22/05/2016 Sainte Trinité

EPUdF à Carcassonne

Dimanche de la Sainte-Trinité

22 mai 2016

Prédication d'André Bonnery

Jn 16, 12-15.


 

Chez les protestants on n’aime pas les vérités toutes faites, celles que l’on vous présente, « bien ficelées » : voilà ce qu’il faut croire. Surtout si l’on ajoute, lorsque l’on a du mal à comprendre : « c’est un mystère » ! On a bien raison de se méfier de cette vue des chose, car Jésus seul est la Vérité. Quant à nous, nous essayons de cheminer vers la vérité.

Les protestants se méfient des dogmes qui prétendent enfermer la Vérité et ils ont bien raison. Le message évangélique est beaucoup trop riche pour être enfermé dans des formulations dogmatiques.

Souvent, dans les cercles d’études bibliques ou dans les discussions à bâtons rompus, j’ai entendu dire : « Moi, la Trinité, je ne vois pas trop. Le Père, ça peut aller. Le Fils, je comprends mieux, mais le Saint-Esprit… » Même si l’on remplace Esprit par souffle, rouah ou pneuma, est-ce plus clair ?

En fait, les chrétiens ont mis bien longtemps avant d’utiliser le mot de Trinité. Le premier à l’employer, c’est Tertullien, vers l’an 200. Puis Origène, à peine un peu plus tard. Quand à faire de la Trinité un dogme, il a fallu attendre les Conciles de Nicée et Constantinople, au IV° siècle (trois cent cinquante ans après la mort de Jésus).

Pourtant, les notions de Père, de Fils et d’Esprit ne sont pas une invention des théologiens ou des Pères de l’Eglise. Ces termes sont dans l’Ecriture. Les Pères ont essayé de les comprendre et on ne les en blâmera pas. Cependant on aurait tort, aujourd’hui, de croire qu’ils ont  tout dit de l’ineffabilité des Dieu en l’enfermant dans des concepts en usage dans la culture philosophique de leur temps. Par conséquent, plutôt que de recourir aux définitions du passé, essayons de comprendre ce que Jésus a voulu nous dire de Dieu dans ces versets de Jean 16 que nous venons de lire. C’est là, je crois, une vraie démarche protestante.

« Lorsque l’Esprit viendra, il ne parlera pas de son propre chef mais il dira ce qu’il entendra et il vous communiquera tout ce qui doit venir(v.13)

  Il recevra de ce qui est à moi et il vous le communiquera (v.14)

Qu’est-ce que cela signifie? L’Esprit ne peut pas communiquer autre chose que ce que Jésus à dit. Pour parler plus trivialement, il est, le « répétiteur », une sorte de pédagogue qui ferait comprendre ce qui a déjà été proclamé. Mais Jésus précise aussitôt : « Tout ce que mon Père possède est à moi » Autrement dit  tout ce que je sais et que je vous transmets,  vient de mon Père. Déjà, dans le premier chapitre de son Evangile, Jean déclarait que  le Fils incarné est « le Verbe », la parole du Père. Tout vient du Père ; le Fils est Parole du Père ; l’Esprit nous fait comprendre cette parole.

Voilà révélée en des termes simples l’absolue transparence des relations entre Père, Fils et Esprit. Entre eux, tout est partagé, reçu et donné. L’Esprit renvoie au Fils et le Fils au Père. Communion parfaite des Trois. Ce qui est à l’un est totalement à l’autre. Voilà ce qu’est la Trinité. Notre Dieu n’est pas un Etre statique, immuable, dans une ailleurs inaccessible, il est une RELATION et il veut communiquer aux hommes une parcelle de sa nature.

Dieu offre le modèle parfait de ce que devraient être les relations entre les hommes. Il est l’expression la plus haute du bonheur d’aimer et d’être aimé

Jésus est venu nous révéler ce Dieu. Il est

-Père pour nous,

-Fils avec nous,

-Esprit en nous.

Ces quelques versets du chapitre 16 de Jean nous font ainsi pénétrer dans la compréhension de ce qu’est Dieu. Mais ils nous disent autre chose encore sur la pédagogie de Jésus à notre égard.

            Christ n’a rien écrit, nous le savons. Il n’a pas non plus tout dit. C’est lui qui le précise : v. 12 « J’ai encore bien des choses à vous dire mais vous ne pouvez les porter maintenant. » Cela signifie en clair : vous ne pouvez comprendre maintenant ce que j’aurais encore à vous dire.

Si l’on veut bien se donner la peine de relire les Evangiles attentivement, on s’aperçoit que Jésus a rencontré beaucoup de difficultés dans sa mission. Certes, les disciples écoutaient, étaient parfois séduits, mais souvent ils ne comprenaient pas grand choses à ce que le Maître disait ou faisait, ou bien ils comprenaient de travers. Jésus s’en plaignait.  Il arrivait même que les apôtres soient dubitatifs ou scandalisés en raison de ce qu’ils entendaient. Même lorsqu’il parlait en paraboles, c'est-à-dire de manière imagée pour mieux se faire comprendre, il n’était pas sûr que la leçon ait été entendue et alors expliquait le sens de ce qu’il venait de dire. Voyez la parabole du semeur…

…Et ne parlons pas de ses ennemis, scribes, pharisiens et sadducéens qui étaient franchement bloqués par son enseignement. Leur opposition apparait tout au long de l’Evangile de Jean. Jésus interpelle, choque, provoque les religieux de la nation juive. Ses propos était parfois trop clairs et provoquaient des blocages chez ses auditeurs qu’il remettait en cause.

Ce qui était vrai hier, l’est aujourd’hui aussi. La parole de Jésus tranche dans le vif, interroge et oblige à se poser des questions. Aurions nous été mieux disposés que les apôtres si Jésus nous avait donné son enseignement de vive-voix ? Voila pourquoi il déclare : « J’ai encore bien des choses à vous dire que vous ne pouvez porter » (v.12). Quelques versets plus haut, dans le même chapitre 16, il annonçait : « Il vous est avantageux que je m’en aille. » J’imagine que les apôtres ont dû être interloqués par cette déclaration. Ils ont dû penser : il nous laisse tomber ; à quoi bon tout ce qu’il nous a dit ; et nous qui lui faisions confiance, qu’allons nous devenir ?

En écrivant ce chapitre 16, Jean l’évangéliste devait avoir en vue la situation des chrétiens de l’an 90, soit une soixantaine d’années environ après le départ de Jésus. Ils étaient désemparés, soumis à la persécution, divisés entre eux, cherchant quelle orientation prendre… N’est pas la situation de bien des chrétiens de nos jours et, au moins en partie, notre situation ?

Jésus n’est pas présent physiquement parmi nous, comme il l’était auprès des apôtres, mais nous lisons son Evangile dans le Temple ou à la maison, nous écoutons avec attention ce qu’il nous dit, nous nous émerveillons peut-être de la profondeur et de la richesse de son enseignement. Pourtant cela ne suffit pas. Si nous nous contentons d’écouter nous resterons peut-être des élèves attentifs, mais qu’est-ce que cela changera ?

« Etre chrétien, pour quoi ? » tel était le thème de nos derniers échanges publics dans le temple, mercredi dernier. Etre chrétien et agir comme tels. Il nous faut voler de nos propres ailes.  C’est ce que Jésus a demandé aux apôtres de faire quant il leur a annoncé qu’il leur était bon qu’il s’en aille. Après le départ du Maître, il leur a fallu « devenir des acteurs de la Parole, des acteurs de son Evangile », selon l’expression du théologien protestant Paolo Ricca. La même chose nous est demandée.

Jésus ne répondra pas aux questions qui se posent à nous aujourd’hui, pas plus qu’il n’a répondu à celles des contemporains de l’apôtre Jean, ni a celles des chrétiens de tous les temps. Mais il nous a donné les outils pour que nous répondions nous-mêmes aux questions présentes et à venir.

Heureusement que Jésus est parti, car nous sommes maintenant confrontés à cette question : comment nous approprier son projet ? Quand et comment expérimenter enfin son Evangile. Si cela avait été fait, sérieusement, on le saurait. Car enfin, nous l’avons expérimenté un peu, mais de manière si incomplète !

En fait, ce dont nous avons besoin, maintenant que Jésus nous a délivré son message, c’est de détermination,, de lucidité, de courage, d’ins-pi-ra-tion. Mais justement, si Jésus est parti vers son Père, il nous a laissé son Esprit pour nous donner son souffle, pour nous ins-pi-rer. Jésus nous a laissé « l’Esprit Saint, Dieu avec nous », disions-nous tout à l’heure. Nous ne sommes pas seuls. Pour faire face à la réalité des situations et des questions d’aujourd’hui, nous avons l’Esprit de Jésus et du Père. « L’Esprit de Vérité vous fera accéder à la Vérité toute entière » (v.13). L’auteur du 4° Evangile en a fait l’expérience. Toute situation à laquelle nous sommes confrontés est à analyser  dans sa vérité.. Nous sommes responsables et n’avons pas à nous réfugier derrière une autorité supérieure ou derrière une réponse apprise. Par contre nous avons à disposition l’Esprit de Vérité qui nous éclairera sur ce qui vient de Jésus et du Père (v.14).

Pour nous, chrétiens, il s’agit de vivre l’Evangile en vérité, dans le XXI° siècle. Il nous faut sortir de nos abris, y compris de nos temples pour nous offrir aux vents de l’Esprit. C’est à ceux qui prennent ce risque qu’appartient la promesse : la découverte de la vérité, c'est-à-dire la compréhension de ce que Dieu veut pour nous. C’est dans l’accomplissement de cette volonté, dans ce plan divin pour nous, que se trouve forcément notre bonheur, plein et vrai.