29/10/2023 prédicaiton Mikaëla

Matthieu 25 : 1-13

1 Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui prirent leurs lampes pour aller à la rencontre de l’époux.

2 Cinq d’entre elles étaient folles, et cinq sages.

3 Les folles en prenant leurs lampes, ne prirent pas d’huile avec elles ;

4 mais les sages prirent, avec leurs lampes, de l’huile dans des vases.

5 Comme l’époux tardait, toutes s’assoupirent et s’endormirent.

6 Au milieu de la nuit, il y eut un cri : Voici l’époux, sortez à sa rencontre !

7 Alors toutes ces vierges se levèrent et préparèrent leurs lampes.

8 Les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.

9 Les sages répondirent : Non, il n’y en aurait pas assez pour nous et pour vous ; allez plutôt chez ceux qui en vendent et achetez-en pour vous.

10 Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui au (festin) de noces, et la porte fut fermée.

11 Plus tard, les autres vierges arrivèrent aussi et dirent : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous.

12 Mais il répondit : En vérité, je vous le dis, je ne vous connais pas.

13 Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l’heure.

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Prédication du 29/09/2023 : les dix jeunes filles.

Préambule

Aujourd’hui c’est le dimanche de la reformation.

Longtemps les Ecritures ont été réservées à une élite religieuse et rendues inaccessibles voire interdites au peuple.

La Réforme et l’imprimerie ont permis de démocratiser l’étude de la bible et son interprétation.  Il est utile de nous le rappeler, nous qui pouvons lire sans crainte la bible aussi souvent que nous le désirons.

L’unité de l’Eglise se réalise non pas dans une uniformité, notamment en ce qui concerne l’interprétation des écritures, mais dans la diversité, dans la richesse des interprétations,

 « Et il leur dit : C'est pourquoi, tout scribe instruit de ce qui concerne le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes ». Matthieu 13 :52

Nous allons reprendre ensemble cette parabole familière et nous efforcer d’en avoir une lecture nouvelle, différente, plus intérieure peut-être, comme un trésor qui a des choses anciennes et nouvelles à nous révéler, sans ne jamais prétendre avoir trouvé « La bonne interprétation » car cela mettrait   fin à nos recherches, et nous priverait de la joie de nouvelles découvertes.

Une parabole scandaleuse

Cette parabole des dix vierges ou des dix jeunes filles a de quoi nous surprendre car elle n’est ni morale ni même évangélique et les personnages sont loin d’être exemplaires.

Voici dix jeunes filles, catégorisées dès le début de l’histoire, cinq sages et cinq folles.

Un époux, qui se permet d’arriver en plein milieu de la nuit, au point que toutes les jeunes filles s’endorment de lassitude et d’ennui.

Cinq jeunes filles dites insensées, elles ne s’attendaient pas à devoir attendre aussi longtemps, elles n’avaient pas prévu de réserve d’huile et elles vont payer très chèrement leur imprévoyance,

Cinq sages, elles sont loin d’être exemplaires, je les trouve même assez chipies, loin du partage et de la solidarité des évangiles, elles gardent égoïstement leur huile pour elles.

De plus elles se révèlent mauvaises conseillères en envoyant leurs compagnes acheter de l’huile dehors chez les marchands, au milieu de la nuit,

D’ailleurs, cette huile censée représenter la grâce, les bénédictions de Dieu, peut-on l’acheter chez des marchands ?

Cette parabole nous dit de veiller et nous constatons que toutes s’endorment les insensées comme les sages.

Pour clore le tout, quand ses pauvres jeunes filles reviennent enfin avec de l’huile, la porte de la salle des noces leur est fermée, l’époux se rend sourd à leurs appels désespérés et prononce des paroles terribles : « je ne vous connais pas »

Rejet, fermeture, comment reconnaître Jésus dans ce personnage, lui qui est tout accueil et qui laisse ses 99 brebis pour chercher la brebis égarée.

C’est contraire à tout l’enseignement de Jésus qui nous dit de frapper et qu’on nous ouvrira et qu’il ne mettra jamais dehors celui qui viendra à lui.

Cette parabole est venue souvent conforter une théologie du jugement final, une justification du fait que le salut de Dieu n’est pas pour tous, que certains seront sauvés et d’autres pas, et ceci en fonction de leur conformité, dans un jugement sans appel.

Cette parabole me « dérange » !

Mais nous le savons les Ecritures sont là pour nous déplacer, nous bousculer et changer nos perspectives, en même temps que  notre vision de nous-même, des autres et de Dieu, nous mettre en recherche.

Qu’est ce que ce royaume de Dieu

Le royaume des cieux est semblable à …ainsi commencent souvent les paraboles.

Jésus ne cesse de parler du royaume de son père, il dit être venu pour annoncer la bonne nouvelle du royaume.

Et il le fait souvent en racontant des histoires dans le style de son époque, parfois apocalyptique, eschatologique. Des histoires qui interrogent, et qui ne sont pas évidentes, elles peuvent nous choquer et même nous scandaliser.

N’est-ce pas là précisément l’intention de Jésus ?

Ce royaume de Dieu ou des cieux. Quel est-il ?

Le royaume de Dieu est souvent considéré comme à venir à la fin de toutes choses, comme un lieu défini que nous pouvons appeler le paradis ou le ciel.

Ce matin nous allons changer notre angle de vision et prendre comme hypothèse de lecture que le royaume de Dieu n’est pas à projeter dans le futur, qu’il est déjà là, présent dans le monde, intérieur au cœur des hommes.

Cela n’est pas en opposition avec les évangiles car Jésus nous dit dans Luc 17 :21 » le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards, il est au milieu de vous, il est au-dedans de vous »

Cette hypothèse de lecture à l’avantage d’éclairer notre parabole, d’harmoniser certains textes des évangiles qui semblent en contradiction avec l’enseignement de Jésus en leur donnant un nouveau sens.

Cette lecture différente m’a procuré de la joie et c’est ce que j’aimerai pouvoir vous communiquer ce matin.

Le royaume, on pourrait traduire aussi « règne de Dieu » ce serait Dieu en action dans le cœur des hommes, son action inlassable pour que le monde change, sa recherche incessante du cœur des hommes.

Quels qu’ils soient, quoiqu’ils fassent il veut les sauver.

« Mon royaume n’est pas de ce monde », il est très différent des royaumes du monde, il est sans pouvoir si ce n’est celui de l’amour, mais il n’est pas sans ambition : sauver le monde !

Il est dans le monde mais pas du monde, C’est un nouveau mode de vie, une autre façon d’’être et d’exister, non pas en tant qu’individu mais comme des personnes en relation, une communion entre les personnes.

Il est dans le présent, il est présent dans le monde, mais il est différent, unique, spirituel.

Il est aussi invisible, universel et en marche.

Le royaume de Dieu est loin d’être parfait, on pourrait dire que c’est un vrai chantier, mais il est en devenir et porte en lui l’espoir de l’humanité.

Les enfants du royaume, les enfants du Père sont appelés à devenir le sel de la terre, le levain dans la pâte, la lumière du monde, à trouver leur place en apportant avec leurs faibles moyens le meilleur de ce qu’ils ont reçu.

Ils sont passés par une nouvelle naissance, une naissance spirituelle.

De ce royaume nous connaissons déjà le code civil : ce sont les béatitudes et son programme : le sermon sur la montagne.

Si vous voulez en apprendre davantage sur ce qu’est le royaume de Dieu, relisez les béatitudes et la suite du chapitre 5 de Matthieu.

Dans ce royaume tout est sens dessus dessous, on pourrait dire « c’est n’importe quoi » en tout cas, c’est du jamais vu ! 

Aucun parti politique n’oserait présenter un tel programme !

 Le premier est le dernier et le dernier le premier, on s’enrichit en donnant tout, on prie pour ses ennemis, on tend l’autre joue, on nous demande de devenir comme des petits enfants et la vraie grandeur est dans l’humilité.

Ce retournement, cette conversion ou metanoïa c’est d’abord dans le cœur des personnes qu’elle s’accomplie, pour pouvoir ensuite changer le monde, le soulever ; comme le levain soulève toute la pâte.

 

Retour à la parabole

Le royaume de Dieu nous dit le texte est semblable à dix jeunes filles, non pas uniquement les cinq sages comme nous aimerions le penser mais bien les dix, il contient les avisées et les insensées.

C’est un premier point que nous retiendrons, car il peut changer toute notre interprétation Si ce royaume est un royaume intérieur, une façon d’être et de vivre, nous pourrions dire qu’en chacun de nos cœurs il y une part de sagesse, mais aussi de folie, de non-sens. Nous ne sommes loin d’être au top à 100% !

Le royaume de Dieu englobe tout, la sagesse et la folie, il accueille en nous tout ce que nous sommes, la part de lumière, et Jésus nous dit « vous êtes la lumière du monde » mais aussi des aspects plus sombres, notre part d’obscurité, une part de nous insensée qui peut nous amener à l’extérieur de nous-même, dans une recherche superficielle vers les soi-disant marchands de lumière, marchands d’avoir et d’illusions.

Qu’en est-il de l’époux ? bien sûr nous pensons à Jésus qui s’est identifié lui-même comme l’époux.

Il se fait entendre, c’est un cri au milieu de notre nuit, mais ce peut être aussi à voix basse, dans un murmure, une voix qui nous réveille puis une présence qui se manifeste.

Il ne cesse de venir, quand on ne l’attend pas, comme par surprise, dans les évènements, souvent dans les rencontres, dans les épreuves, dans les écritures, il est là, il était déjà là. 

Mais nous arrivons au moment que nous préfèrerions éluder : la porte fermée, et l’époux qui dit aux pauvres jeunes filles imprévoyantes : je ne vous connais pas.

Nous retrouvons des termes similaires dans d’autres paraboles, celle du jugement, des brebis et des boucs « je ne vous ai jamais connu, allez dans le feu éternel qui a été préparé pour vous dès avant la fondation du monde, » ou celle de l’ivraie et du bon grain, l’ivraie est jeté dans la géhenne. Un bon nombre de paraboles nous parle d’un tri suivi d’un rejet, d’une élimination radicale.

Même en m’efforçant de les replacer dans leurs contextes, en comprenant qu’il ne s’agissait que d’images, que ce n’était pas à prendre à la lettre, j’ai toujours buté sur ces textes, sur la violence de ces textes et je vous avoue que je faisais tout ce que je pouvais pour les éviter.

Ils ne correspondaient ni à l’enseignement de Jésus ni à la vision d’un Dieu d’amour.

J’aurais vraiment préféré qu’ils n’aient jamais existés dans les évangiles.

Jusqu’à ce que l’étude de cette parabole vienne tout changer.

Dans ce royaume intérieur (nous gardons notre hypothèse de lecture) ce que Dieu laisse à la porte ce ne peut pas être des personnes humaines, lui qui ne rejette personne,

Ce n’est pas nous qu’il va mettre à la porte.

Ce Que Dieu va laisser dehors c’est cette part de folie en nous, tout ce qui en nous s’oppose à la vie, tout ce qui nous encombre, nos péchés, nos errances, nos misères, nos culpabilités.

Il vient à notre rencontre et nous accueille tels que nous sommes dans nos faiblesses, nos limites, nos lassitudes.

C’est lui qui frappe à notre porte, et il le fait de l’intérieur, il nous appelle alors que nous sommes à l’extérieur de nous-mêmes, il nous conduit avec notre consentement à une métamorphose, il nous apprend à vivre en filles et fils du Royaume.

C’est une œuvre de libération, de restauration de tout notre être, une œuvre de conversion, il veut nous amener au meilleur, au plus vrai de nous-mêmes, et il ne veut voir que le meilleur en nous, le reste Il ne le connait pas.

C’est cette dynamique d’évolution qui va élargir, dilater notre cœur, pour que nous devenions aimants, que nous ne jugions plus, que nous sachions à notre tour discerner le meilleur en l’autre, le visage unique de Dieu dans chaque rencontre.

Oui, cet » amen, je ne vous connais pas » ne retentit plus alors comme un jugement, mais comme un pardon, une manifestation d’amour du Père.

« Je ne vous connais pas, je ne vous ai jamais connu »

L’époux veut ignorer notre part d’ombre et de folie.

C’est un cri d’amour ! Il ne veut plus rien connaitre de tout ce qui pouvait nous éloigner de sa présence.

Tel est le jugement de Dieu sur nous, c’est une dynamique de vie qui nous sauve.

Son jugement ce n’est que de l’amour.

La parabole et l’AT

Déjà certains textes du premier testament le proclamaient :

Michée 7 :19 Il aura encore compassion de nous, Il mettra sous ses pieds nos iniquités ; Tu jetteras au fond de la mer tous leurs péchés.

Esaïe 1 :18 Venez et plaidons ! dit l'Eternel. Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige ; S'ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine.

Et cela dès aujourd’hui.

Entendons cette parole éclairante en Jean 5 :24

 « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie »

Cette parole de Jésus contient en un seul verset tout ce que nous venons d’entendre de cette parabole.

Il ne vient pas en jugement, il est passé de la mort à la vie, il est déjà ressuscité.

Tout comme le « père prodigue » qui ne juge pas un seul instant son enfant, il est tout à sa joie de le retrouver « mon fils était mort, et il est revenu à la vie » 

Et toutes ses expressions concernant le jugement que je trouvais bien difficiles, je ne me lasse plus de les entendre car je les reçois comme une expression du pardon total, de Dieu et de son amour, et il n’y a pas de termes trop forts pour dire à quel point il veut éliminer éternellement, pour toujours tout ce qui en nous faisaient obstacle à la vie et à sa présence vivifiante.

Plus ces termes sont forts : « je ne vous ai jamais connu, jetez les dehors, dans le feu éternel, ils bruleront dans la géhenne », plus ils me réjouissent et me disent à quel point le Père désire éloigner de lui et de nous nos transgressions, à quel point son pardon est définitif, total.

C’est une vraie bonne nouvelle du royaume !

La parabole se termine en ces termes : « veillez donc », d’autres textes diront : « veillez et priez »

Oui, nous sommes rappelés à la vigilance et à la prière qui nous rend plus réceptifs en ouvrant un espace à Sa possible venue dans nos vies, en étant capables de reconnaître et de recevoir les moments de grâce dans notre existence.

Cette flamme en nous, elle doit être précieusement entretenue.

Suivant les interprétations on a pu dire qu’elle représentait la grâce, les bénédictions de Dieu, la Parole de Dieu « ta parole est une lampe à mes pieds », ou un symbole de l’esprit saint.

Ce matin, je garderai une seule pensée : veiller, ce pourrait être entretenir notre désir de Dieu,

Simplement cela,

Car rien ne peut se faire sans notre désir, notre consentement.

Etty Hilleson disait : « aide moi à ne pas te laisser mourir en moi »,

 

« Seigneur aide nous à ne pas laisser ta flamme s’éteindre en nous,

Ravive notre désir de toi, de ta lumineuse présence. Amen ! »