15/01/2022 prédication Jean Pierre Pairou

Lecture : Jean1, 35 à 42

Prédication

Court texte de l'Evangile de Jean, qui se poursuit dans son particularisme. Rappelons que cet Evangile est le plus tardif et différent des synoptiques, avec un grand nombre de thèmes et d'épisodes qui lui sont propres. Cet épisode pourrait être rapproché pour le comparer de celui de Mt.4, 18 à 22.

Il se situe après le "prologue théologique" et insiste sur l'importance du témoignage de Jean-Baptiste. On peut scinder ce moment en quatre aspects :

1) Le prophétisme de Jean-Baptiste

2) Son message qui conditionne la démarche des premiers apôtres.

3) L'étonnante question : " Où habites-tu " ?

4) La nécessité de la transmission

 

1) La référence à Jean-Baptiste renvoie à une histoire qui est celle du peuple juif et du prophétisme. Le peuple et les chefs juifs sont dans l'attente d'où surgit la question " Qui es-tu ? " à savoir es-tu dans la lignée des prophètes (Esaïe, Jérémie, Daniel ...) ou es-tu celui dont ils ont parlé ? La réponse " l'agneau de Dieu" place immédiatement Jésus dans la perspective de la croix et non dans celle d'un évènement glorieux.

Mais cette mise en perspective dans une histoire nous concerne aussi éminemment. Nous sommes, nous aussi, situés dans une culture sociétale, familiale qui nous fait, sinon opter pour une foi véritable, du moins nous inscrire dans un système de croyance (ou de non croyance ) dont nous héritons. Et que chacun a pu, dans son histoire personnelle accepter ou rejeter.

Chacun peut se poser la question de savoir s'il est dans la continuité d'une tradition ou en rupture avec elle et se demander ce qui le rapproche le plus de Jésus-Christ.

En parlant avec une amie de ses positions sociales, compassionnelles, mais refusant toute " croyance", je me suis permis de lui dire qu'elle était " chrétienne sans le savoir" car suivant les pas du Christ. Sans doute était-elle dans une tradition qui avait forgé sa personnalité au-delà des "croyances".

 2) Le message reçu par les deux premiers " apôtres" conditionne leur réponse. Jean-Baptiste leur désigne Jésus comme " l'agneau de Dieu". Il s'agit là d'une référence à la tradition sacrificielle. Le sacrifice au temple est une porte ouverte vers Dieu, une soumission à sa volonté et une communion avec Lui. Ce qui, pour nous, renvoie à la croix et à la Cène.

En quoi cela nous- parle-t-il ? Qui est Jésus pour chacun d'entre nous ? Les définitions habituelles (agneau de Dieu, fils de Dieu, Christ ou messie) employées comme des noms de famille nous éclairent-elles vraiment ?

Chacun d'entre nous ne devait-il pas plutôt se demander : qui est Jésus dans ma vie ? Est-il son sens (c-à-d sa signification et sa direction ) ou une simple " assurance vie" qui m'aide face aux difficultés du monde ? Le suivons nous, nous mettons nous à son service ou l’invoquons-nous seulement face à nos difficultés à vivre ?

Qu'est-ce qu'être " fils de Dieu" si ce n'est être la seule image que nous pouvons nous faire d'un Dieu inimaginable ? En quoi cette image de Dieu en Jésus nous permet-elle de vivre ?

3) "Où habites tu ? "

Etonnante question qui renvoie évidement à cette volonté trop humaine de vouloir situer Dieu, l'encadrer. Cette volonté, d'une certaine manière, a donné lieu à une architecture (églises et cathédrales) qui manifeste cette volonté de se dire "il est là" . Mais aussi la volonté d'appartenance à une institution dont on suppose qu'elle détient la vérité. Vouloir suivre Jésus sans se tromper de maison peut conduire à changer d'institution ecclésiale. Mais y a-t-il une institution qui détient la vérité de Dieu en Jésus- Christ ? Je suis sensible au fait que notre EPUDF ait affirmé dans ses statuts qu'elle ne prétendait pas être à elle seule l'Eglise de Jésus- christ. Pour nous humains, Le Dieu de Jésus- christ n'habite qu'une maison : celle de l'Ecriture qui doit devenir parole ! Pour cela, il convient de savoir s'approcher de nos frères et sœurs humains comme Jésus l'a fait ! Nous pensons toujours être dans la " bonne maison", mais celle-là n'est définie que par l'amour que nous savons témoigner.

" Que cherchez-vous ? " dit Jésus. Nous le cherchons Lui, mais souvent en ignorant où il nous attend vraiment.

" Il ne s'agit pas d'aimer Dieu dans l'abstrait, d'aimer un Dieu qu'on s'imagine, que l'on façonne à son image. Il s'agit d'aimer l'Homme, l'homme avec ses limites, l'homme avec son animalité, l'homme avec tout ce qui en lui nous rebute et nous répugne. Car c'est justement en dépassant tout cela qu'on atteindra au vrai Dieu. Le Nouveau testament, le testament éternel, c'est d'aimer l'homme pour ne pas manquer Dieu. " dit M. Zundel

Ainsi sauvés par l'Amour de Dieu manifesté en Jésus devons-nous être les " porte-paroles" actifs de cet amour. L'institution ecclésiale, quelle qu'elle soit, n'est pas la "maison de Dieu". Elle est le Lieu où nous devons apprendre à le rencontrer. C'est ainsi que, dans notre texte, André ne reste chez Jésus qu'un moment. Nos institutions ecclésiales sont des lieux de départ et non d'arrivée.

4) André quitte la maison de Jésus et s'en va annoncer ce qu'il a appris. C'est sans doute ce que l'on appellera la mission. Celle-ci n'est pas l'affaire de spécialistes mais de témoins c’est-à-dire de chacun d'entre-nous. Sommes-nous tous missionnaires ? Le choix de suivre Jésus, c'est celui de quitter nos illusions de le croire plus présent dans une église, une cathédrale ou un temple. D'où le thème qui nous est cher d'être une " Eglise de témoins"

Pour les disciples, suivre Jésus, c'est être envoyés, comme nous, dans un monde de plus en plus difficile. Notre société semble " déchristianisée", mais a-t-elle été vraiment chrétienne ? " Le christianisme n'a pas échoué, on ne l'a pas encore essayé " disait T.Monod.

Ainsi, être chrétien doit-il être pour chacun d'être un "autre christ" et tenter d'agir comme Lui pour porter un message annonçant le règne de l'Amour divin.

 

Ce texte met à l'envers le choix des premiers disciples. Ce n'est pas Jésus qui appelle comme dans Matthieu, mais ce sont eux, qui, à la faveur d'une parole choisissent de le suivre. Mais ce texte ne doit pas nous amener à l'idée répandue qui veut que ce soit nous qui choisissons. Dans ce texte, c'est bien dieu qui s'adresse aux hommes à travers la prophétie de Jean-Baptiste. Les disciples sont choisis comme auditeurs et comme nous le sommes.

Porteurs d'un message lourd à témoigner, mais léger à porter, celui de l'Amour inconditionnel de l'agneau de Dieu et de Dieu pour l'humanité.

Jean-Pierre Pairou