Aumônier à la Maison d’arrêt de Carcassonne

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Depuis un an j’exerce ce Ministère. Il me remplit à la fois d’émotions et il me bouleverse par la profondeur des rapports humains qui se manifestent à chacune de mes visites. Je n’ai pas choisi mais j’ai été guidé ou inspiré par l’humanité des rapports et la déshumanité de l’enfermement. Sur le chemin qui me conduit à cet univers carcéral, je me laisse habiter par ces rencontres que je vais voir et je me réjouis de ces futurs échanges. Même si le bruit des clefs rompt le silence du matin, elles n’ouvrent pas que des portes, mais elles ouvrent aussi mon cœur, et une joie indicible remplie tout mon être.

 Maintenant, je franchis tous ces passages obligatoires, un rituel immuable, et l’attente me rend impatient et à la fois absorbé déjà par l’échange qui va se produire. Alors commence une conversation, et au fond de moi, je me dis, ne parle pas, écoute. Je me complais quelquefois dans le silence, et je sens que la parole de celui qui est en face de moi se libère car je lui donne le pouvoir de s’exprimer et il comprend qu’à cet instant tout le superflu a disparu et que je ne suis qu’attentif à ses paroles. Entrer dans ce silence formidable m’a donné conscience de cette chose incroyable qu’est l’écoute. Et dans ce silence j’entends celui qui me parle. Nous partageons ensemble cette acceptation de ce qui se dit et je reçois ce qu’il me dit avec bienveillance. Chacun apporte aux mots son histoire individuelle, sans pour autant être totalement complaisant. Je me demande après ces visites comment les mots, la Parole, les prières que j’ai transmises ont-ils pu rejoindre sa vie ?

 La question est posée mais l’émotion de cette rencontre répond elle-même à la question, car sans cette émotion je n’aurais pas rencontré l’autre. Ces moments sont éphémères, irréguliers mais au travers de celui que je rencontre à chaque fois je franchis un cap, et je me révèle à moi-même et je prends conscience que cette écoute, ce matin, qui s’est faite dans une indéniable simplicité, dans ce besoin de relation directe, s’est faite de façon spontanée mais ce n’était pas pour autant de l’improvisation. Je ne cherche pas de réponse mais il m’est donné par ce ministère de ne plus vivre à la surface des choses et cet invisible dont je ne connaissais rien a été pour moi le révélateur de l'amour du Christ pour l’humanité tout entière.

 Je tourne mon âme vers l’Esprit pour pouvoir ensuite dire que l’autre et moi-même nous nous sommes enrichis car nous sommes différents. Je rentre et je remercie le Seigneur de m’avoir donné cette force dont j’avais besoin et d’avoir été présent à mes côtés.

Michel Pujol (mars 2019)