauté réformée qui s'était
formée en 1573 en Mas Saintes Puelles.
Cependant dans la 2e moitié du
XVIIIe
siècle, des familles de « nouveaux
catholiques », c'est-à-dire des Protestants, de
Mazamet vont s'installer dans la Montagne Noire et ses abords. Et
l'évolution économique amènera en terre d'Aude des
familles protestantes de régions voisines et de
l'étranger.
Mais les ravages des guerres de
religions, dont
tout le pays avait eu à souffrir, et causés plus souvent
par des bandes d'aventuriers que par des huguenots fanatiques, avaient
laissés de mauvais souvenirs attachés au nom de
« Protestants ». Dans les cahiers de
doléances de 1739, vingt-deux villages du Cabardès, du
Minervois et des Corbières demandent au Roi :
« d'assurer à la seule religion catholique et romaine
le libre exercice de son culte public, en accordant néanmoins
à ses sujets non catholiques l'état civil et les
prérogatives des citoyens français. »
Carcassonne ville basse demande : « d'assurer à
la seule religion catholique apostolique et romaine à
l'exclusion de tout autre le culte public. » Et le
clergé de la sénéchaussée de Carcassonne
demande « que la religion catholique apostolique et romaine
qui est le plus ferme appui du Trône soit la seule religion de
l'Etat, que tout autre soit prohibée » et exprime sa
désapprobation de l'édit de tolérance de 1787 qui
donnait l'état civil aux non catholiques.
Voici donc, chers frères,
le texte auquel j'ai ajouté, chemin faisant,
- la destruction de la cathédrale d'Alet par les Protestants et le massacre de ceux-ci quelques années plus tard. (Alet fut quelque temps place de sûreté huguenote) ;
- le fait qu'il n'y eut pas de « St Barthélemy » à Carcassonne, des Catholiques alertèrent même les Protestants par précaution contre des violences possibles ;
- le fait que les Protestants étaient tantôt chassés de la ville, tantôt présents ;
-
et les quelques mots
de conclusion souhaitant de grâces pour le fait que Protestants
et catholiques peuvent ensemble prier et écouter la parole de
Dieu.
Fidèlement
Frédéric
Brissaud
Le
récit
était ensuite continué par Mme. Claudine Rives-Monod
M. Brissaud vient de nous
exposer les origines
de l'Eglise Reformée de Carcassonne. Les premières
archives de la paroisse remontent à avril 1842 au moment
où se crée une communauté protestante dans l'Aude,
rattachée aux Eglises Reformées de France, sous
l'impulsion de la « Société
d'Évangélisation des Protestants
disséminés », ayant son siège à
Nîmes, et de son agent, un jeune pasteur résidant à
Perpignan, le pasteur Calas.
Cette communauté nomme un conseil d'administration de cinq membres parmi lesquels :
M.
Lauth (brasseur
à Carcassonne, la famille Lauth venu d'Alsace s'est
installée à Carcassonne en 1810) et M. de Juge (officier
de l'armée, qui a fait don à la paroisse des coupes de la
Ste Cène).
Ce conseil se met en rapport
avec les pasteurs
de Toulouse, Castres, Mazamet, Sorèze et Revel, leur demandant
de venir prêcher à Carcassonne.
Le 12 juin 1842 un lieu de
culte est
inauguré (dans une salle de la brasserie Lauth, mise à
disposition gratuitement par M. Lauth) en présence d'une
centaine de Protestants du département, et d'un pareil nombre de
Catholiques, attirés par cette solennité.
Mais il faut s'organiser. Le 29
juillet 1843,
à la demande de Carcassonne, le consistoire de Mazamet
écrit au Ministre de la Justice et des Cultes, alors responsable
de ces décisions, pour lui demander le rattachement de
Carcassonne au consistoire de Mazamet et la création d'un poste
de pasteur.
Voici
quelques extraits
de cette lettre adressée au Ministre :
[Document (extrait
du registre du
consistoire de Mazamet)]
Le 25 août 1843 le Ministre
informe M.
Dardier qu'il a transmis la demande au Préfet de l'Aude pour
enquête supplémentaire. Le pasteur Dardier exhorte les
Protestants de l'Aude à se mobiliser pour convaincre les maires
des communes de soutenir leur demande.
[Extraits du document (lettre du 30 Août 1843)]
Mais cette demande n'aboutit
pas. La paroisse de
Carcassonne va cependant continuer à vivre sans pasteur
titulaire. Le culte est assuré un dimanche sur deux par les
pasteurs de Mazamet suivant un programme prévu à l'avance
et adressé à toutes les familles protestantes. Il est
demandé avec force aux Protestants de venir nombreux au culte et
une souscription particulière est ouverte pour défrayer
les pasteurs pour leur déplacement.
[Extrait du document (lettre
du Janvier
1843)]
En 1863 le conseil d'administration de la paroisse adresse une demande au maire de Carcassonne pour demander le rattachement de Carcassonne au Consistoire de Toulouse. Les pasteurs de Mazamet se déplaçaient en voiture à cheval, or « le passage de la montagne est souvent difficile en hiver et quelquefois impossible », le chemin de fer du Midi, construit depuis peu assure maintenant des relations plus faciles avec Toulouse. (Le conseil d'administration continue à adresser au Préfet de l'Aude et au Ministre de la Justice et des Cultes une demande de création de poste pastoral.
N'oublions
pas que
depuis le premier Empire, nous sommes sous le régime du
Concordat, que prêtres et pasteurs sont nommés et pris en
charge par l'Etat.
Le
décret du 15
juin 1867 signé par Napoléon III accorde le rattachement
de la paroisse de Carcassonne au Consistoire de Toulouse.
[Document (décret
du 15 Juin
1867)]
Les pasteurs de Toulouse vont
assurer les cultes
à Carcassonne jusqu'en 1875. Mais la population protestante ne
cesse de croître : 250 paroissiens recensés en
1874 ; accroissement de la population de Carcassonne avec
l'exode
rural, - militaires plus nombreux - et crise du phylloxera :
« des familles entières, dont les
intérêts se rattachent au commerce des vins ont
quitté, pour venir se fixer à Carcassonne, des
contrées absolument ruinées par la maladie de la vigne et
dans lesquelles une portion considérable de la population
appartient à la religion reformée :
l'Hérault, le Gard ».
L'activité de la brasserie
Lauth ne cesse
de grandir. M. Lauth informe le conseil d'administration qu'il doit
récupérer la salle mise à disposition pour les
cultes, il faut donc trouver une autre salle. Une demande
adressée au Préfet, reste sans réponse. Le conseil
d'administration va donc louer une salle en ville : 2, Rue du
Pont
chez M. Salaché en 1874.
[Extraits du document (bail
du 20
mars 1875)]
M. Salaché est
voiturier : pour
gagner l'escalier qui monte au deuxième étage, il faut se
faufiler entre les nombreuses voitures qui encombrent le
rez-de-chaussée de la Rue du Pont.
1875 :
Enfin ! La
Société pour l'Évangélisation des
Protestants disséminés envoie un pasteur à
Carcassonne sur un poste d'évangélisation et non un poste
pastoral. Ce n'est qu'en 1878, le 17 juillet 1878, que le
Maréchal Mac Mahon, alors Président de la
République, signera le décret de la création d'un
poste pastoral et la nomination du pasteur Adolphe Monod
(déjà en place sur le poste
d'évangélisation depuis 1875) comme pasteur de
Carcassonne.
Il aura fallu 36 ans de
démarches
acharnées pour que la communauté protestante obtienne
enfin satisfaction, malgré ces difficultés, elle a
continué à vivre.
[Extrait du document (décret
du 17 Juillet 1878)
Extrait du document (décret
du 2 Décembre 1878)]
Après cette reconnaissance
officielle, le
pasteur Monod et la paroisse se lance dans une nouvelle
bataille :
être mieux connu et reconnu dans la ville de Carcassonne et dans
le département. Pour cela, il faut un lieu de culte
officiel, reconnu : il faut construire un temple.
Pour bien comprendre les
difficultés que
vont rencontrer les Protestants pour la construction de leur temple, il
faut se replacer dans l'atmosphère de l'époque et en
particulier de Carcassonne. Nous sommes dans la IIIe République
et les dissensions sont vives entre les conservateurs, restés le
plus souvent monarchistes et représentés par
l'église catholique, et les républicains souvent des
anticléricaux. Les Protestants sont en majorité
républicains, puisque la révolution et la
république leur ont accordé la liberté de culte et
les ont reconnus citoyen à part entière. Mais ils ne sont
qu'une petite minorité dans un département catholique,
où ils sont disséminés et mal connu. Le souci du
pasteur Monod et de la communauté est donc de construire un
temple à Carcassonne sans pour autant heurter l'église
catholique.
En 1883, les Protestants
veulent acheter au
centre ville, Place Carnot (Place aux Herbes), un immeuble qui pourrait
être aisément transformé en temple, celui
occupé actuellement par la Société Gle. Le vendeur
refuse : il est menacé d'excommunication par
l'évêque s'il vend son immeuble aux Protestants.
En 1885, échaudé par ce premier échec, la communauté confie à l'architecte M. Desmanet le soin d'acheter un terrain : Rue de la Prade, 330 m² à 14 francs le m². Le sous-seing privé est signé avec M. Labat, notaire représentant M. Guillaumat, le propriétaire.
M.
Desmanet
établit un plan de construction, le devis s'élève
à 38.000 francs. C'est trop cher, alors on supprime les
tribunes, le devis s'amène à 34.000 francs. Le Ministre
des Cultes refuse le projet. Il est trop cher et la communauté
de Carcassonne n'est pas en mesure de le financer. De plus, M.
Guillaumat avait mis une condition à la vente :
« Les acquéreurs s'engagent à ne vendre, ni
louer à des filles publiques ou entretenues. Cet engagement est
pris pour les successeurs à
perpétuité. » Au moment de signer l'acte de
vente M. Guillaumat refuse. Il a appris entre temps qu'il s'agisse de
construire un temple sur son terrain.
[Extrait du document (lettre
du 12
Mai 1885)]
1888 : M. Valent,
négociant en vin
accepte enfin de vendre un terrain situé au carrefour de la rue
des Jardins et de la rue du Palais : 191 m² à 45
francs le m². Un nouvel architecte, M Cassaing, est chargé
de faire les plans et d'établir le devis. Le plan de ce temple
porte très fortement l'influence du pasteur Adolphe Monod.
Très rapidement, je voudrais retracer sa vie pour vous permettre
de mieux comprendre pourquoi ce temple n'est pas tout à fait
semblable au temple protestant traditionnel.
Fils du pasteur Horace Monod de
Marseille (dix
enfants dont quatre furent pasteurs) Adolphe fit ses études de
théologie à la faculté de Montauban. Au cours d'un
chahut d'étudiant, il fit tomber un buste de Napoléon III
qui ornait les salles de classe de la Faculté. Le nez de
l'empereur s'est cassé. Pour cacher sa maladresse, il cache le
buste dans un placard, la face contre le mur. Très vite
découvert, il fut chassé de la Faculté et
condamné à s'exiler. Il alla alors poursuivre ses
études en Angleterre, puis aux Etats-Unis. Rentré en
France en 1870 avec la chute de l'Empire, il ne peut faire
reconnaître son titre de licencié en Théologie et
devient directeur d'une maison de retraite à Anduze. Il
épousa Amélie Rives de Mazamet et en 1875 obtient,
grâce à son père et ses frères pasteurs qui
avaient intercédé en sa faveur, un poste
d'évangélisation à Carcassonne. En 1878, on lui
reconnaît enfin le titre de pasteur. Il va mettre toute sa
volonté, son énergie sa foi à la construction de
ce temple et pour cela il faut trouver l'argent nécessaire :
prix du terrain
:
9.300 francs
prix de la construction
:
29.623 francs
38.923 francs
une souscription auprès des paroissiens et des paroisses
voisines :
14.000 fr.
subvention de la
ville
: 7.500 fr.
Ministre des
Cultes
: 2.000
fr.
On est loin du compte, il faut
trouver le reste.
Alors Adolphe Monod prend son bâton de pèlerin et va faire
le tour des paroisses de France, mais aussi de Suisse, d'Angleterre,
des Etats-Unis pour parvenir à réunir l'argent
nécessaire.
C'est pourquoi ce temple, pour
répondre
au souci d'Adolphe Monod, ressemble à une église
anglicane (ce sont les églises anglaises et américaines
qui l'ont en partie financé) et à une église
catholique, pour ne pas choquer la population catholique de Carcassonne
par une construction d'un temple trop protestant.
Nous
avons dans les
archives le détail des factures.
[Document (Liste des
factures du 8
Octobre 1891)]
Construit en deux ans, le
temple est
inauguré le 6 novembre 1890 en présence de nombreux
pasteurs, le sermon est prononcé par le pasteur Edouard Monod de
Mazamet, frère d'Adolphe.
Nous avons retrouvé une lettre
écrite au lendemain de l'inauguration, il nous a paru
intéressant de vous la lire :
[Document (lettre de
l’architecte)]
Pour l'occasion Edouard Monod a
composé
ce cantique que nous écoutons, chanté par la
chorale : Cant. « Toi dont les cieux sont le vrai
sanctuaire »
Voici
la fin du
récit de Mme Claudine Rives-Monod.
Il
y a un autre
récit de M. Brissaud, qui nous ramène jusqu'aux
années 60.
A la séparation des Eglises et
de l'Etat,
la communauté entre dans l'union des Eglises
Réformées Evangéliques, et en 1933 dans l'Eglise
Réformée de France, VIIe Région. En 1952, avec
Béziers, Narbonne, Perpignan et Collioure, elle forme, dans la
VIIe, le Consistoire du Bas-Languedoc-Roussillon, mais reste dans la
VIIe quand les quatre autres se rattachent à la VIIIe
Région en 1962.
La paroisse doit compter alors
quelque 450
personnes, (230 feux) dont la moitié s'échelonnent le
long de la vallée de l'Aude jusqu'aux Pyrénées et
dans les Corbières, sur les terres du Lauraguais, dans les
vallées de la Montagne Noire et dans le Minervois jusqu'à
Lézignan et Olonzac exclusivement, soit sur environ 100 km N-S
et 60 km E-O. Par le jeu des mariages, des foyers de souche audoise se
sont formés, de milieu modeste au départ, mais la
population paroissiale se renouvelle sans cesse par arrivées et
départs. En 196? , Castelnaudary et l'Ouest de son
arrondissement, où de nouvelles familles se sont
installées, sont rattachées à l'Eglise, plus
proche, de Revel.
L'acquisition d'un presbytère avec dépendances en 1952 a permis le développement de la vie communautaire (catéchèse, scoutisme E.U. et F.F.E.U. et N., club de jeunes qui ont plus tard d'autres locaux dépendant d'une association 1901). Un temps, collaboration avec les Pentecôtistes (2 missions Th. Roberts). Et dans ce pays où, en dehors de Carcassonne, les Protestants étaient peu connus et parfois ne se faisaient pas connaître pour éviter des difficultés dans leur entourage, des contacts et activités œcuméniques se sont développés dans les années 60.