18/09/2022 prédication

Luc 16, 1-8                                        

 

La Bible ne manque pas de nous étonner... Elle ne manque alors pas, parfois, d'ironie, d’humour grinçant…

Ainsi, Jésus dans la petite parabole lue tout à l’heure : nous savons qu'une parabole sert à exprimer, au travers des exemple dans la vie quotidienne, quelque chose sur le Royaume de Dieu, sur les rapports auquel il nous invite, à la fois avec notre Seigneur et avec les autres. Or justement, ici, ces rapports débouchent sur une sorte de malversation financière : un gérant, qui s'est vu retirer son travail par son patron, et qui ne sait plus alors où aller, s'en sort finalement en inventant un jeu d'écritures frauduleux… par lequel il achète les faveurs de différentes personnes... En tout temps, il y a eu des malversations financières... Faut-il le rappeler ? Il peut y avoir quelque chose de choquant d'entendre Jésus utiliser cet exemple...

La conclusion de cette parabole, nous la trouvons au verset 8 : le patron fit l'éloge du gérant trompeur ; car, nous dit Jésus, il avait agi avec habileté. En effet, ceux qui appartiennent à ce monde sont plus habiles vis-à-vis de leurs semblables que ceux qui appartiennent à la lumière. Jésus semble apporter un message plutôt cynique, désabusé sur le monde : ceux qui sont tricheurs s'en sortent mieux que les autres. Cela est souvent vrai (heureusement pas toujours)… Mais de là à l’ériger en système, il y a un pas... Et est-ce pour cela que Jésus est venu ?? Ne prêche-t-il pas un Royaume plus juste que les valeurs et habitudes en usage dans ce monde ?

            Bien sûr, ce serait une erreur de conclure de cette parabole que : puisque la magouille est plus efficace, il n'y a qu'à s'y habituer ; comme on l'entend trop souvent, il n'y a alors qu'à « faire comme tout le monde, faire comme les autres... » Bien au contraire : Jésus fait le constat que cette malhonnêteté, bien que parfois plus efficace, n'en est pas moins celle de ce monde ; et non celle de ceux, comme il le dit, qui appartiennent à la lumière.

            Ce constat d'un monde de magouilleurs, ce constat pessimiste et désabusé, sert souvent de rejet de tout... Serait-il vrai ? Notre foi s'inscrit bien-sûr en faux par rapport à cela. Comment donc ? Car il y a bien dans ce texte un pessimisme sur l'humain... Ce qui fut ensuite aussi remis en lumière par la Réforme : l'homme ne peut pas obtenir Justice par lui-même... La question de Luther, hanté par le jugement de Dieu ne trouve de réponse que par la Grâce gratuite, contrairement au gérant de ce passage... Mais une fois cela dit ?...

            Ce constat, tout d'abord : il n'y a pas à se bercer d'illusions, donc de déceptions...

L'illusion que nous serions, en nous-mêmes non seulement blancs comme neiges... mais des références... (nous voyons d'ailleurs des mouvements se proclamer chantres de justice, blancs, et qui non seulement ne le sont pas plus que d'autres... mais le sont même moins, car sans autres références qu'eux-mêmes... et fonctionnant de façons autoritaires, sans contrebalancer les réalités en clair-obscur de tout être humain !...)

            Constat pessimiste de la Bible, donc ; mais quelles issus, alors ?? Qu'est-ce qui peut donc sauver l'homme ?? La foi, comme le rappelle particulièrement Luther, la Réforme... C'est-à-dire reconnaître un Dieu juste, mettre notre confiance en lui, à la vie qu'il nous ouvre, offre.

 

            Ce Dieu qui est Justice lui-même... comment la manifeste-t-il ?? Par sa présence, tout d'abord ; cette présence qui nous appelle, interpelle, éclaire. La parabole évoque ainsi bien ceux qui appartiennent à la lumière !...

            Ce qui ne signifie pas (justement !) être juste par soi-même, mais vivre par une lumière...

            Nous reconnaissons ainsi, là aussi, que nous sommes pêcheurs ; et justifiés... C'est-à-dire remis en relations avec l'Alliance ; justifiés par une Présence, toujours manifestée par la Parole ; une Parole même faite chaire, jusqu'à la mort et à la résurrection pour notre justification...

            Justifié, déclaré juste, en étant pêcheur... Est-ce normal ?...

            Nous sommes toujours coupables... pardonnés. C'est, diraient beaucoup, « trop facile »... Peut-être ; et en même temps tellement plus profond qu'une justice dans l'apparence, qu'une auto-justification ; ce qui est ô combien contradictoire... Nous ne pouvons, par définition, nous faire justice nous-même...

 

            Mais si cette parabole semble cynique, notre Seigneur/juge ne l'est pas... Par sa démarche de justification, il ouvre un chemin de liberté, de sincérité, de vérité (qui dévoile... y compris et surtout les fonctions du monde...). Nous pouvons en effet vivre non pour obtenir, mais parce que nous avons obtenu... parce que nous avons été graciés... C'est tellement plus beau, parce que c'est la façon d'être d'un Père envers ses enfants...  Et être enfants vivants dans la reconnaissance... La foi consiste à vivre de cette démarche, de confiance, dans la liberté et la volonté de s'en servir.

 

            Dans cette parabole, Jésus demande alors à ce que nous ayons la même énergie, intelligence, imagination, audace que les autres ; en particulier ceux qui ne travaillent que pour eux-mêmes. Nous pouvons alors nous mettre à rêver. Pour l'Eglise, pour Notre Seigneur lui-même... et pour nous-mêmes aussi...

            Si cette habileté est, ou plutôt quand une telle habileté est mise au service de l'Alliance, de la Grâce, qui se partage, elle se démultiplie alors... Tandis que dans l'exemple de la parabole, l’intérêt particulier s'arrête ; il est limité à un intérêt propre... Il ne peut aller plus loin...

            Dans les versets qui suivent, Jésus invite à choisir : l'Alliance dépasse l’intérêt particulier. Y participer, fait entrer dans un « gagnant-gagnant », durable. Elle, par excellence, une de ces choses que l'on peut partager en y gagnant tous... Il y a une habileté encore plus grande. En effet, si vous partagez votre avoir va diminuer. Si vous partagez l'Alliance, et autre idée constructive, elle ne diminue pas... au contraire...

            N'est-ce pas là une vraie habileté... et même plus...

 

Amen.