27/09/2015 Narbonne Culte d'installation

Prédication de Charles Klagba lors du culte de son installation comme ministre de l'Ensemble de l'Aude, le 27/09 au temple de Narbonne.

« Un chemin de conversion »

 

Textes bibliques: Nombres 11 : 25-29; Marc 9 : 38-48

 

MESSAGE

 

Dans l’Evangile de ce jour, Marc nous plonge dans un des temps importants d’enseignements que Jésus donne à ses disciples pendant leur parcours vers Jérusalem.

Il faut rappeler que ce temps d’instruction de Jésus consacré à ses disciples commence déjà au chapitre 8 où Jésus se livre avec ses disciples à un petit sondage d’opinions et profite de cette occasion pour sortir ses disciples de leurs rêves nourris de grandeur, de succès et de puissance. Il va leur faire comprendre qu’être Messie de Dieu, c’est se faire la victime de la violence des hommes et la surmonter.

L’Evangile du dimanche dernier rapporte comment, comme nous aussi, les disciples soulèvent entre eux un débat curieux sur celui qui sera le plus grand dans le Royaume.

Dans son enseignement, Jésus change le contenu de la question.

Pour lui, l’enjeu n’est pas le grand mais le premier, non pas de l’ordre du quantitatif, mais de ce qui est prioritaire, le premier. Le premier pour lui, c’est le dernier. Le premier pour lui, c’est le serviteur. Le premier pour lui, c’est l’enfant. Jésus veut nous dire qu’« être grand » devant Dieu ne se mesure pas selon les critères du monde mais en des termes d’une plus grande valeur. Jésus invite à regarder à lui ; ce qu’il a choisi d’être et de vivre. Il sera le dernier des derniers sur la croix. Il se définit comme celui qui sert. Il s’est fait enfant dans son incarnation, en prenant la forme humaine. C’est sa manière à Lui d’être premier.

On a l’impression que malgré la série d’enseignements le groupe de ceux qui suivent Jésus, les disciples, ont vraiment du mal à entrer dans sa logique.

L'Evangile de ce dimanche nous présente les disciples réagissant face une situation : ne devrait-on pas interdire aux gens qui n'appartiennent pas au groupe des disciples (le club des douze) d’agir et surtout de faire du bien à ceux que le mal enchaine « au nom de Jésus? ».

Les disciples sont témoins d’un miracle opéré par un homme extérieur à leur groupe et au nom de leur maître. Alors ils tremblent, ils sont insécurisés : « Maître, nous avons vu un homme qui chasse les démons par ton nom et nous avons cherché à l’en empêcher, parce qu’il ne nous suivait pas » Marc 9 : 38

L’évangéliste Luc qui lui aussi rapporte ce même récit, est un peu plus explicite sur la préoccupation des disciples : «  parce qu’il ne te suit pas avec nous » Luc 9 : 49

Quant un groupe se sent menacé à cause de ses propres fragilités et incertitudes alors surgit inévitablement la question d’appartenance, même d’identité.

Un homme se met à agir non seulement en relation avec le Seigneur, mais aussi en son nom.

Il pose un acte « en son nom ». L’inconvénient est que cette personne n’a pas d’appartenance reconnue au groupe constitué par Jésus et ses disciples. C’est quand même un scandale ! C’est un désordre qui pointe à l’horizon et ce n’est pas acceptable ! Les disciples, et Jean en particulier, réagissent. Se prenant pour des propriétaires privilégiés de l’appel de Jésus, ils veulent canaliser et privatiser la puissance de Dieu, délimiter d’avance le champ de sa miséricorde. Ils ont du mal à accepter que quelqu’un qui n’appartient pas à leur groupe puisse intervenir au nom du chef du groupe sans autorisation préalable. C’est une question de légitimité ou même de responsabilité !

Dans ce contexte, Jésus va peu à peu ramener les disciples à la question essentielle. Notre Seigneur dessine, définit et précise une façon fondamentalement nouvelle d’être ensemble, d’appartenir.

L’appartenance au Christ n’est pas exclusive, elle est une porte d’ouverture sur les autres.  Jésus fait d’abord remarquer à ses disciples que faire un miracle en son nom, ce n’est pas un acte d’hostilité mais au contraire qu’il faut s’en réjouir.

Ensuite Jésus énonce un principe qui établit un nouveau mode d’appartenance : « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ».

À l’intolérance des disciples, s’oppose l’accueil et l’ouverture de Jésus. Les disciples voulaient s’en prendre à ceux qui ne suivaient Jésus que de loin, et de l’extérieur. Jésus, au contraire, les prend pour partenaires.

Frères et sœurs, la réponse que Jésus adresse à Jean dans notre passage vient s’opposer à cet esprit de sectarisme et nous invite au contraire à accueillir avec bienveillance et délicatesse tous ceux qui nous entourent : « Ne les empêchez pas…. Celui qui n'est pas contre nous est pour nous. ».

 

Au lieu d'être jaloux du bien qui se fait ailleurs, au lieu de vouloir monopoliser Dieu, le Christ nous invite à élargir notre cœur, à nous émerveiller de tout ce que l'Esprit-Saint fait dans le cœur des hommes et des femmes, même s'ils ne sont pas des nôtres.

C’est ce que nous rappelle aussi le livre des Nombres notre premier texte. A la suite de l’Exode, les hébreux sont au désert sous la conduite de Moïse. Pour Moïse, la charge est lourde à porter. Les hébreux râlent régulièrement contre lui. Alors, pour le soulager dans cette charge, Dieu lui adjoint 70 hommes auxquels il donne une part de son Esprit. Cependant un problème se pose : deux hommes, Eldad et Médad, se mettent à prophétiser dans un cadre qui n’est pas prévu. Josué voudrait les arrêter.

Peut-on empêcher l’Esprit de Dieu de souffler où il veut ? Personne n’en a le monopole.

C’est vrai aussi pour nous les chrétiens : l’Esprit Saint n’agit pas que dans le cadre défini par les humains. Il intervient aussi ailleurs et de manière que nous ne pouvons toujours soupçonner. Alors, nous devons respecter le cheminement des uns et des autres, laisser mûrir l'œuvre de Dieu en eux. Sans toujours le savoir, - suggère Jésus,- ils font déjà route avec nous.

Dans cette nouvelle perspective d’appartenir, d’être ensemble, inaugurée par Jésus, s’introduit pour chacun de nous l’obligation d’un grand respect pour autrui quel qu’il soit. Il peut lui aussi être ou devenir l’ami de Jésus par son chemin propre.

Notre action, frères et sœurs, ne doit pas empêcher l’autre quel qu’il soit d’aller aussi modestement qu’il le peut vers son Seigneur à partir de sa propre situation, à partir de sa foi, à partir de son propre chemin.

Ceci nous amène à ne pas négliger, ce qui, dans nos faits et gestes pourrait empêcher l’autre de croire ou de s’épanouir.

« Si ta main doit causer ta chute, coupe-la ».

En utilisant des images très brutales, comme celle de se couper la main si celle-ci nous entraîne au péché, le Seigneur nous demande de nous engager radicalement dans notre lutte contre le mal, contre le réflexe d’exclusion qui pourrait nous ronger. Il peut arriver qu'on soit obligé d'amputer un de nos membres pour sauver la santé et la vie de tout notre être. C'est aussi vrai sur le plan spirituel.

Si Jésus nous demande parfois des ruptures, des détachements, des renoncements, ce n'est jamais pour rétrécir notre vie, mais au contraire pour l'accomplir. Il s'agit d'oser nous libérer de tout ce qui, en nous, est complicité avec le mal. Ce respect envers autrui, le Seigneur nous demande de le tourner vers nous-mêmes aussi. N’abîmons pas en chacun de nous la foi qui cherche à grandir. Et pour cela, nous nous devons d’écarter ce qui nous empêche de suivre le Christ, de vivre notre foi. Les images fortes, les amputations diverses dont parle Jésus, sont là pour montrer la radicalité de l’engagement qu’il attend de nous.

Frères et sœurs, dans l’Evangile de ce jour, le Christ nous montre un chemin de conversion. Il nous demande de couper et de trancher. Il ne s’agit pas de se mutiler mais de renoncer à la soif d’exclusion et d’embrasser le chemin de la tolérance. Il nous est demandé d’être ouverts, accueillants, reconnaissant en l’autre le don de Dieu.

Ce choix d’ouverture est forcément, pour nous frères et sœurs, une bonne nouvelle. C’est une bonne nouvelle selon laquelle un avenir est possible, une ouverture est offerte, un chemin est préparé d’avance sur lequel chacun, chacune peut trouver dignité, cohérence et joie d’être aimé par Celui qui nous a crées, et nous établit comme des serviteurs, toujours porteurs d’espérance.

« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous », dit Jésus ; et c’est en son nom que nous sommes rassemblés…

Donne-nous, Seigneur, de vivre en conformité avec l’Evangile. Libère-nous de nos enfermements et fais de nous de vrais témoins de ton Amour. Amen !

 

Charles KLAGBA