25/10/2020 prédication Anne-Marie Borne (installation CP)

25/10/2020 : Culte d’installation du Conseil presbytéral

(coprésidé par Charles Klagba et Anne-Marie Borne)

 

Prédication

 

LECTURE BIBLIQUE

 Deutéronome ch 6 v 4 à 9

 1 Théssaloniciens ch 1 v 5 à 10

 Matthieu ch 22 v 34 à 40

 

CANTIQUE : 225

 

PREDICATION

Chers soeurs et frères en Jésus,

Ce texte résonne surement chez beaucoup d’entre nous, avec des intonations, des colorations très différentes les unes des autres, surement.

 

Jésus est direct dans sa réponse face à cette question directe elle aussi d’un spécialiste de la loi juive ; autrement dit de quelqu’un de cultiver qui devait bien tout connaître au sujet des commandements de Dieu pour son peuple ;

=>alors pourquoi veut-il interroger Jésus là-dessus ?

 

Quel sens peuvent avoir ces paroles de Jésus dans le contexte de notre temps cultuel de ce matin : temps où nous allons ensemble vivre l’installation liturgique du Conseil presbytéral ; le vivre avec toute la reconnaissance pour ce Père qui comble la communauté de Carcassonne (et l’Ensemble de l’Aude) au travers du nombre de serviteurs et de servantes appelés à vivre cet amour du Père et du prochain au travers des témoignages dont votre communauté rayonne, ayant comme berger, lui aussi envoyé par ce Père, Charles pasteur de l’EpudF.

 

Mais avant de contextualiser dans notre dimension d’Eglise et notre époque ce que Jésus enseigne là, je vous invite à repérer ce dont Matthieu veut témoigner là :

Après les 3 paraboles des 2 fils, des mauvais vignerons et des noces au travers desquelles Jésus remet en question les autorités religieuses de son époque, les différentes écoles du judaïsme l’interrogent :

 

- Les hérodiens, sur la fidélité à César, les saducéens sur la résurrection et maintenant les pharisiens sur l’interprétation de la loi.

 

- Ce sont quand même des questions fondamentales pour eux, ils ne peuvent laisser Jésus continuer à bafouer leur autorité et en + devant des foules ?

 

Ce Jésus enseigne à des foules de gens, sa parole se répand, et de plus en plus de gens vont l’écouter. Et eux ? N’ont-ils pas l’impression légitimement de perdre de leur influence, de leur pouvoir ?

Quoi de plus simple alors que de prendre Jésus à partie, et ce devant du monde tant qu’à faire :

- Il va bien finir par tomber dans leur piège au travers des questions de fond théologiquement parlant qu’ils lui posent !

 

Selon les traductions il y a la notion de « piéger » Jésus ou de le « mettre à l’épreuve » :

- Cela signifie que ces docteurs de la loi ne cherchaient pas à comprendre son enseignement mais plutôt à le mettre en difficulté.

 

Face à ces pratiques quelque peu critiquables, mais oh combien humaines, Jésus va là encore surprendre ses interlocuteurs en répondant à leur question : quel est le + grand commandement ?

- Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu, de toute ta force, de toute ton âme et de toute ton intelligence « c’est là le commandement le + grand et le + important

- Et voici le second commandement d’une importance semblable « tu dois aimer ton prochain comme toi-même »

 

Jésus n’entre pas manifestement dans un discours, il fait tout simplement référence à plusieurs textes de l’ancien testament dont celui de Deutéronome lu tout à l’heure : Moise, envoyé de Dieu enseigne au peuple hébreu « voici tous les commandements, lois et règles que le Seigneur votre Dieu m’a ordonné de vous enseigner ….»

 

Il en existait parait-il 613 …. commandements ! Cela arrangeait peut être les docteurs de la loi car + la loi est complexe pour les gens du peuple, plus ils auront besoin d’eux !

 

En hébreu le mot commandement n’existe pas c’est le mot « parole » ; et cela prend un autre sens car il s’agit là de la parole qui vient de ce Père, Jésus va avec beaucoup de pédagogie rendre ces paroles + abordables à nos compréhensions.

Par le souffle de l’Esprit, Jésus a cette facilité pour répondre de manière simple et compréhensive ;

- il résume dans ces 2 commandements au sens de paroles de vie , toutes les autres paroles dites commandements.

- La pédagogie de Jésus est basée sur « comprendre pour soi même et par soi même » d’abord ; comprendre ne relevant pas de l’intelligence intellectuelle mais de l’intelligence du coeur (lieu des sentiments, du courage, de l’intelligence dans la relation à soi et aux autres, …). Etre habité par cette parole qui prend sens dans nos quotidiens de vie.

 

Intéressant de noter que Jésus ne demande pas de « croire » en Dieu mais « d’aimer » ; que peut bien vouloir signifier « aimer Dieu » et « aimer son prochain » comme « soi même » en + ?

Pour préparer cette prédication, j’ai mouliné en mon intimité intérieure de foi plusieurs temps cette question, j’ai aussi lu des explications exégétiques.

Il m’a semblé important de partir de la fin de la réponse de Jésus :

- Comme soi même : en effet, professionnellement, mais aussi en Eglise, je rencontre tellement de personnes, jeunes et moins jeunes qui ne s’aiment pas, qui ont quelques écailles ne leur permettant pas de se voir avec des yeux de bienveillance vis-à-vis d’elles même ; il est tellement facile dans nos sociétés de se référer à des modèles et de chercher à se voir au travers des normes édictées, ….

- Ce n’est pas se voir avec cette affirmation de Paul dans Romains ch 1 v 7 : « Tu es aimé de Dieu », quelle belle déclaration paisible ce Père d’Amour nous fait il à chacune et chacun, telle que nous sommes et non tels que nous voudrions être pour être en harmonie avec les modes extérieures.

- Etre assuré(e) de son amour pour chacun, à commencer pour soi est un des enseignements que les prophètes, les disciples, sous l’impulsion de

 

l’Esprit et de Jésus lui-même qui nous est redit dimanche après dimanche avec ses paroles de grâce, de paix, de pardon et de bénédiction.

- Etre assuré(e) de cet amour inconditionnel de ce Père nous permettra de nous libérer des chaînes d’une dite « normalité » qui n’en est pas une, mais qui devient une tentation dans nos vies d’humains, non transformés encore en fils et fille de Dieu par notre déplacement, par notre désir de « revenir » vers Lui, de « revenir » à Lui.

 

Une fois cette acceptation (peut être simpliste à 1 ere vue) de s’accepter tel que nous sommes, de se laisser inviter à vivre avec joie comme cela est rappelé par Paul dans l’épitre aux Théssaloniciens : « vous avez reçu la parole de Dieu avec joie », alors nous écouterons résonner en nous ce que Jésus appelle le plus grand et important des commandements :

Aimer Dieu de toute sa force, de toute son âme et de toute son intelligence : là encore, Jésus nous invite à s’engager totalement avec tout ce qui fait notre personne dans la relation avec Lui : mes sentiments, mes pensées, mes actions, mon emploi du temps, mes choix de vie, ….

Aimer Dieu c’est placer sa confiance en Lui, comme guide de nos pas, des dons reçus, des appels qui nous sont faits à un moment donné ; mais c’est aussi lui dire quand le doute survient, quand la charge semble trop lourde, quand la joie n’est plus au RV, quand des tentations diverses peuvent nous éloigner de Lui, de sa parole de vie.

Aime Dieu c’est accepter d’être à son service, pour un temps donné, dans un lieu donné, avec des personnes données avec les forces données, renouvelées.

Aimer Dieu c’est le ressentir en soi, cela ne se décrit pas, cela se vit au quotidien dans ses relations fraternelles avec soi déjà, avec les autres aussi, avec humilité.

C’est le plus grand commandement ou parole de fondement de notre foi car de cette amour du Père accepté et vécu, va découler ce qui fonde mes choix de vie : ce n’est pas afficher sa croix huguenote (même si nous avons le droit d’apprécier en porter une !!), c’est rechercher dans les Ecritures ses paroles fondatrices de nos engagements, dans la prière, le silence habité, dans le chant, ce qui va résonner en soi.

 

Aimer ce Père si complètement en soi, c’est accepter que nos écailles soient tombées ; c’est accepter que c’est Lui qui fonde en chacun de nous la maison bâtie sur du roc et non sur le sable.

Aimer Dieu de cette manière totale, en lâcher prise direct, est une invitation qui nous est faite à chacune et à chacun pour découvrir en notre intérieur de paix ce que cela veut me/nous dire, quel sens cela prend. Nos témoignages seront différents et seront l’expression des différents visages du Christ ici dans le royaume du Père qui se prépare et se vit déjà maintenant.

Le second qui est d’une importance semblable :

- « tu aimeras ton prochain comme soi même »

 

Alors là, Jésus y va peut être un peu fort : comment aimer celui ou celle par qui nombre de soucis me sont tombés dessus ? Vous savez celui ou celle qui par ses paroles, ses actes, ses prises de position, m’a blessé ? Est-ce que Jésus nous demande là d’être naïfs au point de croire ou nous faire croire qu’aimer son prochain revient à aimer tout le monde ?

Et là encore nous avons besoin d’aide pour décrypter le sens à mettre sous ce terme « aimer » ?

Très important de bien affirmer d’emblée que ce verbe « aimer » dans le message de Jésus ne fait pas appel au registre des sentiments comme nous le pensons de 1 er abord.

Ce verbe s’inscrit à la suite de la 1 ere parole dans un sens d’engagement de tout notre être, dans nos quotidiens de vie, dans nos relations avec nos semblables.

Cet engagement est un appel, une invitation, une main tendue, un silence approprié, qui est fait à cet autre placé sur ma route.

Cet engagement auquel je dis « oui Jésus Christ est mon Seigneur » permettra au serviteur, à la servante que je suis de me décentrer de moi-même, de me laisser déplacer pour aller vers ce ministère auquel je suis appelée. Et pourtant, ce ministère ne sera pas exempt d’ornières, de jugement, de difficultés ; la confiance placée en Dieu et en quelques frères et soeurs en Christ sera utile pour discerner ce qui vient de l’humain et ce qui vient de Dieu.

 

Aimer son prochain c’est en effet faire place à cet inattendu qui me déplacera par rapport à des habitudes et qui fera jaillir en moi telle ou telle parole de l’Ecriture comme parole de vérité.

Aimer son prochain c’est pour Etty Hilesum (jeune juive déportée) affirmer que ce commandement est indépendant de la personne de son prochain, il est une exigence spirituelle.

Aimer son prochain c’est être prêt à se laisser traverser par ce que cet autre va favoriser en soi au travers d’une visite qui va bouleverser ses certitudes et sa manière de « croire » peut être.

Aimer son prochain c’est faire place à cette capacité à ne pas se laisser désabuser par les peurs qui nous entourent mais au contraire à ré – agir avec comme boussole cette parole de vie, de confiance, de courage pour Celui qui est Père d’un Royaume où les morts se relèveront tous lors du retour de Jésus.

Aimer Dieu comme aimer son prochain est donc indissociable dans nos engagements de vie avec Jésus car il ne faut pas se raconter des histoires, la vie du chrétien n’est pas un long fleuve tranquille ; il y a des moments de joie, de bénédictions et des moments de doutes, de faiblesses, d’attaque qui nous laissent aussi, bien désabusés parfois.

Aimer Dieu comme aimer son prochain c’est se savoir en 1 er lieu aimer par ce Père qui nous appelle à son service un jour : il nous relève, il nous conduit, il nous accompagne, il nous entend crier, il nous pardonne.

Aimer Dieu comme aimer son prochain c’est aussi se savoir en communauté de frères et soeurs et en communion avec tous ceux qui de part le monde prient, chantent, écoutent le même Père et se référent aux Ecritures.

 

Aimer Dieu comme aimerson prochain c’est se redire ce que Paul dit aux thessaloniciens : « nous remercions toujours Dieu pour vous tous et nous pensons sans cesse à vous dans nos prières. En effet nous nous rappelons devant Dieu, notre Père, votre foi si efficace, votre amour si actif et votre espérance si ferme en notre Seigneur Jésus Christ.

 

Cette parole donnée par Jésus en réponse à la question du docteur de la loi nous appelle, nous engage et fonde nos relations avec nous-mêmes, avec notre prochain à partir de notre relation avec ce Père : sentons nous invités à re-lire, ré-interroger, re visiter ce qui fonde nos engagements au regard des Ecritures, des temps de vie qui sont les nôtres en communauté d’Eglise et hors les murs du temple.

 

Nous sommes invités à considérer cet appel à l’amour du Père au travers de ces 3 dimensions (le Père, le prochain et soi même) comme appel à lire les Ecritures et nos engagements de vie dans la fidélité à l’enseignement de Jésus : « maintenant ces 3 choses demeurent : la foi, l’espérance et l’amour mais la plus grande des 3 est l’amour »

 

Amen