31/03/2019 4e dim. carême : prédication Michel Pujol

CULTE DU DIMANCHE 31 MARS 2019

 

PREDICATION

 

 

Le Seigneur nous offre ce dimanche la parabole de l’enfant prodigue ; certains parlent plutôt du drame du père miséricordieux avec ses deux fils.

 

C’est une parabole connue, que l’on peut retrouver sur notre propre chemin spirituel, et dont la lumière continuera à éclairer les hommes et peut-être nous-mêmes sur leurs desseins personnels.

 

Ce jeune homme, c’est enfant prodigue, considère son père comme un obstacle à son bonheur et il décide ainsi de s’en aller, loin, hors de cette présence familiale qui semble lui peser et être un obstacle à sa liberté. Il refuse la loi du père et il pense que pour cela il doit s’affranchir des règles de la société familiale, il doit rompre avec son père et donc avec son frère.

 

 Non seulement ne pas vivre ensemble, mais ignorer tout lien fraternel puisqu’il part sans rien dire à son frère. Il se contente de tuer symboliquement son père en demandant sa part d’héritage, celle qu’il aurait reçu à la mort de celui-ci.

 

Mais, il va dilapider follement tout ce que son père lui a donné, tout ce qu’il a reçu de lui. Il s’éloigne pour ne pas subir le courroux, pour ne pas supporter de remarques, pour ne pas être tenu par les conseils paternels. Il part aussi loin que possible, désireux de n’avoir plus ni Dieu, ni maître.

 

Cet abandon de la fraternité, cette façon de considérer que l’autre n’est pas mon frère, cela peut nous aider à comprendre aujourd’hui la cause profonde de la violence sociale actuelle.

 

Cette pseudo liberté qu’il s’est octroyé se dilue dans ses frasques, et le voilà rapidement dans une situation, qu’il n’imaginait certainement pas, mais qu’il a cependant lui-même provoqué, le voilà réduit à la pire déchéance, au dénuement le plus complet.

 

Un histoire somme toute banale de nos jours, ou du moins banalisée par l’égoïsme et l’indifférence. Nous connaissons autour de nous, proche de nous ou pas ou même dans notre famille cette histoire, Et s’est-elle achevée de la même façon ?

 

Sous le poids de la misère, ce fils prodigue a cependant un sursaut : il revient à lui-même, il se souvient de son ancienne condition, qu’il a renié, il se souvient des ressources paternelles, de la bonté du père dont il profitait des largesses.

Alors il se lève et prend le chemin du retour. Il va prendre conscience de sa situation et il va se repentir, reprendre le chemin de la maison familiale, de la société, en acceptant la loi de la maison.

 

La proximité de la mort peut être l’occasion d’une prise de conscience que ce n’est pas ainsi qu’on aura la liberté à laquelle on aspirait.

 

Libre et considéré même pas comme un cochon qui est pourtant un animal impur.  Et le père qui n’a jamais cessé sans doute d’attendre son retour et d’espérer, l’aperçoit de très loin et s’empresse de se porter à sa rencontre. Comment ? Les bras ouverts, les baisers. Et le fils tente de confesser sa faute mais n’est pas entendu par le père qui a pardonné. Les haillons sont échangés, il est paré de la tête aux pieds et déjà le repas de fête est organisé.

 

Les dispositions du cœur de ce père sont comparables aux dispositions de Dieu envers-nous, envers-vous. Ne craignez-pas mes frères d’aller vers Lui et vous serez reçu comme ce fils.

 

Hélas, la joie du père ne peut pas être complètement partagée. Le frère aîné qui n’aurait pas hésité à faire la fête avec ses amis , pendant que son frère était perdu, refuse de prendre part à la fête. Obstiné, son cœur est fermé, à l’amour, au pardon, à la fraternité, au partage. Son cœur est fermé à la grâce de Dieu.

 

Elle est extraordinaire cette parabole du père miséricordieux, elle nous guide sur le chemin de l’existence.

 

Le pardon du fils, demandé explicitement, devient effectif par le regard du père posé sur lui. C’est le père qui choisit de faire grâce au fils, c’est le père qui choisit de le voir autrement. Ce n’est pas l’attitude de son frère tout aussi différente, un frère qui ne comprend pas, mais qui ne veut pas ou ne peut pas imaginer autre chose que la culpabilité de son frère.

 

Comment le père pourrait-il avoir une autre attitude que la sienne ? Son fils mort revient à la vie ! Son frère devrait s’en réjouir ? Son père qui a eu si peur perdre son fils cadet, qui aurait pu être averti de sa mort, au contraire comment ne pas imaginer sa joie de voir que son enfant est revenu à la vie.

 

Mais le fils aîné ne vit pas selon la logique du plaisir comme son jeune frère. Il vit selon la logique du devoir, il fait tout ce qu’il doit faire. Il nous rappelle les pharisiens qui mettaient un point d’honneur à accomplir la loi, toute la loi. Il vit dans la logique du donnant-donnant.

 

Et au retour de son frère, il met à jour sa vraie nature. Injustice, frustration, jalousie, colère, hypocrisie de sa vie. C’est le temps de la rancune et la joie et le bonheur de l’autre lui sont insupportables.

 

Quand nous lisons cette parabole, des histoires de famille nous viennent à l’esprit, des histoires que l’on a pu connaître, de jalousie, de préférence de réjouissances qui nous semblent indues. Des fautes passées que nous n’oublions pas.

 

N’est-ce pas la même chose dans toute famille ? N’y a-t-il pas toujours le mouton noir ou le vilain petit canard, celui qui fait enrager, celui dont il faut payer les frasques ? N’est-ce pas normal de s’occuper davantage de celui qui risque le plus, de celui qui s’est égaré, de celui qui peut perdre sa vie ?

 

Combien de parents viennent au secours de leur enfant pour les aider quand leurs moyens de subsistance n’arrivent pas à combler les besoins d’une vie pourtant modeste et simple ? Pourtant il faut bien dire aussi que quand un membre de la famille vit à l’excès, il se crée un déséquilibre qui impacte tous les membres de la famille. Et là surgit une certaine fragilité, fragilité des rapports humains.

 

Le fils prodigue reconnaît ses torts. Pouvons-nous dire pour autant qu’il a changé de comportement et ce de façon profonde et durable ?  Personne ne le sait. Cette réhabilitation me paraît à moi, peut-être y avez-vous songé aussi, rapide et facile. Je pars, je dilapide tout ce que j’ai sans trop réfléchir et je n’ai plus rien, je reviens puisque je suis arrivé au bout de ma logique.

 

Cette attitude pose en moi une question importante qui doit, à vous aussi, vous effleurer l’esprit : comment lui faire confiance, c’est moi qui vais payer ses errements ?

Se pose vraiment à nous le problème de la faute et du rachat.

 

Mais quelqu’un doit-il payer ? Sinon comment exonérer le fils de ses fautes ? Pourra-t-on récupérer tout cet héritage dilapidé ? Et puis il est revenu, a-t-il droit à une autre part d’héritage ?  Dans une logique de biens et d’argent toutes ces questions peuvent se poser.

 

Mais est-ce la logique de Jésus ? Et y-a-t-il vraiment une logique dans cette parabole ?

 

Oui bien sûr avec notre Seigneur il y a toujours un sens à ses paraboles. Mais là je ne crois pas que le Christ veuille nous parler d’argent, de fortune ou de paiement d’un bien quelconque, je crois que pour notre Seigneur la logique qui régit cette parabole est plutôt celle de la valeur de la vie.

 

 

Et ce n’est pas le fils qui se donne cette valeur. La vie se reçoit toujours d’un autre, ce n’est pas un héritage dont on peut évaluer la valeur.

 

Dans la fraternité chrétienne, nous sommes tous frères et sœurs en Christ, ce qui veut dire que nous avons en commun de nous placer face à la vie en ouvrant les yeux sur sa dimension symbolique.

 

L’évangile transcende notre compréhension de la fraternité en nous disant que nous avons un Dieu commun et que nous sommes affrontés aux mêmes préoccupations ultimes et que nous avons une destinée commune.

 

L’évangile nous fait porter un regard transcendant sur l’humanité : celui qui transcende les clivages, les partis, les chapelles, les nationalités, les régionalismes, les familles, les amitiés.

 

L’évangile nous rend capable d’une éthique comparable à celle du père dans cette parabole. L’hospitalité, l’accueil, notre porte reste et doit rester ouverte à l’ensemble de l’humanité.

 

Dans cette parabole, l’important c’est de préserver la vie donnée par Dieu, mais aussi le père qui est témoin de la déchéance de son fils et du risque qu’il prend à détruire sa vie jusqu’à pouvoir la perdre, c’est aussi celui qui doit le sauver.

 

Comment sauver celui qui s’égare et à quel prix, voilà les deux questions fondamentales qui nous sont posées ?

 

Cette parabole trouve sa réponse et y répond par ce geste : « Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller ». Dans l’esprit du père que cet habit de fête change notre regard sur lui ; Que maintenant nous espérions en lui, qu’il soit un autre. Si ce n’est pas un regard d’amour c’est quoi ?

 

Tous les parents qui ont vu un jour leur enfant risquer sa vie par des comportements dangereux, de la violence, des addictions diverses mais potentiellement mortelles, une vie d’errance, ont connu cette situation.

 

Dans ce cas pas question de savoir ou de s’arrêter sur un problème de bien ou de mal, mais une certitude, comment le sauver.

 

Dans cette parabole nous pourrions être le père inquiet pour la vie de son fils bien-aimé, ou bien le fils qui attend des autres un regard salutaire ou bien encore le fils aîné qui ne tient compte que du mérite et qui ne mesure pas du tout l’enjeu du pardon.

 

Si nous croyons au salut, nous nous croyons que c’est possible. Nous nous éloignons, je serais tenté de dire de façon salutaire du jugement et nous nous en remettons à notre foi.

 

Bouleverser l’ordre de la morale, d’une certaine vertu, voire même de la justice des hommes, cela me plaît et vous savez pourquoi ? Et bien parce que je crois que Dieu fait grâce et qu’il est attaché à défendre la dignité de toute vie.

Amen