Synode Lyon ...la suite 1

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Article de presse (La Croix) suite au synode national à Lyon:

 Protestantisme, un « trésor » pour les catholiques...

http://www.la-croix.com/Religion/Spiritualite/Protestantisme-un-tresor-pour-les-catholiques-2013-05-10-958362

À l’occasion du premier synode national de l’Église protestante unie, le week-end du 11 mais à Lyon, témoignages de catholiques dont la foi et l’engagement ont évolué au contact de protestants, réformés ou luthériens. Une nouvelle Église protestante unie de France.


Il en parle comme d’un « trésor ». Le P. Adam Strojny n’évoque pas son héritage catholique, mais « la conviction de la gratuité absolue du salut » qu’il reçoit de ses « frères et sœurs protestants ». « Non pas que j’aie jamais cru pouvoir me sauver moi-même, précise-t-il. Mais comme catholique, je suis un peu imprégné de la nécessité de faire des choses pour accueillir la grâce. Or je sens que l’insistance protestante sur ce don qui nous dépasse totalement m’aide à mieux équilibrer ma relation à Dieu. »

Prêtre polonais, le P. Adam Strojny, 39 ans, était « un peu effrayé » par l’œcuménisme durant ses études, reconnaît-il aujourd’hui, mais en approfondissant l’enseignement du concile Vatican II, il s’est découvert une passion pour l’unité des chrétiens et a quitté son diocèse pour entrer au Chemin-Neuf. Depuis, dans le dialogue avec d’autres frères luthériens de cette communauté catholique à vocation œcuménique, il dit ne cesser de « creuser davantage les raisons » de sa foi et « corriger certaines étroitesses ». « Même si je reste fidèle et reconnaissant pour mon Église qui reconnaît le corps du Christ dans les Saintes espèces, j’ai encore mieux compris au contact des protestants que c’est aussi l’Église qui est le corps du Christ auquel on communie. Ce qui est d’ailleurs plus en phase avec l’enseignement des Pères de l’Église. »

« ON DEVIENT APÔTRES EN S’INTÉRESSANT VRAIMENT À LA VIE DES AUTRES »
Comme le P. Strojny, de nombreux catholiques, amenés à côtoyer des protestants réformés ou luthériens au sein de groupes œcuméniques, de couples mixtes ou d’associations caritatives, témoignent de l’apport considérable de cette sensibilité chrétienne à leur propre foi. En particulier dans la relation à la Parole de Dieu, même si les catholiques se sont réapproprié la Bible depuis Vatican II.

Lorsqu’elle a commencé à accompagner son mari, protestant réformé, au culte, à Avignon, Valérie Riedel appréhendait une « sous-messe ». Mais très vite, cette catholique quadragénaire a été séduite par la liturgie de la Parole. « Notre ami pasteur consacre dix à quinze heures à la préparation de l’homélie du dimanche ! Je trouve ses prédications bien plus nourrissantes, avec de nombreux ponts entre les différents livres et versets de la Bible. »

Mère de cinq enfants qu’elle a élevés dans les deux confessions, elle affirme aussi y trouver une plus forte prise en compte du monde et du lien entre « notre vie et ce qu’apporte le Christ » : « Une militante de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) vient chaque mois au temple relayer l’appel d’une personne détenue à l’étranger, en nous racontant son sort : on devient apôtres en s’intéressant vraiment à la vie des autres. Ça m’a ouvert les yeux. »

Aussi, ce qu’elle juge bénéfique dans la paroisse de son mari, Valérie l’importe dans la sienne, comme ce « déjeuner pour les isolés » inspiré d’une initiative protestante. À l’inverse, elle raconte avoir soufflé au pasteur qu’elle souhaitait que ses enfants « apprennent aussi à prier à l’école biblique ». « Par pudeur, peut-être, ils ne le faisaient pas, mais par la suite, ils ont pris le temps avec les enfants. »

Cette « lecture originale » de la Parole de Dieu, Gilbert Ioos, 74 ans, l’attend impatiemment chaque dimanche, en regardant le culte sur France 2, avant d’aller à la messe dans sa paroisse de Sainte-Bernadette à Versailles. Avec son épouse, cet ancien directeur des ressources humaines fréquente aussi régulièrement les offices des Diaconesses de Reuilly. Longtemps, son groupe de prière, composé de catholiques et de protestants du monde de l’entreprise, s’est réuni chez les sœurs protestantes. Et c’est sous l’étiquette de la Cimade, un mouvement d’origine protestante soutenant les migrants, qu’il intervient en prison depuis une quinzaine d’années.

« MOINS À L’ÉTROIT DANS MON ÉGLISE »
Ses relations étroites avec les chrétiens de la Réforme sont pour lui une bouffée d’air frais. « Il y a des sensibilités très diverses, et ce que m’ont apporté les protestants, c’est justement de me sentir moins à l’étroit dans mon Église. » C’est un ami de Tarascon, Raoul Coq, bénévole lui aussi, qui l’a invité à rejoindre la Cimade. Et comme Gilbert, sans songer à quitter l’Église catholique, Raoul s’inspire de la « sobriété qui permet d’aller à l’essentiel » des protestants qui l’entourent. « Que ce soient mes amis protestants, syndicalistes, ou cette pasteure allemande si engagée auprès des immigrés à Avignon : ils vont au cœur des choses. »

Paradoxalement, certains catholiques constatent qu’il leur est plus difficile d’échanger avec des catholiques traditionalistes qu’avec leurs partenaires réformés ou luthériens. Certains reconnaissent que ces affinités confessionnelles peuvent parfois les faire douter de leur identité religieuse. Mais la plupart en sortent au contraire renforcés dans leur propre foi.

« Au cours d’une retraite Cana, au Chemin-Neuf, j’ai reçu un amour de l’Église catholique que le protestantisme n’a pas fait disparaître. Bien au contraire. Et pour Georges, mon mari, c’est pareil. Lui-même, réformé, s’est engagé au conseil presbytéral de sa paroisse pendant huit ans lorsque nous vivions à Paris », raconte Élisabeth Lawton, 50 ans.

Installé à Levallois, le couple mixte, qui a élevé ses cinq enfants dans les deux confessions, s’est engagé depuis dix ans au Chemin-Neuf. « Ma rencontre avec le Seigneur est passée par le pardon et j’ai redécouvert le trésor que nous avons dans le sacrement de réconciliation, poursuit Élisabeth. Mais j’apprécie aussi le fait que les liturgies réformées soient moins écrites : du coup, tout ce qui touche à la demande de pardon au début du culte est un vrai temps de repentance. »

Pour Valérie Riedel, les échanges avec son mari et le désir de transmettre à ses enfants sa tradition catholique ont été l’aiguillon pour approfondir sa relation à Marie. « En lisant la Bible, j’ai découvert à quel point aucune autre figure n’incarne aussi bien la joie et l’allégresse. Je ne la prie pas en tant que telle mais je lui demande d’intercéder auprès du Christ. »

CÉLINE HOYEAU

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