25/12/2021 (noël) prédication André Bonnery

Prédication d’André BONNERY, le 25 décembre 2021,  à Carcassonne

A partir de Jean 1, 1-18 et de Hébreux 1, 1-14

 

C’est Noël.

Depuis quatre semaines nous attendons, nous chrétiens, le Noël célébré aujourd’hui par la liturgie. Depuis quatre semaines, nos concitoyens baignent dans l’atmosphère « magique », leur assure-t-on, du Noël civil et commercial à grand renfort d’éclairages clignotants, de sapins,  dans l’attente de cadeaux et de repas festifs. Sans une seule allusion, bien sûr, laïcité oblige,  à ce que signifie le mot Noël : nativitas, la naissance de Jésus. Ce sont les « Fêtes de fin d’année », en attendant qu’on parle simplement de la « Fête de l’hiver » pour que la neutralité religieuse soit complète. Cette fête qui permettra, cette année, de faire oublier, un peu, les nouvelles angoissantes d’un virus indompté, les séries de vaccins et de rappels, le passe sanitaire, les gestes barrières, les réunions festives restreintes.

Dans une réflexion intitulée, à propos du 25 décembre, Christ Soleil invaincu, publiée sur le site de la paroisse, j’ai expliqué comment le Noël chrétien est né, au milieu du IVe siècle, dans le sillage de la fête païenne du solstice d’hiver. Dix sept siècles plus tard, nous sommes revenus à peu près à la même situation : les chrétiens minoritaires  célèbrent la Nativité dans un monde majoritairement, non plus païen, comme celui des Romains, mais qui s’efforce d’être neutre religieusement.

 

I-A la recherche du sens de Noël

C’est pourquoi, hier soir et ce matin encore, des paroissiens ce retrouvent dans ce temple, comme beaucoup d’autres chrétiens dans leurs églises, pour méditer sur la signification religieuse de Noël, non point la fête chômée laïque à laquelle ils participent aussi, mais la Nativitas, la venue de Jésus au monde.

Les textes lus pendant cette veillée nous ont raconté la naissance d’un enfant, dans une étable, à Bethléem, après une prodigieuse conception virginale ; l’intervention de messagers célestes ; la venue de gens simples, des bergers avertis en songe par des anges ; celle des mages guidés par une étoile. Tous ces récits que nous connaissons bien depuis l’enfance ont créé ce que l’on pourrait appeler le folklore chrétien de Noël qui s’est matérialisé dans la crèche, fort belle du reste, qui est là, devant nous.

On ne serait pas dans l’esprit de ce qu’ont voulu Luc et Matthieu, lorsqu’ils ont écrit les Evangiles de l’Enfance, si l’on recherchait des informations historiques précises et incontestables sur la naissance de Jésus. Telle n’était pas leur volonté. Ce qu’ils voulaient, c’était affirmer que l’enfant Jésus, fils de petites gens, est le Messie-Sauveur d’Israël annoncé par les prophètes, le Fils de Dieu. Pour le faire comprendre à leurs lecteurs, ils ont employé les procédés littéraires et les images appropriées à leur époque. A nous de ne pas nous en tenir à ces images, si belles et touchantes soient-elles, mais d’aller à l’essentiel. Jean nous y aide avec la première page de son Evangile, qui vient d’être lue. Page magnifique ! Ce prologue d’une grande profondeur théologique et spirituelle, mérite d’être relu et médité.

 

Jean a bien connu Marie. « Voici ta mère » lui a déclaré Jésus avant de mourir et il l’a reçue chez lui. Pourtant Jean ne dit rien de ce que Marie a pu lui raconter de la naissance de Jésus. Par contre, dans le prologue de son évangile, il nous livre sa réflexion, bien plus, sa conviction sur la signification de la venue de Jésus dans le monde. Pour lui, c’était cela le plus important : la seule chose qu’il faut retenir de Noël : une vraie vision cosmologique qui donne sens à nos existences.

 

II-« Au commencement était la Parole »

Le ton est donné, Jean nous fait sortir des contingences du quotidien, de l’immanence, pour nous faire regarder plus haut, plus loin, à une distance telle que nous puissions comprendre le pourquoi des choses. « Au commencement était la parole et la parole était tournée vers Dieu et Dieu était la parole. Tout fut par elle et rien de ce qui fut ne fut sans elle. Et elle était la vie et la vie était la lumière des hommes. » Je vous  donne ici la traduction littéraire du texte grec de Jean. Ces mots sont une référence aux premiers versets de la Genèse. Ils sont évoqués pour nous ancrer dans une conviction : l’univers a été créé par la Parole de Dieu, il est  bon et logique. La Parole créatrice est lumière et vie.

La première lecture qui a été faite tout à l’heure, le passage chapitre premier de l’Epître aux Hébreux, dit sensiblement la même chose, avec un souffle littéraire comparable à celui de Jean. C’est une grande page de la théologie de l’incarnation. Je vous en rappelle les premiers versets :

« A de nombreuses reprises et de nombreuses manières, Dieu ayant parlé à nos pères par les prophètes, en la période finale où nous sommes, il a parlé par un Fils qu’il a établi héritier de tout, par qui aussi il a créé tous les mondes. Ce Fils est  resplendissant de sa gloire et expression de son être et il porte l’univers par la puissance de sa parole. »

Mais Jean parle aussi de « ténèbres » et d’impossibilité de comprendre la volonté divine sur l’humanité : « et la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas comprise ». Nous traduirons ténèbres par forces du mal à l’œuvre dans le monde. Comment expliquer la présence du mal dans un monde voulu bon par Dieu ? Jean n’explique pas, il constate, comme nous constatons, nous aussi, cette dualité jusqu’au cœur de nos existences ; comme la Genèse le constate dans le mythe du Paradis terrestre et de la faute originelle. Cependant Dieu n’abandonne pas sa créature aux ténèbres. Sa Parole, le Verbe qui a créé l’univers, il l’envoie chez les hommes pour prendre leur nature. La Parole se fait homme. C’est cela que nous célébrons à Noël : « La Parole est devenue chair, elle a établi sa tente parmi nous et nous avons vu sa gloire comme d’un Fils unique » (Traduction littérale de Jean 1, 14). Noël, c’est « Dieu avec nous », Emmanuel en hébreu, titre donné à Jésus.

Cette incarnation du Verbe a pour but  restaurer l’humanité, de l’arracher aux forces du mal qui l’avilissent, en offrant à ceux qui l’accueillent la possibilité de devenir, eux, aussi fils de Dieu, s’ils le veulent ; rien n’est imposé :

« Tous ceux qui ont accueilli la parole, s’ils ont foi en elle, elle leur donne pouvoir de devenir enfants de Dieu. » (Jn 1, 12)

Comme vous pouvez le constater, Noël c’est autre chose que l’imagerie pieuse que l’on retient souvent exclusivement : le crèche, un nouveau né sur la paille réchauffé par le souffle de l’âne et du bœuf, dans la froid de l’étable, une maman en contemplation devant son bébé, des anges qui chantent, des bergers et leurs agneaux tout propres, des rois mages et leur caravane exotique, Joseph étonné devant ce spectacle.

Tout cela fait partie de nos traditions, tout comme les chants qui accompagnent le culte. Gardons ces traditions bienveillantes, ainsi que celle des cadeaux aux enfants, même si une foi trop intellectuelle pourrait les qualifier de naïves. Gardons-les, à condition, bien sûr, de ne pas en rester au sentiment et à la nostalgie.

 

III- Car Noël, c’est avant tout l’irruption de Dieu dans l’humanité,

à un moment de l’histoire. Noël, c’est la venue du Verbe divin dans notre univers matériel et cela ne peut-être anodin ni sans conséquences. Noël, c’est l’assurance que, désormais, l’homme peut échapper à ses malheurs parce qu’un jour, en Jésus, Dieu a pris notre humanité.

Jean assimile Jésus, Parole ou Verbe de Dieu à une lumière destinée à éclairer tous les hommes. C’est cela la « Bonne nouvelle » ; ce n’est ni une morale, ni une sagesse, encore moins un ensemble de rites ou de dogmes, c’est l’assurance que Jésus est pour nous une lumière sur nos pas.

La lumière a deux fonctions essentielles :

1-     permettre de voir.

2-     permettre le développement de la vie.

Première fonction : voir. Christ lumière nous permet de voir que notre vie a un sens : elle vient de Dieu et elle retournera à Dieu. Pas n’importe quel Dieu, celui de Jésus Christ. Les hommes ont tendance à imaginer des dieux à leur image, pas très satisfaisants, par conséquent, puisqu’ils nous renvoient à nous-mêmes, à nos fantasmes ou à nos désirs. Suivant les époques et les civilisations il y a eu des dieux de la guerre, du commerce, de l’amour, de la justice, des dieux nationalistes et belliqueux, des dieux lointains et distants, des dieux grands horlogers présidant à la marche de l’univers.

 Parce qu’il connait Dieu, puisqu’il vient de lui, Jésus nous le révèle de l’intérieur. Il est un Père  qui attend le retour de son enfant, un semeur qui espère la croissance du grain sur tous les terrains, même les plus ingrats, un juge qui ne condamne pas la femme adultère mais qui montre son infinie miséricorde. A ceux qui voient dans le handicap une punition, il annonce un Dieu qui restaure l’homme. Lui, le Fils de Dieu, image du Père, Il touche le lépreux que tous fuient, il mange avec ceux que l’on méprise.

Jésus est le seul qui puisse nous révéler Dieu : « Dieu personne ne l’a jamais vu ; Dieu le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui nous l’a dévoilé » (Jn 1, 18). Le christianisme, quoi qu’on en dise, n’est pas une religion du Livre, il est la religion de la Parole faite chair en Jésus. Notre foi ne se fonde pas sur un texte normatif qui nous dirait ce qu’il faut faire ou éviter. Notre foi est une rencontre avec Le Christ image de Dieu.

Seconde fonction de la lumière : elle est source du développement de la vie. C’est vrai dans le domaine purement biologique. Sans la lumière, beaucoup d’organismes vivants disparaitraient. C’est vrai également sur le plan spirituel. Jésus, Verbe et Lumière de Dieu, donne sa vie à ceux qui reçoivent son message et  suivent le chemin sur lequel il les conduit. Il nourrit notre croissance spirituelle et il nous invite à être, à notre tour des porteurs de lumière : « Vous êtes la lumière du monde. » Il invite son Eglise  à transmettre son message, cette parole qu’il est venu porter à l’humanité en se faisant lui-même fils d’homme, à Noël.

 

Voilà ce que signifie NOEL. Aujourd’hui encore, Jésus vient dans ce monde pour donner sens à nos existences. Non, le monde  n’est pas absurde. Malgré tout ce qui nous révolte et nous perturbe, malgré les virus, les attentats, les guerres, les égoïsmes, les décisions révoltantes, les injustices criantes, Jésus est notre guide, sa parole est lumière sur nos routes. Nous savons qu’il nous conduit vers son Père pour vivre, non pas pour vivoter misérablement, mais vivre pleinement de sa Vie. La seule qui nous convienne, pour laquelle nous sommes faits, dès maintenant et pour toujours.

Puisqu’il en est ainsi, alors : JOYEUX NOEL.