19/09/2021 prédication Jean Pierre Pairou

Le Silence de Dieu

 

1 Rois 19, 11 à 14

 

Nous vivons dans un monde cruel, incompréhensible. Il nous suffit chaque jour de nous informer pour être immédiatement plongés dans de nouvelles catastrophes qu’elles soient naturelles, sociales ou personnelles. La plupart de ces souffrances sont, bien entendu, d’origine humaine. Il n’en reste pas moins que, consciemment ou inconsciemment, dans le secret de nos cœurs se pose la question : « Et Dieu dans tout ça ? »

 

 Dans cet épisode de l’ancien testament, Elie est poursuivi, persécuté, victime des prophètes officiels et il avoue son impuissance « Je n’en peux plus » dit-il. Mais au-delà de son découragement il dit sa passion pour Dieu : « Je suis passionné pour le Seigneur ». Dieu lui donne un rendez-vous .  « Tiens-toi sur la montagne ». Suivent toutes sortes de symboles théophanique sensés manifester la puissance divine :

La montagne : Lieu traditionnel de la rencontre avec Dieu. Lieu de rencontre entre le Ciel de Dieu et la terre des hommes. Montagne du Sinaï, montagne du sermon. « Je lève mes yeux vers la montagne, d’où le secours me viendra-t-il ? » Ps. 121, 1.

Le vent fort et puissant : Manifestation divine. « Dieu fit passer un vent sur la terre » Gn.  Symbole de la puissance divine, il « érode les montagnes ». « Tout à coup il y eut un bruit, comme un vent violent qui venait du ciel. La maison où ils se trouvaient, en fut toute remplie. » Actes. Symbole de l’Esprit souffle de Dieu.

Le tremblement de terre : Relève de la même idée de puissance « Dieu, quand tu t’avanças à la tête de ton peuple, dans les solitudes, la terre trembla » Ps.68, 9

De même à la mort de Jésus : « Le voile du sanctuaire se déchira en deux du haut en bas : la terre trembla. » Mt. 27, 31.

Le feu : Autre symbole théophanique, manifestation divine par excellence. Moïse et le buisson ardent. » L’ange du Seigneur lui apparut dans une flamme de feu au milieu du buisson. » Ex. De même à la pentecôte « alors leurs apparurent comme des langues de feu. » Ac. 2,3.

Le Paradoxe de notre texte est que ce qui apparait dans les textes bibliques comme les signes divins manifestés par la puissance est ici nié. Le Leit-motiv du texte est « Le Seigneur n’était pas ». Seul « le bruissement d’un souffle tenu » ou « un silence subtil » traduit Chouraqui manifeste la présence du Seigneur.

Dieu est dans le silence. Dieu donne rendez-vous aux hommes, il les envoie à sa rencontre, il nous envoie à sa rencontre dans nos vies, dans ce monde cruel.. et, alors que nous l’attendions dans des manifestations de puissance, c’est un silence assourdissant qui nous est donné…Pourquoi ? telle est la question du mal, de la souffrance.. Si Dieu existe pourquoi le mal ? question de l’athéisme, mais qui est aussi la nôtre. « Je ne veux pas de ce Dieu qui laisse souffrir les enfants » fait dire Camus à un personnage de « La Peste ». Mais nous ?? non plus !! Sentiment d’abandon qui parcourt nos vies, mais qui parcourt la Bible elle-même. Psaumes, Jérémie, Job, tous crient ce pourquoi, jusqu’à Jésus en croix. Ce pourquoi retentit dans la souffrance.

Et le « silence subtil » est lieu de la présence de Dieu. Il engendre, ce silence un sentiment de manque, d’absence. Mais quelqu’un qui me manque est bien plus présent dans ma vie que celui que je côtoie quotidiennement. Ainsi le silence de Dieu est-il une forme de présence de Dieu. Une présence silencieuse qui nous accompagne, qui est à nos côtés dans nos souffrances et nos luttes. Dieu souffre avec les hommes ! paradoxe du christianisme donné par l’image même de Jésus en croix.

Elie Wiesel raconte la pendaison d’un enfant juif à Auschwitz et sa longue agonie. Et de se poser la question : « où est Dieu dans cela ? » et lui de répondre « il est là, pendant au bout de la corde ».

Cessons de chercher Dieu là où il n’est pas. Cessons de le chercher dans la puissance car c’est nous construire une idole. Trouvons le dans le « silence subtil » qui est sa présence à nos côtés.

 

Deux citations me semblent illustrer ce thème :

 

« Dieu n’est révélé comme Dieu que dans son contraire, dans l’absence de Dieu. Concrètement Dieu se révèle dans la croix du Christ abandonné de Dieu. Sa grâce se révèle chez les pêcheurs. Sa justice se révèle dans les injustes et les sans-droits, et son élection de grâce dans les réprouvés. (…) La divinité de Dieu se révèle dans le paradoxe de la croix »

 

Jürgen Moltmann

 

« Nous remarquons rarement que nous vivons au milieu de l’extraordinaire. Les miracles se produisent tout autour de nous, les signes de Dieu nous montrent le chemin, les anges essaient de se faire entendre, mais nous avons appris qu’il existe des formules et des règles pour arriver jusqu’à Dieu, nous n’y accordons aucune attention. Nous ne comprenons pas qu’il est là où nous le laissons entrer »

 

Paolo Coelho

 

Jean-Pierre Pairou