28/02/2016 prédication Pierre Marque

Pourquoi ne pas le dire ?

(Pierre Marque, prédicateur mandaté pour l 'Ensemble de l'Aude,

culte de dimanche 28 février 2016)


 Qui est responsable ?

 Pourquoi ne pas le dire, le texte de Luc est embarrassant. Il met en scène des situations de fin de vie qui interrogent. Il pose les questions récurrentes, de celles que nous avons du mal à traiter lorsqu’elles nous sont posées.

 

Une lecture du texte serait de déterminer si des évènements sont de la responsabilité des hommes et/ou si des évènements sont de la responsabilité de Dieu. La question est de savoir si les morts sont coupables et de quoi. C’est la question rebattue, posée aux croyants que nous sommes: pourquoi Dieu permet–t-il tout cela ? C’est une question qui est dans toutes les bouches lors des tsunamis, des attentats ou lors de la naissance d’enfants handicapés.

 

Le texte de Luc décrit trois situations :

 

Trois situations, trois paraboles et trois émotions : je vous les rappelle brièvement

  • La mort causée par autrui : c’est celle des galiléens tués pas Pilate,
  • La mort causée par la nature ou le hasard : c’est celle de la tour de Siloé qui s’effondre
  • La mort provoquée par le propriétaire du figuier qui veut l’abattre.

 

Regardons ce texte sous trois angles pour essayer d’en déterminer une lecture d’aujourd’hui :

  • Le premier regard est sur la mort elle-même : la mort cruelle, celle que l’on dit gratuite, la mort accident celle dite du hasard et du destin et la mort des inutiles de ceux qui ne participent pas à la croissance et au profit.
  • Le deuxième regard est sur celui qui occasionne la mort : c’est la toute puissance d’un homme, c’est la loi du hasard, volonté de Dieu.
  • Le troisième regard porte sur les victimes : la mort des impies qui est justifiée par leur impiété, la mort des coupables qui est juste parce qu’ils sont coupables et la mort des parasites qui s’impose parce qu’ils sont parasites.

 

Que notre raisonnement favorise l’angle de l’assassin, l’angle de la victime ou l’angle de la mort elle-même, je ne trouve pas trace de la volonté de Dieu, à part peut –être dans le cas du Figuier, si nous considérons être le figuier encore faut-il y voir dans ce dernier car la rémission possible et le délai accordé.

 

Dans la première parabole, Jésus demande si ceux qui sont morts et ceux qui sont vivants pouvaient être distingués par leur valeur ou par leur mérite ou leur croyance. C’est souvent une affirmation des assassins pour justifier leur meurtre : ils ne sont pas de la bonne foi, ils sont des mécréants. La réponse est claire et sans ambiguïté. Rien ne différencie la valeur de celui qui meurt par la cruauté d’un homme et de celui qui échappe à sa vindicte. Il n’y a pas de différence entre celui qui meurt païen et celui qui accomplit des sacrifices (sous-entendu la loi). La mort par cruauté n’est pas un châtiment de Dieu nous dit le Christ et ce n’est pas en réalisant des sacrifices et des œuvres que nous pourrons échapper à la mort donnée par les tyrans.

 

Dans la deuxième parabole, Jésus demande si ceux qui sont morts et ceux qui sont vivants peuvent être séparés par leur culpabilité. La question c’est celle de ceux qui regarde la scène et qui cherche les explications qui les arrangeraient et les protègeraient. Ce serait éminemment confortable d’échapper à un tremblement de terre ou un tsunami par respect de la Loi de Dieu ? La réponse est claire, toujours sans ambigüité ni fioriture, il n’y a rien qui protège des évènements de la nature, évènements qui ne sont en aucun cas de l’œuvre de Dieu qui assouvirait par ce biais sa volonté de juger les vivants. Dans le cas d’un tremblement de terre comme en Haïti, c’est aussi bien la pauvreté qui est à l’origine de la mort, alors que dans d’autres pays riches les normes anti sismiques auraient protégé la population ; la mort d’un clochard l’hiver dans la rue que l’on impute au froid, c’est bien la pauvreté et l’égoïsme qui sont à l’origine de sa mort et non pas le froid car il aurait suffit de les loger « Je connais les souffrances de mon peuple nous dit le texte de l’exode pourtant nous dit Paul dans l’épitre aux Corinthiens la plupart d’entre eux ne furent pas agréables à Dieu puisque leurs cadavres jonchèrent le désert ». En quoi la mort d’un Haïtien ou d’un clochard serait-elle due à la volonté divine.

 

Dans la troisième parabole, Jésus ouvre une parenthèse et nous explique que le propriétaire du terrain, programme la mort du figuier stérile comme celle des idolâtres dans le désert nous dit Paul. Le parallélisme s’impose, quoi de plus stérile en effet que des idolâtres qui meurent à Dieu par leur idolâtrie et qui ne peuvent donner des fruits par leur parole. Tel est la situation des djihadistes qui meurent à Dieu par leur idolâtrie d’eux-mêmes et qui sont stériles par leurs paroles tournées sur leurs seules personnes en prétendant agir au nom de Dieu.

 

Ces trois paraboles sont intimement mêlées : Elles signifient que nous sommes en sursis. Nous oscillons sans cesse entre la mort physique et la vie, entre ce qui est nous est perceptible et la mort spirituelle que nous n’arrivons pas à imaginer. Nous restons en sursis tout au long de notre vie jusqu’à ce que nous nous convertissions et que nous soyons libérés de la mort physique parce que nous avons une autre espérance. Parce que Dieu ne se résigne jamais à notre mort spirituelle, Jésus s’attelle au travail de notre conversion : il bêche autour du figuier comme il bêche (il prêche) par sa parole. Il ajoute à chaque fois quelques engrais fait d’amour d’autrui. Ces engrais nous recentrent sur l’autre au lieu de penser à nous même, c’est ce qui nous permet de vivre avec l’amour de l’autre si nous sommes capable d’avoir confiance, c’est cela le salut par la foi.

 

Mais à la préoccupation première de ses interlocuteurs, Jésus, en apparence, semble n’apporter aucune réponse. En tous cas il ne leur donne pas l’explication qu’ils attendent sur le mal et l’injustice. Ces paraboles ne constituent pas un traité du mal et de l’injustice. Mais nous pouvons imaginer la frustration de ces gens parce que cette frustration est aussi la nôtre. Elle l’est également chez les gens qui nous interrogent.

 

Alors Il faut se rendre à l’évidence, les Ecritures ne nous disent pas tout aussi clairement, et si nous voulons absolument y trouver une réponse, n’inventons pas nos propres explications qui seraient autant de bruits inutiles. La violence dans la bible y est un peu partout, comme elle est un peu partout dans le monde.

 

La violence humaine est une réalité historique qui n’est pas escamotée. La bible n’enjolive pas la vie, ni les sentiments humains, ni la liberté de l’homme. Elle ne cesse de nous interpeller, tout au long des versets, sur la violence de l’homme : comme la violence de Caïn sur Abel, celle de la nature sur Noé, comme ces morts de la tour de Siloé ou ces Galiléens assassinés par Pilate.

 

Bien sur les évènements récents font échos à cette violence. Cette violence gratuite dit-on, comme si certaine violence avait une valeur et qu’elle était un bien qui s’échangeait. Il n’y a rien à gagner ni à obtenir de cette violence. Cette violence des terroristes est humaine non pas gratuite ou divine, elle se base sur le pouvoir et la négation de la liberté d’autrui. Elle ne s’interroge pas sur ce qui doit régler la vie des hommes entre eux. Cette violence témoigne d’un rapport dénaturé entre l’homme et l’homme pour se terminer dans une relation d’impuissance qui vient à période régulière marquer l’histoire.

 

C’est comme si chacun laissait déborder sa bestialité en faisant de l’autre le réceptacle de ses propres débordements. C’est comme si chacun se figeait en lui-même, dans un mutisme alimenté par son propre orgueil et sa propre suffisance. Les actes des terroristes sont construits sur l’absence de la parole et de toute parole y compris de la leur. Les actes des terroristes sont construits sur la négation de l’autre humanisé. Il est alors facile de comprendre, pourquoi les terroristes se droguent avant de passer à l’acte comme pour oublier l’altérité et l’humanité de leurs victimes. Ce qui au final n’aboutit qu’à la destruction de leur propre image et de leur prétendue cause.

 

Jésus nous dit : oui, notre monde est fait depuis toujours de bruits et de fureurs, la mort y frappe parfois brutalement et aveuglément, mais entre celui qui donne la mort par mépris de lui-même et celui qui porte ses soins au figuier, choisissez d’être celui qui soigne le figuier

 

Entre le passé, que nous connaissons, et l’avenir qui nous échappe car la mort peut y être brutale et à tout moment, Jésus ne nous donne aucune explication sur le comment et le pourquoi du mal, mais il nous offre une issue, par la conversion, pour que la mort n’ait pas sur nous le dernier mot et pour que nous puissions entrer dans la logique de la vie.

 

L'histoire de notre salut se trouve constamment dans cette tension qu’exercent sur nous la fascination de la mort et son détachement par la liberté. Sans la liberté de choisir entre le bien et le mal, entre la vie et la mort ; il n’y a pas d’humanité parce qu’il y a pas de renoncement. Sans la liberté de se détourner ou non de Dieu, il n’y a pas de foi. Celui qui choisit de donner la mort pour sa propre gloire renonce à son humanité et à Dieu qu’il invoque.

 

Certains usent de cette liberté de se détourner de Dieu pour tuer en son nom comme ils tuent l’humanité qui est en eux, certains usent de cette liberté pour s’enrichir et accumuler des richesses au détriment d’autrui et du reste de la planète : En accumulant ils tuent en eux le présent qui leur appartient pour se projeter futur hypothétique qui de toute façon ne leur appartient pas.

 

Peut-être que l’origine du mal est dans la liberté laissée à l’homme, Peut-être que l’origine du bien est dans la liberté laissée à l’homme. A nous de comprendre que celui qui pense être debout prenne garde de tomber, que la liberté nous fait osciller entre le bien et le mal, que la seule certitude qui nous guide c’est la grâce reçue qui nous fait pencher du côté du bien car elle nous donne la foi.

 

Entre le Christ et Dieu, il n’y a pas de différence ni d’autre d’autres preuves que celles données à Moïse :

YAHVE / « je suis qui je serai »

 

Amen