24/04/2022 prédication et confession de foi : Philippe Perrenoud

Carcassonne 24.4.22

Jean 20, 19-31  

                                              

Comme on le disait à l’époque de Jésus pour se saluer, nous pouvons à nouveau recevoir du passage d’aujourd’hui :  La Paix soit avec vous… Shalom…   Salam al’ikoum… 

Voilà ce qui nous est redit et manifesté dans ce passage, dans ce passage particulièrement…

 

Et pourtant, ce pauvre Thomas : nous ne retenons souvent de lui que son incrédulité supposée… Il est même à l’origine d’expressions courantes : être incrédule comme Thomas ; ou comme Thomas je veux voir pour croire… C’est même devenu, dans le langage courant, parfois péjoratif, un peu moqueur : il lui aurait fallu plus de temps que les autres. Il a eu besoin de voir pour croire ; alors que les autres auraient eu confiance simplement… C’est tout juste si on ne le traiterait pas de retardé, puisque ce passage se passe 8 jours après l’expérience du tombeau vide...

Et pourtant ! Nous avons tous besoin d’une base pour croire !Ne sommes-nous donc pas tous un peu comme Thomas ?... C’est aussi souvent dans ce sens que l’on parle de lui…

D’une part, qu’aurions-nous fait ?

Et d’autre part, la foi ne consiste pas à tout gober !…

 

            Alors justement, qu’est-ce qui fonde notre foi ? Qu’est-ce qui fait que nous croyons au Dieu de Jésus-Christ, et le fait de croire ou ne pas croire aux fantômes, par exemple, ou tables tournantes, etc ?...

Beaucoup de choses, bien sûr ! Voyons ce qu’il en est dans ce passage, dans ce texte du jour.

            Thomas veut non seulement voir, mais toucher : justement, parce qu’il ne croit pas aux fantômes ! N’aurait-il pas raison de vouloir voir et même toucher pour croire ? Ne dirait-il pas tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, quant à croire (...) aux défis de la raison et de la science (comme la démarche que nous propose les conférences-débats d'André Bonnery : croire (...) aux défis de la raison et de la science) ? Pour autant (et comme aujourd’hui, dans toutes sortes de domaines), s’il y a des gens qui disent tout haut ce que d’autres pensent tout bas, ce n’est pas forcément qu’ils ont raisons… C’est parfois aussi avec des simplifications : des choses qu’on aurait envie de penser, parce qu’on a parfois envie de penser de façon simpliste. Mais on n’ose pas trop le faire parce qu’on sait bien ‘quelque part’ que la réalité est plus complexe…

            Il peut alors être bon d’être comme Thomas : le Thomas célèbre du doute qui permet de se dire, et de dire, que la réalité n’est pas forcement ce qu’on en dit à un moment… ou seulement ce qu’on entend dire…

Nous sommes alors aussi un peu parfois comme lui, non ? Un peu nous tous et chacun à notre façon...

 

Bien plus : Thomas chemine (et il n’est pas rejeté par Jésus…) ; et il nous permet de cheminer.

Il lui est donné de voir la résurrection ; mais aussi (et surtout ?) de l'approfondir, de la voir telle qu'elle est : dans toutes les dimensions de nos vies...

 

 Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, je ne croirai pas nous dit-il.  Il a voulu s’assurer que la personne qu’il avait devant lui était vraiment la même que celui qui avait été clouée sur une croix quelques jours avant. Il sait alors (et nous avec lui) qu’une résurrection

- qui ne gardait par les traces de la souffrance et de la mort serait une résurrection qui

ne passe pas par le corps : concrètement aussi, dans ce monde ; et ne serait donc pas pleine, vraie...

- et qui ne nous concernerait donc pas complètement !

Demander à voir les marques des clous, c’était aussi un acte de foi !...

Il y a donc le passage biblique, à découvrir, où Jésus se révèle. Mais il y a alors aussi notre regard sur Thomas à re-découvrir… Notre regard qui limite, souvent... Alors que la demande de Thomas révèle bien quelque chose…

            C'est aussi à cela que nous sommes appelés : non seulement à ce que nous dit le texte lui-même, sur le Christ et la vie qu’il nous offre ; mais aussi ce qu'il nous dit sur nos propres regards, voir sur nos à priori : sur lui et les uns sur les autres ?...

Recevoir alors, profondément, recevoir la vie/sa vie…

Ainsi :

Ce sont les marques des clous qui nous montrent que la résurrection n’a en rien aboli la croix, c’est-à-dire le sens de la croix. Le sens d’un Dieu, en Jésus-Christ, qui rejoint le mal-être des hommes, accablés par les forces de la mort, pour les soulever, les relever, franchir pour nous des limites… Comment ? Par Grâce, par Amour : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé... A ceci, tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. 

Méfions-nous donc de discours trop rapides, de pseudo-solutions trop faciles...

Il y a toujours le risque de croire dans de grandes suppositions. Ou que Dieu ne serait que dans toutes sortes de récompenses, de réussites et prospérité… et autres intérêts particuliers … Alors qu’il veut être avec nous partout, toujours ; donc particulièrement là où des hommes souffrent, sont bloqués, perdus, déçus, découragés ; pour nous offrir une issue, par sa Grâce, par Amour. Les marques de la croix nous l’attestent. Jésus-Christ est ressuscité, et nous sommes appelés à ressusciter avec lui ; puisqu’il est venu à nous, au plus profond, jusqu’au bout ; pour être avec tous... pour porter ce regard de foi, de Grâce, sur le monde, y compris et surtout sur ce qui va mal...

C’est-à-dire à nous ouvrir à la vie, à recevoir ; celle à laquelle Dieu nous a destiné, appelé depuis toujours.

 

Alors, finalement, ne serait-ce pas nous, les plus incrédules, en collant sur Dieu/sur l'autre/les autres nos propres images et désirs particuliers ?...  En collant aussi à ce pauvre Thomas cette étiquette de limité ; et plus grave encore cette étiquette limitative…

 

Quels cheminements de foi, et de vie en ce monde, nous sont alors ouverts… :

Dans tant de situations, les choses sont verrouillées : non seulement par le manque de confiance que nous pouvons tous avoir en la vie... la vie qui nous dépasse ; mais que nous limitons à nos points de vues. Cela arrive : comme les disciples eux-mêmes ont eu besoin d'entendre une parole, ont mis du temps à l'intégrer. Et à la percevoir non comme une idée, mais un cheminement humain aussi.

Franchir les portes verrouillées ;

verrouillées, 

par nos regards limités, sur nous-mêmes et sur les autres,

par des étiquettes, aussi...

Attentes de solutions magiques : pour que cela serve nos intérêts propres.

Et alors, aussi : manques de confiance, peurs réciproques,

            L’espérance est pourtant toujours là, et à rappeler : devant nous et au-delà de nous…

L’Évangile nous rappelle qu'au-delà de la violence... des interrogations, etc... il y a l'accueil,  la Paix soit avec vous… Il est là... nous appelle...

 

            Amen.

 


 Confession de foi :

 

Nous croyons que Dieu est le Père de tous les hommes, de tous les peuples. Personne n'est exclu de son Amour. Nous sommes tous créés à son image et à sa ressemblance. C'est ce qui fonde la dignité et l'égalité de tous les hommes. Dieu le Père a donné la terre à tous et pour tous. C'est ce qui fonde la solidarité. Les biens de la création doivent affluer dans les mains de tous. C'est le plus sûr chemin de la paix car la paix est le fruit de la justice.

Nous croyons que Jésus est le frère de tous les hommes et tout spécialement des pauvres. C'est lui que nous voyons avoir faim, être nu, étranger, prisonnier ou malade. Nous croyons que Jésus-Christ, par sa vie et ses paroles, nous dit qui est l'homme. Nous avons à faire nôtres les choix qu'il a faits ; faire passer les personnes avant les richesses, la liberté avant la tranquillité, la vérité avant sa propre opinion, le respect des autres avant l'efficacité, l'amour avant la loi.

Jésus-Christ ressuscité nous donne l'Esprit de Dieu.

Nous croyons que l'Esprit est esprit de liberté, esprit de tolérance, esprit de justice, esprit de paix. Il accueille au lieu d'exclure. Il respecte au lieu de condamner. Il ouvre les portes et ne les ferme jamais.

Nous croyons que son Espérance est plus forte que tous les désespoirs !

 

François Raynal, curé de Vitrolles, le 21 janvier 1997