05/06/2016 prédication Jean Pierre Pairou

Prédication du 5 juin 2016

en relation avec "l'accueil des exilés 3"

reprise ensuite pour la "nuit des veilleurs" de l'ACAT du 25 juin.


                                                                        LUC 9, 11 à 17

Texte connu, trop connu, d’où la difficulté pour le prédicateur, d’autant que l’évènement, relaté dans les trois synoptiques narre un «  miracle » que notre pensée rationnelle a du mal à accepter.
Pourtant, en lisant le texte un éclairage m’est venu, si évident, si simple, si engagé que j’oserais à peine en parler. D’où la nécessité de trouver d’autres thématiques pour ne pas m’en tenir à ma seule évidence !


Le premier thème est celui de la Foule

Il est clairement fait une séparation entre apôtres qui revenaient de « mission » et la foule qui suit Jésus soit à cause de sa renommée, soit par intérêt «  de santé ». «  Il guérissait  ceux qui en avaient besoin ». Que symbolise pour nous cette foule ? Ceux qui précisément ne sont pas dans nos églises et nos temples. Nous qui nous prétendons «  disciples »,  « apôtres », n’avons-nous donc pas accompli notre mission, celle des disciples qui était de «  proclamer le règne de Dieu »  et de guérir. Comment proclamons-nous le règne de Dieu ? Comment guérissons-nous ? Sommes- nous réellement porteurs de la Parole- de l’Amour divin- ? Sommes- nous des guérisseurs qui par leur foi transmettent du sens, de l’espérance auprès de ceux qui en ont besoin ?

Le second thème me semble être celui de l’inquiétude

Les apôtres sont inquiets : la nuit s’approche et la foule est toujours là …Sur ce sujet nous faisons comme eux. Nous savons très bien nous inquiéter comme si nous n’étions pas porteurs d’espérance. Nous savons nous inquiéter pour nous- mêmes et pour les autres, surtout pour nous à cause d’eux qui sont toujours «  trop »- trop différents, trop nombreux, trop pauvres.

Le thème qui suit est celui du repas. Thème récurrent dans la Bible où les repas sont plus nombreux que les prières. Le repas est ce qui nous différencie de l’anima. Il  nous fait oublier que nous sommes carnivores et avons des dents (cf. France Quere) Manger et boire c’est la vie, mais le repas pris en commun nous fait sortir de notre individualité par le partage et ainsi nous fait avancer vers la Royaume. Les sacrifices dans l’A.T. étaient repas avec Dieu.

Mais le repas ici est porteur de symboles majeurs : pain et poissons

Deux symboles christologiques le poisson en grec  ixthus «  Jésus fils de Dieu Sauveur » symbole primitif des chrétiens avant la croix et qu’on retrouve sur les automobiles. Le pain est retrouvé dans la Cène, bien évidemment. Symbole du corps du Christ qui nourrit nos vies. «  Au désert nos pères ont mangé la manne » «  en vérité ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain du ciel, mais c’est mon Père qui vous donne le vrai pain du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. »Jn 6, 32.33  Le pain est nourriture essentielle de la vie physique mais par la Cène est la vraie vie spirituelle. Cependant cette vie n’existe que si elle est partage. L’importance du pain chez Jean est contredite par l’absence de récit de la Cène remplacé par le lavement des pieds. Rappel que le rapport à Dieu passe par le rapport à l’autre ; Lavement des pieds, pain de la Cène nous rappelent que ce ne sont pas seulement des rituels mais un partage qui fait présence du Christ dans l’union des humains.

 

Le thème suivant est celui de l’obéissance.

 C’est le premier comportement des disciples. (Cf. choix des disciples par Jésus). Celui-ci n’est pas d’ordre moral ou hiérarchique comme dans la société ou l’armée. L’obéissance est foi, confiance en la Parole- elle, confiance incarnée. « Faites-les s’installer par groupes d’une cinquantaine. Ils firent ainsi et les installèrent tous ». Malgré une réaction réaliste ils écoutent Jésus Et notre foi ? Que fait-elle du réalisme ? N’est-elle pas bloquée par lui ?

A la fin du texte est reprise «  la Cène » dans des termes presque identiques

Cependant ici la « Cène » est pour tous et n’est pas réservée aux seuls apôtres. Il ne s’agit pas d’un rite mais de Jésus pain du ciel et nourriture pour tous. Comment savons- nous aller au-delà de nos rites ? Sommes- nous conscients que ce texte nous dit que Christ ne nous appartient pas, que nous ne soupçonnons pas sa présence auprès d’autres que nous ? Qu’il ne doit pas exister un communautarisme Chrétien  Un thème récurrent est celui du rassasiement, de l’abondance, signe du Royaume.

Mais ce qui m’a semblé le plus évident, le plus actuel,, c’est à la fois  le réalisme «  politique » des apôtres : «  Renvoie la foule ; qu’ils aillent dans les villages et hameaux des environs. 6désir de se débarrasser du problème. Et la réponse de Jésus : « Donnez- leur vous-même à manger » M’a fait penser au problème actuel des migrants qui, comme la foule sont «  trop », trop différents, trop nombreux. L’injonction de Jésus me semble nous concerner éminemment. A l’heure où l’Europe construit des murs, Jésus NOUS dit «  Donnez- leur vous-même à manger » Avec même des conseils de répartition de l’accueil. Et nous ne sommes pas dans un endroit désert mais dans un de ceux qui a la richesse du monde. Les foules sont dehors, sans le pain ni la nourriture de l’espérance, parfois même sans le pain du corps. Si nous voulons être disciples de Jésus, nous devons malgré nos inquiétudes avoir la foi- toujours malgré- Et, ayant foi, obéir à celui en qui nous mettons notre confiance. Cette obéissance passe par le partage du repas, de la Parole, en un mot de la Vie et de l’humanité. Partage, symbole permanent, rencontre avec l’autre quel qu’il soit. Parce qu’une rencontre avec l’autre, c’est une rencontre avec Dieu.

« Il ne s'agit pas d'aimer Dieu dans l'abstrait, d'aimer un dieu qu'on s'imagine, que l'on façonne à son image ! Il s'agit d'aimer l'homme, l'homme avec ses limites, l'homme avec son animalité, l'homme avec tout ce qui en lui nous rebute et nous répugne car c'est justement en dépassant tout cela qu'on atteindra au vrai Dieu. Le Nouveau Testament, le testament éternel, c'est d'aimer l'homme pour être sûr de ne pas manquer Dieu » M. Zundel

Jean-Pierre Pairou