25/12/2022 culte noël Philippe PERRENOUD

Prédication du culte de noël,

Carcassonne

Jean 1, 1 à 18  

                                   

Nous célébrons aujourd’hui cette lumière de Noël, si magnifiquement proclamée par l’Evangile selon Jean… Mais dans une société de production, de rentabilité, comme l’est encore la nôtre : on va inévitablement se demander un jour ou l'autre, en nous, ou autour de nous : mais que fait cette lumière ? « A quoi sert-elle ?? »

Quand rien ne va plus, comme nous le vivons ou percevons dans notre monde : violences, au loin, et ici ; injustices, appâts du gain et goûts du pouvoir, etc, etc… on peut en effet aussi entendre « où est Dieu dans ce monde ?? »

Il est utilisé pour des pouvoirs particuliers, ou laisse indifférent… Entre ces 2 positions extrêmes, qui semblent souvent les seuls exister, comment vivre ?

 

En entendant ce début de l'Evangile selon Jean, on peut se dire : comme ça devait être bien, à cette époque, avant, puisqu'il a pu écrire cela... Eh bien non, justement ! Lorsqu'il a écrit ce passage, il fallait beaucoup de foi, pour proclamer cette lumière... Il le sait d'ailleurs bien, cet Evangile puisqu'il nous dit que le monde ne l'a pas reconnu... Ils étaient effectivement un petit groupe, venu d’un petit pays, perdu au milieu d’Empires et dans un monde de brutes… Or, au centre de ce passage, il y a le fait que nous soyons enfants de Dieu. Comme si beaucoup de choses se passaient là, passaient par nous, puisque nous avons reçu le Christ. Cette lumière de Dieu étant venue, s'étant faite chair, nous qui l'avons reçu parmi nous, avons aujourd'hui un rôle qui est loin d'être marginal...

Un rôle qui dépasse largement ce que ce monde nous donne à penser ! Une lumière nous y éclaire, pour aller jour après jour un peu plus loin…

Bien sûr ce n'est pas facile : il n'y a qu'à voir ce que sont devenus tous ceux qui, les premiers, ont vu cette « lumière de Dieu faite chair :

-  Marie et Joseph vont devoir s'exiler, juste après la naissance, se réfugier à l'étranger. Leur situation est donc encore plus précaire qu'avant…

- De même pour les Mages, désobéissants à Hérode : ils sont devenus des « clandestins»...

- Les bergers, eux, ont dû retourner à leurs occupations. Comme, à l’autre bout des Évangile, après Pâques, les disciples sont généralement retournés à leurs métiers, à leurs occupations…

- Ces personnages connus, et tous les autres, dont on ne nous parle plus dans la suite. Et tous ceux qui n'ont pas fait le déplacement… Et nous pourrions parler de tous ceux qui, aujourd'hui, diraient « est-ce que ça vaut bien la peine ? », « j'ai autre chose à faire ! », « ça ne
m'intéresse pas ». Ou au contraire « qu’il ne faut pas se laisser faire !», etc.

Rien de « gagné » donc, extérieurement, pour les uns ou pour les autres. Et pourtant... Tant a changé !

Car nous en parlions récemment, l'événement du 1er Noël est passé inaperçu pour le monde... Mais pour les premiers acteurs, et jusqu'à nous, cela change tant...

Ainsi

- Marie et Joseph ont accepté d’être les acteurs de l’histoire à la fois la plus extraordinaire et la plus simple de ce monde…

- Les Mages sont devenus bien autre chose que des mouchards ; ils ont évité d'être des « idiots utiles », ou même des collabos plus ou - naïfs, ou profiteurs.

- Les bergers n'étaient plus seulement ces marginaux, si souvent mal vus, qui sentent-le-mouton-et-ne-savent-pas-la-plus-petite-lettre-de-la-Loi : ils étaient les témoins pour les autres ; les 1ers à avoir pu contempler et annoncer le Sauveur. La lumière de Noël a, pour eux aussi, transformé leurs vies, leurs manières de voir le monde, les autres, le bonheur et le malheur, etc.

Quand nous laissons la foi entrer dans nos vies, cela change nos manières de voir les choses, de considérer les situations, et d'orienter nos existences.

La lumière de Noël nous change...

Non pas une lumière de projecteur, aveuglante… Elle nous empêcherait de vraiment voir, et même d'avancer sur nos chemins... mais une lumière qui éclaire nos vies et le monde, pour nous y diriger ; dans et pour la Justice. La lumière créatrice de la Genèse, qui continue… qui nous confie ce monde… lumière pour faire vivre ; symbole de Parole, de connaissance, de reconnaissance…

Selon le dicton juif : savez-vous ce qui distingue le jour de la nuit. C’est quand vous voyez, ou pas, dans l’autre un frère !!

Il en est de même pour la lumière de Noël, l'Esprit de Dieu qui se met à luire lorsqu'il intervient dans le monde en la personne de son Fils incarné, pour retrouver ceux qui se perdent, les angoissés, dénoncer les dangers de l’égoïsme et de l'indifférence. Cette lumière nous permet de ne plus voir ce monde avec un regard de peur… Ne plus voir les puissances et violences de ce monde avec la même crainte La lumière de Noël nous permet au contraire de ne plus avoir peur de l'autre ; de le considérer, parfois malgré tout, comme quelqu'un qui est également enfant de Dieu ; donc fait pour être aimé et aimer... La peur, responsable de tant de maux sur cette terre : peur de l'avenir, peur de l'autre dans nos relations de tous les jours. Peur de ce qui est autre en général.

Il ne s’agit bien sûr pas de tout accepter ; il y a bien des choses que nous ne pouvons accepter ; mais ce sont des choses, ou des idées, à rejeter : jamais des personnes en tant que telles… Et les protestants français le savent bien, eux qui ont dû lutter pour la liberté de conscience : jamais (sauf lorsqu’il y a eu chez les protestants aussi des récupérations personnelles) le rejet de l’autre. Cela est particulièrement important de nos jours, où le communautarisme à l’intérieur des pays, et les risques identitaires entre cultures, sont de plus en plus important, font de plus en plus peur ; et risquent donc de plus en plus d’être récupérés…

Attention alors, pour nous particulièrement, de ne pas y perdre notre âme… Ou, comme le dit le chant : l’esprit qui les fit vivre

D’autant plus que la Grâce ne s'impose pas. Elle s'incarne dans le monde au risque de ne pas être reçue. Elle est venue dans une situation dominée par les exigences du pouvoir totalitaire de l'époque ; et rejetée en dehors de la ville parce qu'il n 'y avait pas de place pour eux. Mais c'est ainsi qu'elle éclaire les moindres recoins de nos vies. Elle les a rejoints, y compris dans ce qu'ils peuvent avoir de désagréable...

Puisqu'elle ne veut pas s'imposer, cela ne va pas sans difficultés, sans efforts. Mais des efforts qui peuvent être menés, parce qu'éclairés par la Grâce : à la fois sans illusions et sans défaitisme. La lumière est une puissance de vie ; elle suscite et permet la vie ; elle permet d’agir parce qu’on sait dans quel sens agir. En nous éclairant, elle nous permet de choisir, et de ne pas être ballottés par les circonstances…

Dans nos vies, quels choix faisons-nous ? Et surtout, qu'est-ce qui les éclairent ? nous avons tous nos zones d'ombres et de lumière ; nos parts de peurs et de confiance ; d'accaparements et de générosités.

Il en va un peu de même dans la foi : comme ce premier Noël, passé inaperçu ou cause d'ennuis. Mais cette lumière a éclairé. Et on célèbre toujours sa présence... Sa Grâce, son Amour, a éclairé et a incarné une Présence, des valeurs qui ne sont pas toujours facile à vivre... mais qui font vivre...

 

Amen