27/11/2022 prédication Jean Pierre Pairou

Culte du 27 novembre 2022                          

Mat. 24, 36 à 44    

Nous voici entrés dans cette période que nous nommons " l'Avent " oubliant souvent que le terme s'écrit avec un E et non un A, considérant qu'il s'agit de la période d'attente de la fête de Noël. L'avent est la célébration de l'avènement, celui de Dieu dans notre monde, à travers un homme : Jésus.

Il existe une grande différence entre cette célébration (de l’avènement) et le Noël tel que nous le vivons ! j'ai lu récemment une remarque disant que compte tenu de ce que nous voyons dans notre monde commercial (guirlandes, lumières, bling-bling…) on pouvait se demander si Jésus était né à Bethléem ou à La Vegas !!

 Par ailleurs, cette célébration ressemble à une commémoration, à un anniversaire alors qu'elle devrait nous remémorer l'espérance eschatologique du règne de l'amour, du règne de Dieu (fondement même de la foi chrétienne).

L'Eglise primitive était cimentée par l'attente du retour du Christ, du règne de Dieu. Un certain nombre de textes bibliques manifestent cette attente. Il semble qu'elle ait été oubliée au fil des siècles ? Elle semble ne plus être le ciment de l'Eglise.

" Jésus a annoncé le royaume, et c'est l'Eglise qui est venue " (Alfred Loisy) citation qui a valu une excommunication à son auteur, mais qui, à mon sens, remet en place ce que notre foi chrétienne doit nous faire vivre au-delà des institutions et coutumes.

Le texte du jour nous remet dans une perspective qui tranche avec la commémoration. Il ne s'agit pas de se préparer à fêter un évènement passé mais d'aider à préparer un évènement futur essentiel.

Mais ce texte est aussi dérangeant dans sa perspective " apocalyptique " (attention au sens de ce mot !). Il est situé dans une longue prédication qui va de l'annonce de la destruction du temple à la parabole des dix vierges.

Le point de départ du texte est l'annonce d'une situation catastrophique tandis qu'il se termine par un appel à la vigilance.

Une caractéristique à laquelle devraient se référer les " prophètes" actuels de fin du monde est l'ignorance ! (Combien de fins du monde ont été annoncées durant mon existence ?) " Ce jour et cette heure, nul ne les connait ". Cette ignorance est un appel à la vigilance ! Elle suggère qu'on ne peut rester insouciants dans l'attente.  Qu'il soit imminent ou lointain cet évènement nous invite à nous tenir sur nos gardes (ce que         " l'avent" devrait nous inviter à faire.)

Trois courtes paraboles mathéennes, peu rassurantes illustrent cette annonce. Le retour de Jésus est imaginé comme l'arrivée de la paix, l'amour, la liberté. Matthieu est à mi-chemin dans ce texte entre légalisme, prophétisme et évangile. Le texte semble menaçant à travers trois récits

- Tout d'abord la référence au déluge : " vint le déluge qui les emporta tous ' " Tel sera aussi l'avènement du fils de l'homme " !  Une notion de grand nettoyage est mise en avant semblable au déluge vécu comme une punition. Il convient toutefois de se souvenir qu'il est suivi de la paix (colombe et arc en ciel = signe d'alliance de Dieu avec les hommes)

- Il est ensuite question de tri (homme au champ- femme au grain) tri sélectif de ceux qui sont choisis par Dieu. Ce tri se retrouve également en MT 25 et a pu inspirer ce que l'on appelle la " double prédestination " chez Calvin. Selon lui tout est joué à l'avance, Dieu a fait son choix et le comportement individuel n'y change rien. Cette doctrine a été émise contre le concile de Trente. Elle a été remise en cause par des réformés comme Théodore de Bàze.

- La parabole suivante nous invite à imaginer un Dieu qui s'introduit comme un voleur dans la maison. Image étonnante de ce dieu qui vient prendre ce que nous avons pour nous rendre au dépouillement du non-avoir. On peut déduire de cela la distinction fondamentale entre l'"être " et " l'avoir ". Ce qui importe c'est ce que nous sommes, ou tentons d'être, non ce que nous possédons que ce soit matériel ou spirituel (bonne conscience)

L"avànement du " fils de l'homme " (seul nom que Jésus s'attribue à lui-même) est présenté comme un évènement de grand nettoyage, une nouvelle création. Celle-ci a deux aspects :

-c'est un évènement à venir mais qui est déjà en marche, même si nous ne nous en rendons pas compte. L'ignorance du moment est un moteur qui doit nous faire avancer et nous exhorter à " faire le ménage " dans notre monde. Le tri dans nos conduites humaines. L'espérance de l'avent doit nous conduire à être les "prophètes" qui font changer le cours du monde jusqu'à l'avènement de Jésus.

Cependant on peut considérer que Jésus n'advient ou n'adviendra pour un jugement et un tri d'un ensemble, mais qu'il advient déjà dans la vie de chacun individuellement. Le grand ménage se fait alors dans la vie de chacun qui peut être transfigurée, nettoyée de son mal. Dieu vole le superflu d'une vie pour y mettre l'essentiel.

L'espérance eschatologique, bien souvent oubliée dans nos institutionnalisations religieuses comme dans nos fêtes commémoratives, n'est pas l'attente béate d'un évènement futur. Elle est l'invitation, le moteur qui induit chacun à s'impliquer dans le changement du monde. Nous sommes bien loin là des chocolats et des guirlandes et des déviations commerciales de la fête qui s'annonce !

Souvenons-nous non pas tant de l'évènement passé de la naissance de celui qui porte notre salut, mais de l'espérance conduite par l'annonce de son retour !

 

Jean-Pierre Pairou