MESSAGE DU 1er MARS 2020 Charles Klagba

Textes bibliques :                   Matthieu 4 : 1-11

 

MESSAGE

 

« Puis Jésus fut emmené par l’Esprit dans le désert pour être tenté par le diable ». (Matthieu 4,1)

Frères et sœurs, c’est ainsi que l’Evangéliste Matthieu introduit cet épisode particulier sur le début du ministère de Jésus, un épisode qui préfigure déjà les évènements qui vont précéder la Pâques.

Ce n’est donc pas par hasard si l’Eglise nous propose cet évangile en ce premier dimanche du temps de carême.

 

Revêtu de la puissance de l'Esprit, Jésus est prêt à accomplir son ministère.

Juste avant cette histoire assez incroyable de la tentation – ou de l’épreuve, c’est le même mot, en grec –, tentation donc de Jésus au désert, il y en a une autre : celle du baptême de Jésus au Jourdain par Jean le Baptiste où l’Esprit du Seigneur s’est posé sur Jésus.

Jésus est donc allé au désert.

Quarante jours durant, il fait une retraite pas du tout confortable ! Une rude période de jeûne total jour et nuit.

On dirait un baptême de feu dans la chaleur torride du désert, le feu avec ses brûlures ; brûlures de la solitude ; brûlures de la faim, brûlures et morsures de la tentation. Les quarante jours dans le désert, étaient une autre épreuve avant celle à laquelle Jésus est soumis par le diable.

Cette épreuve est mise en paroles au bout de ce jeûne, par le dialogue entre le diable et Jésus.

Quel curieux personnage que le diable ! Le diable, enfin… cette voix qui intervient ici, comme sans doute elle le fait de bien des manières dans nos vies à nous.

Cette voix a trois noms dans notre histoire : le diable, c’est celui qui se jette en travers, qui cherche à casser les relations ; le tentateur (lorsqu’il parle à Jésus), là le nom est clair, comme le sont ses paroles ; et enfin, le satan, c’est l’accusateur dans un procès.

 

Le diable cherche à casser la relation entre Jésus et son Père, en le mettant à l’épreuve pour pouvoir ensuite l’accuser.

 

Quand on y réfléchit, frères et sœurs, nous-mêmes, nous sommes très capables de faire tout ça les uns à l’égard des autres, d’être diaboliques ; vous comprendrez donc facilement ce qui se passe ici pour Jésus…

 

Au désert Jésus a veillé, il a prié, il a enduré l’inimaginable. Et comble de tout, c’est ce moment que choisit le Tentateur pour faire encore davantage mal.

L’affrontement commence….

 

Présenté comme tel, ce texte nous entraîne à imaginer je ne sais quel combat héroïque digne de ce nom, où le Fils de Dieu combattrait physiquement le démon un peu à l'image de "Super Man".

Une telle description correspond au style de l’époque. Mais il nous faut le dépasser si l’on veut comprendre quelque chose.

En fait, ce texte n’a pas été écrit pour parler à notre imagination. C’est à notre intelligence qu’il s’adresse. Il nous interpelle au niveau de notre foi, d’une foi intelligible. Ce récit nous invite à considérer notre vie en tenant compte de toutes les situations où nous sommes tentés nous-mêmes.

Il nous est dit que Jésus a supporté lui aussi les mêmes épreuves, si bien qu’il est particulièrement apte à nous aider.

Les épreuves que nous traversons ou qui nous attendent sont de trois natures. Et elles sont redoutables.

 

Face à cette voix forte personnifiée par le diable, dont le but principal est de brouiller le message de la Parole qui vient de Dieu, Jésus a marqué son terrain. Et ce terrain, c’est le Royaume, le Monde nouveau. Il n’y aura plus de magie, plus de domination oppressive, plus d’idolâtrie, plus de défi crâneur, plus d’exhibition d’égo surdimensionné. La croix clouera au sol, à leur racine, les tentations, le diable et ses œuvres….

 

Les offres faites à Jésus par le diable sont très claires dans leur formulation…

On peut les résumer ainsi : se servir soi-mêmese servir de Dieuse servir des autres. Ou bien aussi : le miraclele prestigele pouvoir.

 

Frères et sœurs, le diable n’est pas seulement celui qui conseille de se passer de Dieu, ou qui suggère que Dieu ne fait rien, ou bien qu’il n’existe pas. Ce qu’il fait en réalité, est plus insidieux.

Dans ce dialogue avec Jésus, le tentateur introduit jusque dans l’Évangile un contre-Évangile : il met des « si » ! Les avez-vous remarqués, en écoutant ce récit tout à l’heure ? « Si tu es Fils de Dieu », deux fois, et finalement : « si tu te prosternes devant moi »…

Oh ! On pourrait nous aussi, y entendre la voix des « amis », de nos proches… « Toi qui es chrétien », « si tu crois vraiment », « si tu es sûr de ton Dieu ».. etc … Il est normal que Dieu te récompense pour ce que tu fais pour lui !

Il y a là une vraie tentation de trahison de l’Évangile. Ce mot « évangile » désigne l’annonce d’une bonne nouvelle. Or, avec des « si », il n’y a plus de bonne nouvelle ! Dire ou entendre des « si » dans la relation avec Dieu, c’est réduire Dieu à une idole ! Et en même temps, puisqu’il y a des « si », nous gardons l’illusion de pouvoir contraindre Dieu. Nous nous enfermons et nous enfermons Dieu dans notre religion. Nous faisons de Dieu un robot à qui nous pouvons donner des ordres. Mais lui est Dieu, il est libre… et nous nous retrouvons seuls dans la prison diabolique que nous nous sommes construite ! C’est alors la fin de la bonne nouvelle…

 

Jésus va déjouer chaque piège du tentateur.

À la rupture du jeûne, il va opposer que seul ce jeûne nourrit vraiment : « l’homme vit de toute parole que Dieu prononce » !

En fait, à chaque parole tentatrice, Jésus va opposer sa relation avec Dieu, un Dieu qu’on ne soumet à aucune épreuve, un Dieu qu’on adore, c’est-à-dire qu’on reconnaît pour ce qu’il est, et non pour ce qu’on aimerait – ou qu’on redoute – qu’il soit. Un Dieu unique, dans tous les sens du terme : le seulle seul à adorer, le seul à faire du bien, le seul qui nourrit ceux qui ont faim de vivre, le seul qui vaille le coup –, et il est vraiment unique : aucun autre dieu ou prétendant à la divinité ne ferait les choses folles qu’il fait !

Jésus aussi est unique en son genre.

Les tentations annoncent déjà sa Passion et sa mort car ce Fils de Dieu préférera mourir que de renoncer à sauver les humains, il préférera la faiblesse totale à la prise de pouvoir que lui conseillaient pourtant ses amis et qu’attendaient ses disciples – pour y être associés, naturellement !

Pour Jésus, faire le choix de Dieu, c’est faire le choix d’être comme nous. Pour nous, frères et sœurs, faire le choix de Dieu, c’est faire le choix d’être comme Jésus. Comme un petit enfant, laisser Dieu lui-même être notre nourriture, laisser sa parole nous désaltérer dans le désert au cœur duquel nous vivons. Bien sûr, nous passerons alors nous-mêmes pour des gens uniques !

 

Dans la suite de ce récit, viennent alors des anges, après que le diable s’en est allé. Des anges, c’est-à-dire, textuellement, des messagers. Manière de dire que le jeûne de Jésus ne s’arrêtera jamais, même quand il mangera : c’est de la Parole de Dieu qu’il se nourrit.

 

Pour nous, frères et sœurs, cette parole est dans la Bible, cachée, attendant d’être découverte, entendue, reçue, aimée, au détour des pages, à travers des mots, des instructions, des histoires, des poèmes, des promesses. En Jésus, à cause de lui, tout ceci devient Évangile, annonce d’une bonne nouvelle qui concerne notre existence à chacun, à chacune.

Sans lui, Jésus, utilisés comme le fait le diable, dans des citations extraites sans intelligence, dans une lecture fade et sans âme, ces mots, ces pages ne nous diront rien, ne nous nourriront pas. Car c’est Dieu qui nourrit, et non pas le papier bible !

 

Frères et sœurs, si Jésus s’en est sorti, cela veut dire aussi, qu’il est possible à notre tour de ne pas succomber à la tentation. Si Jésus n’a pas trébuché quand le mal s’en est pris à lui, il est certain qu’il sera d’un profond secours pour nous, quand nous subirons les effets de la tentation. Et la tentation nous guette continuellement.

Ce récit nous invite, frères et sœurs, à considérer notre vie en tenant compte de toutes les situations où nous sommes tentés nous-mêmes. Il nous est dit que Jésus a supporté lui aussi les mêmes épreuves, si bien qu’il est particulièrement apte à nous aider.

Les épreuves qui nous attendent sont de même nature.

- Elles concernent en premier lieu nos soucis matériels, car nous aimerions que Dieu fasse tourner la chance en notre faveur.

- Elles nous provoquent en deuxième point dans notre relation à Dieu.

Nous aimerions que Dieu nous distingue d’une manière ou d’une autre à cause de notre foi et qu’il nous réserve un sort particulier.

- Elles nous interpellent ensuite dans nos désirs de pouvoir, parce que nous sommes nous aussi des êtres de pouvoir.

 

Ces trois formes de tentations se rejoignent car elles consistent toutes les trois à satisfaire notre égo et à le mettre en valeur. La tentation suprême sera donc de croire que Dieu y trouve son compte.

 

En ce temps de carême, frères et sœurs, combien c’est tonique de se retrouver pour « faire Carême » ensemble avec le Christ. On avance d’autant mieux qu’on se soutient ensemble. Prenons en mains les Evangiles. Nourrissons-nous et nourrissons le monde autour de nous. C’est la manière que l’auteur de l’Evangile de ce dimanche a choisi pour nous dire que Jésus nous soutiendrait fidèlement dans toutes les tentations puisque lui aussi les a subies avant nous. Il nous indique aussi comment reconnaître la volonté de Dieu dans les choix ou les provocations que la vie nous propose.

« L’être humain ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Amen !

 

Charles KLAGBA