29/05/2022 prédication : Philippe Perrenoud

Carcassonne 29.5.22

Lecture biblique :

Jn 17, 20-26

 

Cantiques :

222, 1 à 3

42, 1 à 3

609

 

En cette période entre Pâques et Pentecôte, en passant par l'Ascension, nous voilà logiquement de nouveau devant un texte qui nous parle de la façon dont Jésus est maintenant présent au monde ; et donc (même si ce n'est pas toujours la même chose...  et avant que cela soit un thème synodal...) de notre mission...

Que se passe-t-il là ? Jésus laisse ici un certain nombre de recommandations à ses disciples. Ce sont ce qu'on appelle les discours d'adieu. Car il sait que son ministère terrestre touche à sa fin...

Juste avant d'être arrêté, il se retire pour prier ; pour la suite, pour la poursuite de sa mission : ce qu'il a reçu du Père, les hommes peuvent maintenant le vivre...

Rien que ça ?! Voyons donc comment fonctionne ce texte ; et donc ce qu'il veut nous dire.

 

Nous l'évoquions en Conseil Presbytéral (puisque c'était aussi le texte du jour) : il s'agit un chapitre très bien structuré, avec des renvois entre le début et la fin ; il y a donc une évolution. Ainsi, par exemple, il nous parle de cette idée, un peu difficile à comprendre, de gloire : il en parle au début du chapitre, puis à la fin, que nous venons d'entendre. La gloire de Dieu apparaît ici essentiellement comme étant sa présence parmi nous.

Entre le début et la fin, elle passe du présent au passé. Serions-nous alors appelés à regarder essentiellement le passé, et à le répéter ? Bien sûr que non : le regarder, bien sûr ; non pour le répéter, mais continuer, en y puisant pour vivre, poursuivre... Comme la présence de Jésus sur terre, qui va bientôt être du passé, puisqu'il part ; mais qui n'est pas un passé à simplement commémorer ou essayer de reproduire tel quel...

Passé, dans le sens où cette gloire, Dieu l’a donnée. C'est un cadeau ; il l’a fait ; ce n’est pas quelque chose qu'on nous ferait miroiter en fonction de nos œuvres. Ou comme une gloire militaire, ou une fortune, un succès, un éclat personnel : quelque chose dont on peut se prévaloir. Ce n'est pas non plus une idée qui sert à faire subir une obéissance aveugle... Ou à faire payer aux autres.

La gloire/grandeur d'une nation n'est ainsi pas sa puissance, militaire en particulier... En particulier au prix de victimes : cathares, huguenots, Ukrainiens et autres défenseurs d'humanité... et/ou victimes tout court...

            La gloire des chrétiens, en suivant ce passage, en suivant ce Seigneur : juste avant, dans ce même « discours d'adieu »  elle nous est indiquée par : aimez-vous les uns les autres ; et ensuite : Dieu est Amour (comme cela est si bien résumé par Jean ensuite, dans une de ses lettres ; et repris sur des murs de temples ;) )

            La gloire par des valeurs humaines : pour les nations aussi (puisque nos valeurs peuvent aussi interpeller nos sociétés...). La gloire de la Russie n'est-elle pas/et ne sera-t-elle pas pour longtemps, dans Tolstoï, Dostoïevski, etc plutôt que dans des questions territoriales et nationalistes...  La gloire de la France, par exemple aussi, n'est-elle pas + dans des valeurs telles que liberté-égalité-fraternité et les Droits de l'Homme ? Même si nous savons que cela n'est jamais complètement réalisé... Au moins le projet nous est donnée, est à garder, à défendre... Ces valeurs-là, alors qu'il peut y en avoir d'autres, moins reluisantes justement...

            Et que dire de recherches de gloires au sens médiatique… là aussi : avec le risque de se conformer à une apparence extérieure…

 

La gloire de Dieu, nous dit Jésus dans ce passage, est pour qu'ils soient un comme nous sommes un ; cela se réalise par le fait de les avoir aimés... La gloire de Dieu, c'est qu'il nous aime !!

            C'est sa présence parmi nous. La mission de Jésus, parmi nous, a été de manifester la présence humaine de Dieu (sens de sa « double nature », dont nous parlions avant-hier) ; et ceci jusqu'à la croix. Elle nous a déjà été donnée. Rappelons-nous que ce discours se situe juste avant la Passion. C'est-à-dire : avant une période difficile s'il en est...  Comme nous pouvons toujours en vivre. Et comme liberté-égalité-fraternité et tant de choses, encore tellement + de choses... que nous pouvons essayer de vivre... nous savons que ce n'est pas encore pleinement réalisé ; mais nous pouvons déjà en vivre.

            Nous pouvons alors particulièrement nous souvenir d'une gloire, d'une présence de Dieu qui nous a été donnée !...

 

Cette gloire se reçoit, donc, comme un cadeau. Mais comment la vivre alors ? Comment se servir de ce cadeau ? Une autre idée importante est répétée dans ce passage : l'unité : que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi. L'unité n'est pas une option, ou seulement un éventuel mieux… C'est une façon de vivre en ce monde, puisque Jésus continue en demandant cette unité afin que le monde croient que tu m'as envoyé.

Les communautés chrétiennes de l'époque étaient très diverses ; bien + : elles étaient menacées de divisions, de difficultés liées aux différentes cultures, ou personnes, etc. L'Evangile nous rappelle que quelques soient les difficultés, nous pouvons recevoir une unité, à l'image de celle du Père et du Fils. Ce n'est pas un ordre comme ça : c'est (cela devrait être...) dans notre ordre normal des choses.

 

Alors comment vivre cette unité ? Le même mouvement se retrouve avec le thème de l'Amour. C'est quelque chose que nous avons reçu : que le monde puisse connaître (...) que tu les as aimés comme tu m'as aimé, nous dit le Christ. Puis, en conclusion de ce chapitre : afin que l'Amour dont tu m'as aimé soit en eux, et moi en eux. Et ceci pour le monde.

            Au moment où nous réfléchissons à notre mission (pour nos synodes, mais aussi/et surtout je pense, pour nous-mêmes...) : c'est en vivant déjà ce fonctionnement, toujours à recevoir. Et alors, comme l'exprime notre Conseil Presbytéral à propos de ce thème de notre Mission : En créant des liens, des passerelles, entre (...) différents groupes. Et  Être là pour l’autre ; par exemple : l’accueil et la diaconie  

            Avec l'importance, pour les protestants, de la collégialité, et donc de la recherche de consensus, et donc du débat... Comme l'a également exprimé notre Conseil : Vivre et transmettre l’évangile demande de la cohésion, du partage, et que chacun soit reconnu quel que soit son engagement

Car il y a bien sûr plusieurs façon de faire l'unité ; elle peut aussi s'imposer simplement d'en haut/aux autres... Ce n'est pas celle qui nous est proposée dans la foi...

 

            L'unité, dans la diversité, qui nous est proposée, est un beau défi : beau car avec les couleurs des uns et des autres ; beau aussi car rare, avec efforts, nécessairement... et pourquoi pas... Mais nous y sommes gagnants, et même « vainqueurs »... comme le dit l'Apôtre Paul... par ce qui nous est donné et que nous pouvons mettre en œuvres...

 

            Ou, comme l'exprime si bien ce poème de Joël Dahan, transmis par une membre du Conseil Presbytéral :

Père …. apprends-nous l’amour, afin que la bonne nouvelle résonne,

non pas comme un message publicitaire,

non pas comme un discours rentable,

non pas comme une parole dogmatique.

Mais bien comme une annonce qui donne naissance

naissance d’un échange véritable, gratuit et sans crainte, risqué et fécond.

 

Amen.