25/12/2023 prédicaiton culte de noël Jean-Pierre Pairou

Prédication

Jean 1, 1 à 18

 

Voici un noël sans crèche, sans enfant Jésus, sans bergers, mages  ou anges. Sans même l’évènement d’une naissance. Sans doute ceci nous permet il de remettre noël dans le «  droit chemin », loin des scories folkloriques et plus loin encore des dérives commerciales, celui de l’évènement « Jésus-Christ ».

Chacun des évangélistes débute son récit en annonçant à sa façon l’évènement Jésus. Les récits d’enfance, s’ils ont des choses à nous dire n’existent que chez deux évangélistes et sont des récits de tradition tardive.

Jean Commence son évangile par un hymne magnifique. Dernier des évangélistes, il est fortement marqué théologiquement, influencé par le gnosticisme. Il nous livre un hymne dont l’origine est du judaïsme héllènistique.

Comment le commenter ? comment le faire sans dénaturer sa poésie ? Alors que ce texte est comme une confession de foi ?

«  Personne n’a jamais vu Dieu. Jésus , fils unique qui est dans le sein du Père nous l’a révélé »

Cette révélation de Dieu, c’est Noël même. Dieu se révèle dans l’enfant de la crèche .

Cf. Paul Tillich  « Le salut est un enfant ». L’enfant est déjà là, mais pas encore, dans le sens où il recèle toute la potentialité du développement à venir. Il en est de même pour le salut.

Ce salut est développé dans le prologue sous bien des aspects, nous en retiendrons trois :

-Le commencement

-La Parole

-La lumière

 

1°) Le commencement.

 

 a) « Au commencement » renvoie à Genèse 1. Le même mot grec est employé dans la septante traduction  grecque du premier testament.

L’affirmation suggérée est double :

-En Jésus –Christ un monde nouveau nait.

Jésus comme Dieu préexiste à toute création. Théologie élaborée propre à Jean ; «  Je suis sorti d’auprès du Père et je suis venu dans le monde » Jn 16, 28.

Paradoxe même du Christianisme en la notion d’incarnation. Dieu dans notre humanité .

En termes Tillichiens : comment l’infini ( de Dieu), peut-il se manifester dans la finitude ( d’un homme). Révélation essentielle qui distingue la foi chrétienne des autres religions. Ces arguments théologiques semblent bien loin de nos préoccupations. Pourtant, si Dieu s’est fait homme, l’humanisme est absolu. L’homme est image de Dieu. Que Dieu se soit manifesté en notre humanité lui donne une dignité infinie. La relation à l’autre est transfigurée en tant que relation à une image de Dieu.

 

b) Le commencement fait également référence à une nouvelle création «  toutes choses nouvelles » Comme lors du déluge, on s’attend à un monde « épuré ». « Tout va changer ce soir » chantait un de nos contemporains. Pourtant à regarder notre monde, si beaucoup a changé dans ce qu’on nomme développement  et parfois de façon catastrophique, rien n’a changé dans la barbarie humaine !

On est renvoyé ici au thème de l’accueil «  Le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu dans son propre bien, mais les siens ne l’ont pas reconnu ». Le renouvellement du monde est rendu possible par la venue de Jésus-Christ, de Noël, mais les hommes doivent l’accueillir. Noël doit être accueilli comme une possibilité de transfiguration de notre monde. En Jésus, nous savons ce qui est à accomplir, encore faut-il nous mettre en marche. C’est aussi l’idée du Royaume déjà là et pas encore parce qu’il nous revient de l’accomplir. Théodore Monod disait  «  Le Christianisme n’a pas échoué, nous ne l’avons pas encore essayé. » Essayons le ! Noêl n’est pas une sorte de 14 juillet biblique à célébrer comme une vielle histoire, mais une invitation à nous mettre en marche. Jésus-Christ n’est pas seulement notre passé, il est notre futur.

 

2°) La Parole

 

  Elle est éternelle dit le texte c’est-à-dire hors du temps. C’est ce qu’exprime le verbe « être »du premier verset. On trouve ici une personnalisation du logos, du Verbe, de la Parole qui en fait une entité indépendante comme ailleurs la Sagesse.

Cette entité se confond toutefois avec Dieu lui-même comme «  l’ange du Seigneur ».  «  Le verbe était tourné vers Dieu, le Verbe était Dieu »

Et un second caractère est qu’elle est créatrice v 3 à 5 «  tout advint par elle » On est une nouvelle fois renvoyé au livre de la Genèse où le tout est symbolisé par «  le ciel et la terre » et la Parole créatrice par le « Dieu dit »

La Parole, toute parole, est créatrice y compris les nôtres. Les objets que nous ne nommons pas n’existent pas et de même nous nommons des objets qui échappent à nos sens mais que nous considérons comme existants. Mais nos paroles ne sont que de pâles reflets de la Parole. On parle volontiers  de     «  Parole de Dieu » et l’on dit que la Bible est la Parole de Dieu ! Mais la Bible est un recueil de livres et ceux-ci ne deviennent «  Parole de Dieu » que si on se les approprie. La Parole de Dieu est dans la Bible à condition de lui donner vie dans nos existences individuelles et en Eglise.

« L’écriture seule » devrait être entendue comme  «  la Parole seule » et non comme une «  religion du Livre. » En effet «  La Parole s’est faite chair et elle a habité parmi nous ». La Parole n’est pas un livre, la Parole est une personne, Jésus-Christ, personne dont nous trouvons des témoignages dans un livre . Témoignages qui, s’ils nous engagent, deviennent Parole Vivante.

 

3°) La Lumière

«  En toi est la source de la vie, par ta lumière, nous voyons la lumière » dit le Psaume 36. » «  Ne plus voir la lumière »  c’est mourir affirme le psaume 49. «  Ta Parole est une lampe sur ma route » dit le psaume119 réunissant ainsi nos deux concepts.

La lumière permet de diriger sa vie. Sans elle pas de possibilité d’aller dans la bonne direction si la vie est comparée à une marche.

La disparition progressive de la lumière en hiver a constitué sans doute une source de terreur pour l’humanité primitive pensant qu’elle allait disparaitre à jamais. La fête du solstice d’hiver a laquelle s’est raccrochée Noël nous le montre. Pourtant là aussi, le paradoxe de la condition humaine se manifeste . « La lumière brille et la ténèbre ne l’a pas saisie. » Les versets 7 à 12 soulignent ce refus. Jésus est comparé à la Lumière du monde. « Celui qui vient à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres ». Mais cette lumière est trop éblouissante et les hommes la refusent. La perfection humaine de Jésus semble impossible à atteindre et les hommes la rejettent. L’image des ténèbres me fait penser fait penser au refus des hommes plus préoccupés par la recherche de la richesse que celle de l’Amour.

 

Noël est l’invitation à nous saisir de cette lumière, à faire qu’elle éclaire nos vies, guidées par la Parole, vers un nouveau commencement. L’affirmation essentielle est que nous ne sommes pas seuls. Dieu est venu nous offrir «  grâces sur grâces » «  La grâce et la Vérité sont venues en Jésus-Christ. » Grâce et vérité doivent être accueillies et vécues pour le Royaume qui est déjà là mais que nous devons aider à faire advenir.

Noêl est un jour de choix existentiel, celui de savoir si nous continuons à vivre dans les ténèbres ou choisissons de suivre l’enfant de Bethléem et « devenir enfants de Dieu ». Cet enfant, s’il fut derrière nous dans l’histoire, est avant tout devant nous. Etre chrétien c’est être dans l’attente de son retour, non dans une attente passive et béate, mais une marche difficile dans ses pas et qui se nomme espérance.

 

Jean Pierre Pairou