22/01/2017 prédication Pierre Marque

Ce jour marque comme chaque année,

prédication de Pierre Marque donnée le 22janvier

"semaine de prière pour l'unité des chrétiens"


 

Eglise universelle

Ce jour s’inscrit dans la semaine de l’unité des chrétiens. Cette volonté affichée d’union dans la prière est encourageante et stimulante pour chacune des confessions chrétiennes ; Mais elle n’est pas suffisante en soi pour que nous retrouvions unis dans une seule église. L’église universelle ne veut pas dire l’unicité d’une église. Pour l’académie française,  est universel ce qui est considéré commun par tous les hommes. C’est l’assemblée des croyants en Christ, facteur commun, qui constitue la véritable église universelle. Lors de sa visite à l’église vaudoise de Turin en juin 2015, le Pape François reconnaît d’ailleurs : je cite « l’unité qui est fruit de L’Esprit Saint ne signifie pas uniformité »

 Paul nous le rappelle dans ce texte aux corinthiens, que nous devons rester unis dans l’esprit Saint, au-delà de ce qui nous divise dans la liturgie et dans la gestion des églises. Rester unis dans le Christ car ce n’est pas en l’église protestante, catholique ou orthodoxe en laquelle je crois, mais en Dieu seulement.

Autrement dit, ce bien commun qui unit les hommes c’est la crucifixion du  Christ qui est une et indivisible. C’est l’annonce de l’évangile qui se retrouve dans l’amour de son prochain. Ensemble nous pouvons rejoindre le Pasteur Dietrich Bonhoeffer lorsqu’il nous dit « Je suis le frère de mon prochain à cause de ce que Jésus Christ a fait pour moi ; mon prochain est mon frère à cause de ce que Jésus Christ a fait pour lui. »

Cette approche est indifférente à l’appartenance à une confession chrétienne. Elle constitue le socle de  l’église universelle.

Luther met le monde chrétien en marche vers la vérité qui s’exprime seulement par la bible. En réformant, c'est-à-dire littéralement en jetant à la réforme, les couches et strates successives qui s’étaient entassées sur la parole divine, il retrouve le message originel de la bonne nouvelle.

Epurée de ce qui avait été ajouté au fil du temps pour répondre à des préoccupations et à des pouvoirs temporels, la Parole en langage vernaculaire permet, à chacun de retrouver progressivement la pureté des origines. C’est cette contribution qui nous permet de lire et d’entendre les textes dans notre langue maternelle. Car c’est à chacun d’entendre, de comprendre et de s’approprier, sans écran ni filtre,  l’évangile de la parole en y mobilisant toute son intelligence.

Nous le savons, la traduction, le sens des mots et les idées évoluent avec le temps et la langue. Passer de l’hébreux au grec, du grec au latin, les chemins de perdition de la parole ont été nombreux au cours de ces deux mille ans d’histoire.

Les choix des premiers temps ont figé une lecture dans un sens particulier. En ne retenant que la traduction qui favorise son pouvoir temporel, l’église romaine s’est éloignée de l’universalité.

La multiplicité des églises est bien antérieure à  Luther. Cette multiplicité répond au rejet d’un pouvoir politique, plus que d’un pouvoir spirituel. Citons entre autres, l’apparition des églises Nestoriennes ou Coptes et le schisme survenu entre l’église orthodoxe d’orient et l’église catholique d’occident en 1054.

Le moyen âge avait mis l'accent sur la justice inexorable de Dieu, sur la gravité du péché, sur les châtiments de l'au-delà. Luther dont nous fêtons cette année le 500eme anniversaire retrouve l'Evangile de la grâce. Dieu est bon. Il est toujours prêt à pardonner. Il n'est jamais trop tard pour revenir à Lui. Aucun péché, si grave soit-il, ne peut à toujours séparer l'homme de Dieu. Comme un père compatissant, il est toujours prêt à accueillir l'enfant coupable qui revient à lui. Sans nier l'importance des œuvres, ni celle de la sanctification, Luther les enseigne mais avec moins de force et de puissance que la justification par la foi.

Relire la bible, exercer son sens critique, remettre en question les dogmes à cette relecture et faire de la bible une parole vivante, c’est exercer en toute liberté et comme l’a fait Luther, le discernement auquel Dieu nous convie.

Connaître Dieu et le craindre, c’est marcher dans les chemins du Christ. Avoir du discernement c’est faire la part des choses au-delà des apparences et des conventions. C’est ce qui doit nous permettre de poser dans chaque situation, les questions essentielles.

Le Christ se reconnaît à l’esprit de conseil et de vaillance qui seront en lui dit ESAI 11/ 2-3 en lui reposera l’Esprit du SEIGNEUR : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de vaillance, esprit de connaissance et de crainte du SEIGNEUR. Il ne jugera pas d’après ce que voient ses yeux,
il ne se prononcera pas d’après ce qu’entendent ses oreilles

Notre période n’est pas propice à la sagesse et au discernement. L’accélération de la circulation de l’information, vraie ou fausse information peu importe d’ailleurs, l’obligation qui nous est faite d’avoir un avis immédiat sur tout et à tout moment par la surexposition de notre vue et de nos oreilles aux médias et réseaux sociaux,  limite notre discernement.

Alors que l’acquisition du discernement, cette capacité de discerner le bien du mal, le vrai du faux, se fait progressivement au moyen de la réflexion, de l’expérience spirituelle, de la connaissance et de l’intelligence. Vous entendez bien à l’énoncé de ces derniers qualificatifs que les dimensions temporelles, spirituelles et culturelles font défaut à notre société d’aujourd’hui.

 

Le discernement temporel c’est les choix faits par tout homme qui découle de ses facultés d’observation et de réflexion. Ce discernement est limité car il est matériel.  Matthieu 18:2,3 "Jésus leur répondit: Le soir, vous dites: Il fera beau, car le ciel est rouge; et le matin: Il y aura de l’orage aujourd’hui, car le ciel est d’un rouge sombre. Vous savez discerner l’aspect du ciel, et vous ne pouvez discerner les signes des temps.". Ne pas savoir discerner les signes du temps c’est les limites du discernement temporel. Seul rappelle le Christ la dimension spirituelle permettra d’acquérir la sagesse.

 

Le discernement spirituel s’exerce à l’écoute de la Parole de Dieu : Epitre aux Philippiens  1/9-11 " Et voici ma prière : que votre amour abonde encore, et de plus en plus, en clairvoyance et pleine intelligence, pour discerner ce qui convient le mieux. Ainsi serez-vous purs et irréprochables pour le jour du Christ, comblés du fruit de justice qui nous vient par Jésus Christ, à la gloire et à la louange de Dieu »

 

Par le Christ nous pouvons rebondir sur des principes communsque nous mettons  à l’épreuve de notre vie de Chrétien : la clairvoyance et l’expérience constituent l’esprit de justice qui nous vient de Jésus Christ, l’étude de la Parole constitue l’amour qui est  le socle du discernement. C’est cela la nécessaire et réelle communion avec le Seigneur.

 

Le Christ ne juge pas d’après ce que voient ses yeux ni entendent ses oreilles cela veut dire que nous ne devons pas, nous non plus, laisser l’apparence gouverner nos choix ni laisser le temps faire «  le laisser faire » est destructeur de la sagesse.

Le chemin suivi par le Christ montre l’impérative nécessité de s’ouvrir aux autres. Cela ne doit pas nous empêcher de rester vigilant sur les opinions que pouvons accepter où non, sur les opinions que nous pouvons défendre ou non.

L’esprit de conseil mène à l’écoute bienveillante et à la miséricorde ; l’esprit de vaillance mène à la liberté d’opinion. Cet esprit de vaillance permet au Christ de faire sa route en s’affranchissant des conventions de son époque et des lois de sa communauté.

Savoir écouter et être vaillant c’est écouter le monde mais aussi dire le chemin qu’il serait bon de suivre, qui convient le mieux dirait Paul. Même si cela coûte ou si ce n’est pas immédiatement audible dans ce brouhaha collectif.

Affirmer sa liberté de pensée de Chrétien est, en premier lieu, de faire vivre l’amour pour son prochain, c’est aussi faire preuve de vaillance. C’est la vaillance qui permet de résister à la pression médiatique qui vise à faire de l’émigré le bouc émissaire d’une société qui a perdu ses repères et ses valeurs, comme sa morale républicaine.

Faire preuve de vaillance hier, c’était comme Luther définir une autre voie pour suivre la Parole, faire preuve de vaillance aujourd’hui c’est s’éloigner de tout ce qui écarte de l’amour du prochain.  S’éloigner de la haine et de s’éloigner de la violence envers autrui. Voilà la vaillance qu’il est possible d’atteindre, avec l’éloignement volontaire des sollicitations qui s’adressent à nos instincts les plus primitifs.

 

Ce comportement, nous le voyons tous les jours n’est pas sans écueil car aujourd’hui il y a plus à étonner par l’amour qu’en se comportant avec violence, mépris ou rejet identitaire.  Il est plus facile de haïr que d’aimer, ce que le Christ traduisait dans Jean 7.7 «  tandis que moi le monde me hait parce ce que je témoigne que ces œuvres sont mauvaises »

 

La grâce reçue nous fait sens d’aller rechercher continuellement la sagesse en nous séparant éventuellement des édits de notre société et en refusant d’y participer comme le font les lanceurs d’alerte. Par la séparation du péché nous glorifions Dieu et le rachat de son fils. La sagesse a un prix comme le Christ nous l’enseigne : le prix de la démesure de l’amour du prochain qui est folie aux yeux des autres.

Parce que nous sommes appelés à la fois à la sagesse et à la folie suivant l’épitre aux corinthiens « le langage de la croix qui est folie pour ceux qui vont à leur perte mais pour nous il est puissance de Dieu » Cor 1-18

 

Armé de la sagesse nous proclamons l’amour d’autrui, armé de la folie nous proclamons le message de la Croix. Nous proclamons que Dieu porte notre salut par le Messie crucifié dont l’abaissement par la crucifixion est, scandale, parce que ce Messie crucifié  ne répond pas à ce que est normalement attendu d‘un Dieu : la toute puissance.

 

Nous proclamons la sagesse de Dieu qui sauve le monde par les évangiles et non pas par les miracles,  nous proclamons la folie de Dieu qui sauve le monde par la grâce et non par les œuvres, nous proclamons la sagesse des opprimés qui sauvent le monde par leur prière et non par leur vengeance. Nous proclamons la sage folie des pauvres au dérangement mental des fanatiques. Nous proclamons la folie déraisonnable de la croix au cynisme de la raison pure.

 

Ainsi, armés par la sagesse de l’amour du prochain et par la folie de la croix nous sommes appelés à témoigner dans  notre société en utilisant le discernement que nous donne l’Esprit Saint c'est-à-dire nous appuyer sur un  chemin de vie qui peut se résumer ainsi :

 

  • Se faire confiance et faire confiance
  • Oser le courage d’aimer son prochain
  • Savoir choisir sa voie et dire en conscience ses valeurs  même si c’est renoncer à suivre l’opinion commune

 

Que Dieu nous vienne en aide dans ce difficile et exigeant chemin de vie, allant du discernement, au conseil, à la vaillance et à la sagesse. Nous vivrons ainsi pleinement ce dimanche de l’unité des chrétiens.

 

Amen