Ce texte date de plus de 10 ans, il garde malheureusement toute son actualité…

Nous avons, cet été, beaucoup entendu parler de papiers, surtout à propos de ceux qui n’en avaient pas.. Moi qui m’était fait piquer les miens à l’étranger, j’ai bien compris que c’était important, les papiers, ayant été moi-même un étranger-sans-papiers.

Ce fut, pour moi, en ces jours-là, un petit marathon… J’ai dû, moi aussi, fréquenter les commissariats, courir les consulats, et même faire jurer à des inconnus que j’étais bien qui je suis, et de nationalité française. Bref, être un sans-papiers n’est pas une sinécure et l’on a bien quelques angoisses lorsque, assis sur un banc dans un aéroport, on attend un papier pour pouvoir rentrer chez soi…Mais j’ai bénéficié, semble-t-il, d’un traitement de faveur, car on ne m’a jamais forcé à monter dans l’ avion… on a même plutôt eu tendance à vouloir m’en empêcher !

D’où vient, me direz vous, cette différence de traitement ? D’où vient que de deux situations somme toute assez semblables, donnent des résultats si différents ?

C’est que, voyez-vous, je suis du bon côté.. Lorsque je vais à l’étranger, ce n’est pas pour gagner du fric, mais pour en dépenser ! Du coup, je ne fais peur à personne, si ce n’est par ce pouvoir honteux que procure l’argent.

Maudits papiers, barrières entre les humains, qui permettent aux uns de décider de la vie des autres, de les contrôler, voire de les maltraiter !

J’ai entendu, l’autre jour, au détour d’une manifestation, le slogan « Des papiers pour tous ! » et je me suis soudain demandé si le mot juste n’aurait pas été « Plus de papiers pour personne ! »

Imaginez un monde sans papiers.. ! Les hommes y seraient égaux et frères, toute barrière aurait été brisée parce que nous aurions appris à partager.. Nous aurions pu, enfin, faire un grand feu de joie avec nos papiers, car le Royaume de Dieu se serait approché.

Jean-Pierre PAIROU
Septembre 1996