28/08/2022 prédication André Bonnery

Prédication à Carcassonne, 21 août 2022.

Lecture, Hébreux, 11, 1-40 (Extraits).

Introduction.

Ce chapitre 11 de l’Epître aux Hébreux commence par une très belle définition de la foi :

« La foi est une manière de posséder déjà ce que l’on espère, et un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas.» (v.1)

Effectivement la foi n’est pas une affaire d’intellect mais de confiance vis-à-vis de quelqu’un. Car le mot foi, fides en latin, signifie aussi confiance.

 

1 Avoir la foi, c’est se mettre en marche.

La suite du chapitre 11 met en exergue, d’une manière très pédagogique, l’exemple de tous ces hommes et de ces femmes de l’A.T. qui ont eu confiance dans l’appel que Dieu leur lançait à un changement dans leur vie. Mais le premier verset nous avertit, on ne peut changer que si l’on espère quelque chose, si l’on a une envie, comme un creux à combler, et c’est alors, alors seulement, que l’on peut posséder et connaître ce que l’on ne voit pas encore. Dieu n’impose rien, il propose à ceux qui ne sont pas pleins d’eux-mêmes mais qui sont habités par une espérance,un besoin.

Cette longue liste d’exemples dressée par l’auteur de l’Epître aux Hébreux est comme une version en abrégé de tout l’A.T. elle fait défiler les noms de tous ces personnages dont nous avons appris l’histoire en fréquentant la Bible, pour certains depuis la petite enfance. J’imagine que les catéchistes de notre paroisse retrouveront dans cette longue énumération la matière de base de leur enseignement dans l’école du dimanche. Heureux ces protestants de vieille souche qui ont reçu la nourriture de leur foi à travers les exemples de ces grands personnages de la Bible, imparfaits certes et même pétris de défauts, mais qui ont fait confiance à l’appel que Dieu leur lançait à travers les prophètes ou à l’écoute attentive de la voix qui parlait à leur conscience.

Tous, Abel, Noé, Abraham, Sara, Jacob, Joseph, Moïse, Josué, Rahab la prostituée, Gédéon, Samson, Samuel, David, Salomon et les prophètes méprisés, calomniés, persécutés qui n’ont pas cessé de livrer leur message malgré tout. Tous ont fait confiance, c’est leur point commun : ils ont eu foi en la parole qui leur était adressée, ils ont fait confiance aux promesses de l’Alliance que Dieu proposait à son peuple, avant même d’en voir la réalisation.

Cette longue liste dressée par l’auteur de l’Epître aux Hébreux ne s’arrête pas à l’AT. D’autres hommes, d’autres femmes ont été mis en marche par leur foi. Nous pouvons la poursuivre :

 

2 Une liste à poursuivre

-C’est par la foi confiante que Marie a accueilli l’annonce incroyable qu’elle donnerait le jour à une enfant  qui  « éclairerait les nations et serait la gloire de son peuple », selon la prophétie du vieillard Syméon

-C’est par la foi que Joseph  est parti en Egypte pour mettre à l’abri cet enfant qui lui avait été confié.

-C’est par la foi que Pierre, André, Jacques et Jean ont laissé leurs barques et leur filet et Mathieu son comptoir de change.

-C’est par la foi que Zachée est monté sur l’arbre pour voir Jésus et qu’il est descendu à son appel, qu’il s’est délesté de ses biens en les donnant aux pauvres.

-Par la foi, la femme affligée d’un flux de sang a été guérie, et la fille de Jaïre rendue à la vie,  à la prière de son père.

-C’est par la foi que le dandy François, fils d’un riche marchand d’Assise a abandonné une vie de plaisirs et de confort pour épouser « Dame Pauvreté » et suivre à la lettre les préceptes de l’Evangile

-C’est par la foi que Jean Hus, a préféré monter sur le bûcher auquel il avait été condamné, à Prague, plutôt que de renier ses convictions religieuses jugées dangereuses par l’institution.

-C’est par la foi que Martin Luther affronta le pape et l’empereur Charles Quint pour promouvoir la réforme d’une Eglise qui s’éloignait gravement de sa mission.

-C’est par la foi que Marie Durand résista pendant près de quarante ans enfermée dans une tour d’Aigues-Mortes parce qu’elle refusait d’abjurer sa foi protestante

-C’est par la foi que Charles de Foucault promis à un brillant avenir d’officier, abandonna une vie d’honneurs et de plaisir pour se retirer au cœur du Sahara en témoin de l’Evangile, silencieux, humble et pauvre, au milieu des Touaregs.

-C’est par la foi que Nelson Mandela préféra rester emprisonné des dizaines d’années durant plutôt que d’abandonner son projet de voir blancs et noirs réconciliés et égaux dans une même nation.

Et on pourrait continuer la liste avec des exemples plus récents que je vous laisse le soin de trouver….

 

« La foi est une manière de posséder ce que l’on espère et un moyen de connaître les réalités que l’on ne voit pas

Logiquement, si nous sommes réunis ce matin, dans ce temple, parce que nous avons la foi, c’est que nous possédons déjà ce que nous espérons (la vraie vie celle que Dieu nous offre), et aussi parce que nous croyons en quelqu’un que nous ne voyons pas, quelqu’un qui, pourtant, est la réalité suprême. Plus vrai que tout ce que l’on tient pour être le vrai, plus essentiel que ce que nous estimons être les biens indispensables dont on ne saurait se passer : argent, considération, confort matériel.

Et pourtant, ce que dit l’Epître aux Hébreux, que je répète en le commentant et que vous écoutez, ne va pas de soi pour la majorité de nos contemporains et pour nous même aussi, parfois. Qui ne s’est pas posé des questions sur ce qu’il croit ? Est-ce que nous ne sommes pas à côté de la plaque ? Est-ce que nous ne nous berçons pas de mots et d’illusions ? La question est encore plus cruciale quand on essaie de transmettre aux autres sa foi, et tout d’abord aux enfants, à nos enfants.

L’auteur des Hébreux s’est peut-être lui-même posé la question de la cohérence de ce qu’il affirmait ; il savait en tous cas que nous nous la poserions, et voilà pourquoi, pour nous convaincre, il déroule cette longue liste des anciens qui ont cru en la parole de Dieu, il convoque tous ces témoins qui y ont cru au point que cela a transformé leur vie et les a engagés dans une démarche parfois  dangereuse pour leur sécurité. Ils n’ont pourtant pas renoncé, parce qu’ils avaient la conviction qu’ils étaient dans la vérité, que leur avenir et celui de l’humanité était dans la voie sur laquelle ils s’engageaient

 

3 La foi ne relève pas de la raison seulement, mais de la confiance

Car la foi qui nous met en marche n’est pas le fruit de notre seule réflexion ou de nos convictions, elle vient d’une parole qui nous est extérieure, que des générations nous ont transmise, qui a été méditée par d’autres que nous et dont ils ont expérimenté la vérité et la puissance vivifiante.

« Sola scriptura » déclarait Luther avec véhémence. Il ne niait pas que la Parole nous est matériellement transmise par l’Eglise, mais il ne voulait surtout pas qu’elle soit livrée commentée et défigurée par une institution. Il voulait que chacun puisse s’en saisir et la comprendre directement, l’assimiler, la faire sienne avec l’assistance de l’Esprit. Sans aucune autre autorité qui prétend en délivrer la clé. « Le chrétien est pape, une Bible à la main», disait-il

Comment pouvez vous croire en un Dieu que vous ne voyez pas et dont vous ne pouvez prouver rationnellement l’existence, entendons- nous parfois ? A quoi Dietrich Bonhoeffer répondait dans une formule condensée mais très juste « Einen Gott den es gibt, gibt es nicht » Mot à mot. « Un Dieu dont on pourrait dire, il y a , il n’y a pas » puisque cette seule formulation le situerait au niveau de tous les autres objets et les autres êtres du monde. Or Dieu est le tout autre.

 La foi en Dieu ne relève pas d’un raisonnement mais d’une confiance fondée et, en ce sens, raisonnable. Une confiance qui inclut le doute et qui est, en même temps, affaire de raison et de cœur. La foi ne se contente pas de l’acceptation d’énoncés théologiques, mais elle exige un engagement de tout l’homme. Saint Augustin disait : « il ne s’agit pas seulement de croire quelque chose (credere aliquid), pas seulement de croire quelqu’un (credere aliqui), mais de croire en quelqu’un (credere in aliquem). ».

La foi nous permet, non seulement de ne pas rester frileusement repliés sur nous-mêmes, mais de nous dépasser. Lorsque  Dieu dit à Gédéon : « va avec la force que tu as, n’est-ce pas moi qui t’envoie ? » Il a eu besoin de cette parole de confiance qui lui a permis de croire en lui-même, de vaincre sa crainte et en même temps les ennemis du peuple élu dont il était le guide. Lorsque Abraham obéit à l’invitation de Dieu et partit dans un pays inconnu, où il s’installa avec les siens, par la foi il accomplit un dépassement de lui-même. Et c’est pour cela que le berger anonyme du pays d’Ur est devenu le père d’une nation nombreuse répandue sur toute la terre : le peuple de l’Alliance dont nous sommes. Voilà pourquoi nous pouvons dire qu’Abraham est notre père dans la foi.

D’une manière analogique, la foi c’est ce qui permet à l’adolescent de quitter la maison pour apprendre l’autonomie, et aux parents de le laisser partir en se disant que sa jeune liberté a besoin d’expériences pour grandir. Et lorsqu’on choisit un(e)) conjoint(e) pour fonder un foyer, on pose aussi un acte de foi, c'est-à-dire que l’on croit que l’amour sera assez fort pour durer et pour permettre de construire un cadre de vie à deux.

La foi-confiance permet d’avance de changer la vie, de tisser des liens avec les autres, de guérir les malheurs de l’existence,. L’opposé de la foi, dans ce cas, ce n’est pas le doute ou le scepticisme ou l’agnosticisme, l’oppose de la foi, c’est la peur de l’avenir. Qui met sa foi en Dieu et en sa parole, croit en l’avenir malgré tout, parce qu’il sait que l’avenir apparient à Celui en qui il a placé sa confiance.

 

Conclusion : Voir au-delà des apparences.

Celui qui a foi en un Dieu-Père aimant et en son Fils qui en est l’image, celui-là possède la capacité de voir plus loin et plus profondément en lui-même d’abord, ensuite dans les situations qu’il aura à affronter. Il s’efforce de lire les textes de la Bible et de rechercher le sens profond dont ils sont porteurs.

J’aime beaucoup ce tableau du peintre René Magritte, qu’il a nommé  La clairvoyance. On y voit un homme devant son chevalet en train de peindre. Il regarde un œuf posé à sa gauche sur une table et il peint sur la toile une colombe qui prend son envol. C’est cela avoir la foi, c’est la clairvoyance qui permet d’aller au-delà de ce que l’on voit dans l’immédiat, et de se dépasser.

Magritte, avec cet envol nous fait rejoindre et de comprendre un peu mieux le verset 3 du chapitre 11 de l’Epître aux Hébreux qui a été lu :

« Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été organisés par la parole de Dieu. Il s’ensuit que le monde visible ne prend pas son origine en des apparences. » Je me permets d’ajouter : sous les apparences se cache une réalité autre, pourvu que nous ayons de la clairvoyance.

                                                                                    André BONNERY