Conférence du 18 septembre 2010 au Temple de Carcassonne

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LE TEMPLE DANS SON ENVIRONNEMENT 

Conférence de M Claude Marquie, Historien, spécialiste de l’histoire économique et sociale du département de l’Aude et de Carcassonne


Remerciements à Mme Rives- Monod (archives personnelles et archives de la communauté versées depuis aux A.D )

MM Pierre Combes. M. Cau et F. Teisseire pour la brasserie Lauth


Le temple dans lequel nous sommes a été inauguré le 6 novembre 1890 d’où 2 questions :




  1. LE QUARTIER A LA FIN DU XIXe SIECLE


1ere question donc : pourquoi dans ce quartier ?


Le quartier du Tivoli : Près de la gare depuis 1857, entrepôt des négociants en vin, transporteurs,(Laborde rue Montpellier )

fabricants de matériel viticole route Minervoise jusqu’à la rue Ledru-Rollin


Jardins = Laprade au Nord : norias et égout des Jardiniers pour l’eau : c’est une partie de la ceinture verte de la ville


D’où : Rue des jardins jusqu’en 1891, année où elle fut rebaptisée en l’honneur d’Antoine Marty (1819-1891) avocat, maire de sept 82 à janvier 1883 qui avait fait une donation généreuse en faveur des pauvres ; ne pas confondre avec son neveu, prénommée également Antoine (1838-1916) fut maire, député et ministre du Commerce


Un peu plus tard, en 1902 au n° 46 : Usine Carrière-Guyot s’installera en 1902 : charrues pour labours profond ; dans la zone industrielle depuis 1956, devenue Huard puis Majar


Un certain embellissement vers le carrefour Minervois à compter 1890 environ : café Raynaud à l’angle rue Tourtel

Au 62 demeure de G.Bruguier et ensuite du docteur Galy.

Maison Aurifeuille.

Mais au-delà ?


Au Sud quartier du palais BCBG près du tribunal (1861) mais aussi :

- confiserie Durand en 1869 jusqu’en 1975 sur 3 000 m2 (Trésor Public )

- en allant vers l’Aude véritable zone industrielle avec 2 distilleries, teinturerie Patau, tri des chiffons Farge jusqu’en 1904, et au square : usine à gaz, fonderie Fafeur.

Des deux côtés risques d’inondation (ex en 1940 encore) expliquent le peu d’intérêt des carcassonnais à mesure que l’on allait vers l’Aude.


La rue A.Marty en fait = séparation entre 2 quartiers et impasse jusqu’au pont de l’Avenir en 1964 : ce dernier était rendu nécessaire du fait de l’abattoir depuis 1890 car troupeaux arrivant par la gare faisaient le tour de ville.

En 1922 encore selon un journal : « De nombreuses plaintes d’habitants de cette rue importante ont été apportées à la mairie. La couche de limon qui recouvre la chaussée est telle que la circulation est rendue impossible pour les charrois et même pour les piétons exposés à prendre un bain de boue chaque fois qu’ils traversent cette voie. Les habitants du quartier font remarquer qu’ils paient d’aussi lourds impôts que ceux des rues pavées ».


Avec le pont, les constructions se multiplient : Laprade , immeuble Plane au 46, vers l’Aude et nombreux commerces côté pair


Autrement dit tout cet ensemble, en dehors de la zone la plus proche du palais de Justice est une périphérie de la ville, où celle-ci se débarrasse de ce qui la gêne , notamment les usines polluantes. Malgré ce, hostilité des catholiques : Les protestants ne purent construire leur temple à l’intérieur des boulevards et eurent même du mal à obtenir un terrain dans cette zone : 191 m2 d’un négociant.


  1. LA DATE TARDIVE


A. Il faut étudier l’histoire des protestants audois :


1) Au XVIe s guerres de Religion mais peu nombreux à Carcassonne, cf livre du docteur Prouzet « les guerres de Religion en pays d’Aude »


Mars 1562 : 2 à 300 huguenots carcassonnais sortis pour célébrer leur culte près du pont Vieux ne peuvent rentrer en ville et s’enfuient vers Limoux et le Val de Dagne.


Les protestants contrôlent plusieurs villages du Razès, du Limouxin et de la montagne Noire mais aucune ville. Affaiblissement et surtout affrontements ensuite entre catho modérés et Ligue à propos d’Henri de Navarre :

EX : Granier de Montirat a/c 1580 (Bull. Sesa) : nombreuses exactions et même un meurtre :. Il fait croire qu’il vient de Brugairolles, où protestants sincères mais aussi soldats en rupture de banc qui écument la région et que les troupes royales n’osent débusquer.

Par la suite, Granier sert les catholiques modérés puis la Ligue au fil des évènements avant de devenir négociant puis seigneur de Montirat


Quand Louis XIII et Richelieu parcourent le Languedoc dans les années 1620-1630 on ne parle guère que de Mas saintes Puelles, à la différence de Montpellier et Nîmes cf de Capella dans Bull. Sesa)

Au Mas, église dressée (ministre et consistoire), la seule du Lauragais , de 1578 à 1630 .

Capitulations en 1622 devant l’armée royale de Louis XIII et disparition progressive par la suite avec en face Castelnaudary qui a l’argent, présidial et collège

2) Ensuite, aux XVII et XVIII e , il y a bien des protestants à proximité, dans le Tarn et l’Ariège, mais discrétion :

Certaines familles de Mazamet pratiquent clandestinement après la Révocation et passent parfois sur le versant Sud de la montagne Noire :

:la famille Barthès achète Les Escoussols fin XVIIIe s

Les Rives = La Mée (Villalier) au début XIXe


3) Début XIXe : liberté religieuse proclamée par déclaration des Droits de 1789


en 1801, le Concordat accorde un pasteur salarié pour 6 000 religionnaires mais ce n’est pas le cas dans l’Aude alors que le Gard = 130 000 fidèles, le Tarn 17 000, la Lozère 24 000 …

Sous la monarchie de Juillet alors que le protestant Guizot est premier ministre «Le  Réveil » veut redécouvrir l’inspiration originelle de la Réforme, alors que des « infidèles «  veulent l’adapter aux idées du temps. 1842 : pétition de 80 signatures légalisées pour demander un poste de pasteur



B. 3 étapes pour obtenir leur reconnaissance à Carcassonne


  1. le local : en 1842 le culte est célébré chez le brasseur Lauth, bd O.Sarraut . Ce local est inauguré comme lieu de culte par une centaine de protestants avec début d’organisation : budget de 800 francs

jusqu’en 1874 (c’est alors le fils du premier Lauth, également prénommé Philippe)

1874 : chez un loueur de voitures rue du pont Vieux, Salaché, contre 300 francs par an.


Un pasteur vient de Mazamet un dimanche sur 2 quand il peut passer aux Martys d’où en 1863 rattachement à Toulouse.


  1. le pasteur


Le phylloxéra frappe le Gard dès 1867, Carcassonne 15 ans plus tard


1874 : le phylloxéra amène des viticulteurs du Gard, parmi lesquels des protestants : 250.

« Des familles entières, dont les intérêts se rattachent au commerce des vins, ont quitté, pour venir se fixer à Carcassonne, des contrées absolument ruinées par la maladie de la vigne, dans lesquelles une portion considérable de la population appartient à la religion réformée : l’Hérault, le Gard ».


Le pasteur sera payé par l’Etat jusqu’en 1905, mais les communes doivent payer son loyer , ce qu’elles refusent souvent, faute de protestants


1878 : Adolphe Monod est le 1er pasteur, il épouse Amélie Rives de Mazamet


Considéré comme opposant à Napoléon III, il avait été exilé en Angleterre et aux Etats-Unis.


1878 également : un pasteur à Narbonne où en raison du phylloxéra on est passé de 30 fidèles à 270 et parce que La Nouvelle attire beaucoup de coreligionnaires l’été


A Carcassonne, 400 F pour le loyer du pasteur = ce qui est versé aux curés de St Michel et St Vincent, mais A.Monod affirme que c’est à peine la moitié de ce qu’il paie, il demande 700 car famille de 8 personnes.

Les recettes de la communauté = 860 F contre 16 300 à St Michel (5% )


3.le temple : « prurit antiprotestant » fin XIXe : fièvre nationaliste après 1870

et on met dans le même sac juifs, F-M et protestants : c’est l’anti France.


A Carcassonne, hostilité à la fois des catho conservateurs que des radicaux anticléricaux comme O. Sarraut qui mettent dans le même sac catho et protestants


Echec d’une vente en 1885 quand le vendeur apprend qu’il s’agit d’un temple


Vente en 1888 de 191m2 par un négociant en vin à 45 F le m2 mais le terrain plus la construction doivent coûter 39 000 francs.

La ville alloue 7 500 F, le ministère des Cultes 2 000, les villes voisines

14 000.

Manquent 15 000 francs.


Le temple est construit en 2 ans car quête d’A. Monod en Europe (Suisse, Angleterre)


Style anglican sans faire une façade trop agressive avec vitraux : le bâtiment s’efforce de ne pas trop choquer les Carcassonnais.

Artisans connus : Dauriac, Ajac, Deleu (serrurier) le sculpteur Guilhot


4) La communauté : bataille de chiffres pour les effectifs . 250 en 1874 ds l’Aude dont moitié à Carcassonne, puis 185 à Carc en 1877 (phylloxéra) sur lesquels nombreux officiers et sous officiers, ce qui peut expliquer les variations de l’effectif.

A côté de gens plus modestes, certains ont une place importante dans la société (chefs d’entreprise, négociants, haut fonctionnaire) mais ni médecin ni homme de loi.

Ils connaissent lois et règlements et en tirent le meilleur profit avec opiniâtreté


Suite à loi de 1905 une assemblée presbytérale est constituée présidée par le pasteur avec pour secrétaire Félix Barbut (négociant en vin et trésorier F.Lauth


III.LES LAUTH , BRASSEURS CARCASSONNAIS


En 1816, se fixe à Carcassonne Alexis Verguet, père du célèbre chanoine, jurassien et officier de Napoléon. Il fonde une brasserie rue Trivalle.


Peu versé en brasserie, on peut supposer qu’il avait amené avec lui des techniciens dont :


Les fils du premier achèteront sa brasserie à Verguet vers 1860 et garderont le nom de Fritz Lauer


Le second, qui habitait rue Trivalle, s’établit à son compte à l’angle rue du Marché-Boulevard Sarraut (Chez Fred = la cour) ; en 1842 il abrite le culte.


3 générations :


Philippe I (1812-1848) le fondateur


Philippe II (1840- 1904 ) semble être le trésorier de la communauté protestante et en relations constantes avec protestants alsaciens, tarnais et de Montauban


Frédéric (1864-1945)

Ingénieur, chimiste qui met au point l’hordéine, médicament contre la diarrhée.

Adjoint au maire Tomey, hygiéniste (il veille sur les bassins filtrants mis en place à Maquens)

Implication dans œuvres caritatives : habitations Bon marché, caisse d’Epargne

Organiste,il est à l’origine de la souscription pour la stèle de Paul Lacombe dès 1929.


Inventaire 1905 : Une brasserie réclame beaucoup d’espace :2 000 m2 au sol, et avec les appartements et les étages on arrive à plus de 6 000 m2

Matériel considérable d’où des capitaux importants : 625 000  000 francs or alors que salaire mensuel ouvrier = 100 francs, soit 6 250 mois, ce qui au Smic donnerait 8 millions d’euros ( Smic à 1 350 euros)


Commercialisation : 1/ 5 à Carcassonne, 18 cafés/ sur 27

60% dans l’Aude

1/5 hors du département

125communes au total


La brasserie ferme en 1940 : guerre mais pas seulement car Fritz Lauer produisait 20 000 hl avec une vingtaine d’ouvriers contre 300 000 à Champigneulles :

Concentration et il aurait fallu automatiser mais pb d’argent ; éloignement des matières premières comme des débouchés.


Conclusion : Avec F. Lauth, on voit le chemin parcouru en quelques années

= implication protestante dans la société, bien différent des problèmes rencontrés à la fin du XIXe s



Annexe : L’ex de Mas Saintes Puelles grâce à Me de capella (Sesa 1984)

Montre que nos connaissances dépendent des documents et des recherches menées.


Eglise dressée (ministre et consistoire) dans le Lauragais = une seule : Castelnaudary et seulement de 1559 à 1563.

Ensuite une seule, au Mas de 1578 à 1630 environ puis communauté fragile qui disparaît vers fin XVIIe avec la révocation, précédée d’abjurations (24)


Les protestants vers 1575 s’efforcent de tenir une ligne de villages au sud de la route Toulouse-Carcassonne (le Chemin français) afin d’inquiéter par des raids les catho de la plaine. C’est une ligne avancée par rapport aux places fortes plus au sud de l’Ariège (Mazères) et de Brugairolles


Echec de Joyeuse qui veut rétablir la situation devant le Mas en 1586, mais isolement progressif car les autres places toment avant ou après.


Il est malaisé de faire le départ entre vrais protestants et aventuriers : soldats qui défendent l’église dressée peuvent comprendre des non protestants venus d’ailleurs.

En 1622 devant l’armée royale les délégués du Mas signent les capitulations et ville incendiée mais on ne sait par qui.


Une communauté réformée s’est toutefois maintenue , mais problème pécuniaire, du pasteur et du lieu de culte : certains vont à Castelnaudary et la communauté semble disparaître du mas vers 1630, culte catho rétabli au plus tard en 1645

.

Castelnaudary a tenu bon face aux réformés avec présidial, collège , l’argent : domination économique et politique parachevée par la disparition du Mas comme place protestante . Le besoin de spiritualité était il communément répandu ?

Fait protestant dans le Lauragais trop tardif et trop minoritaire .