29/03/2020 prédication Charles Klagba

MESSAGE DU DIMANCHE 29 MARS 2020

 

Passage biblique : Jean 11 : 1-45

 

Message

Frères et sœurs, l’évangile que Jean nous fait méditer en ce 5ème dimanche dans le temps de carême, nous place au-devant de nos craintes et de notre désarroi en ce cette période particulière et inattendue de confinement. Mais il nous permet aussi de regarder un instant, sans angoisse, la vie sur un horizon de paix intérieure et d’espérance.

 

Laissons-nous guider par les réactions des deux sœurs en scène dans le récit, puis par les réponses de Jésus.

La résurrection de Lazare est le dernier miracle accompli par Jésus avant le début de sa Passion. En allant en Judée, pour sauver son ami Lazare, Jésus va au-devant de sa propre mort.

Jésus qui est avec ses disciples apprend que son ami Lazare est malade (Lazare vient de l’hébreu El-azar signifiant Dieu a aidé). Jésus dit à ses disciples que la maladie qui affecte Lazare «  ne conduit pas à la mort » (Jean 11, 4), c’est pourquoi il ne se précipite pas tout de suite vers lui pour le guérir car il sait que l’action de Dieu sera beaucoup plus manifeste si Lazare est non pas guéri, mais ressuscité.

Dès le quatrième verset, Jésus vient nous mettre en confiance et dévoile l’enjeu et la finalité de sa mission à travers cette épreuve à laquelle les sœurs de Lazare, Marthe et Marie sont confrontées. Cette épreuve dit Jésus : «  …ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle, le Fils de Dieu soit glorifié. » (Jean 11, 4).

L’évangéliste nous dit que Jésus «  … demeura pourtant deux jours à l’endroit où il se trouvait … » (Jean 11, 6). Ensuite, et malgré les risques que cela comporte, Jésus retourne en Judée pour être auprès de son ami (Jean 11, 7). Les disciples tentent de le dissuader, mais la réponse de Jésus est sans équivoque : « Lazare est mort, … allons auprès de lui. » (Jean 11, 14-15).

La réponse de Jésus annonce le chemin sur lequel il s’engage courageusement. C’est en descendant auprès de Lazare dans sa mort, qu’il pourra en triompher. C’est en se rendant solidaire de notre humanité jusque dans cette ultime situation, que Jésus nous sauve et nous donne part à sa vie.

Thomas dit très judicieusement : «  Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui ! » (Jean 11, 16).

 

Dans l'évangile de ce dimanche, nous voyons Marthe et Marie qui disent successivement à Jésus : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort » (Jean 11,21 et puis Jean 11,32).

Nous pouvons sentir toute la frustration, tout le désespoir et même la révolte qui pèsent lourdement dans cette interpellation adressée à Jésus. Les deux femmes reprochent à Jésus d’avoir été absent.

Même le narrateur du récit dit explicitement : « À la nouvelle de sa maladie, Jésus demeura donc deux jours à l’endroit où il se trouvait. » En d’autres mots, Jésus a voulu être absent, il a choisi d’être absent. Il ne bouge pas alors qu’il apprend la terrible nouvelle de la maladie de son ami Lazare !

 

« Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort » (Jean 11,21 et puis Jean 11,32).

Cette absence, ou si vous voulez, cette non présence évoque facilement notre vécu, notre réalité quotidienne en ce temps de confinement dû à la menace de convid 19, frères et sœurs.

C’est le sentiment, et même plus que le sentiment, l’expérience d’un abandon devant la menace réelle de la mort… Notre angoisse existentielle est mise à nu.

D’un seul coup, nous sommes confrontés à tous nos vides, nous sommes contraints de faire silence et l’accepter autour de nous et en nous même quand nous n’essayons pas de le dissimuler par le bruit et l’activisme, de le fuir en nous réfugiant dans le passé ou dans l’avenir.

C’est aussi tout ce qui nous manque, tout ce que nous aurions souhaité voir arriver, et qui n’est pas arrivé qui nous submerge.

 

Le cœur de ce récit se situe dans cette parole de Jésus disant à Marthe : « Moi je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. » (Jean 11, 25-26).

Marthe répond au Christ par une magnifique confession de foi : « Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu es le Fils de Dieu, celui qui devait venir dans le monde. » (Jean 11, 27).

 

Frères et sœurs, ce texte ne nous parle pas tellement de la résurrection des morts, mais de la résurrection des vivants. Il s’agit plus de la résurrection de Marthe qui est encore vivante que de celle de Lazare. Pour Jésus, la frontière entre la vie et la mort ne se situe pas là où nous la mettons habituellement. C’est cela une bonne nouvelle !

 

Jésus parle avec Marthe de la résurrection, ce qui est bien utile pour nous préparer à comprendre le miracle qui va suivre.

Jésus dit : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra même s'il meurt, et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais ».

Le terme de « résurrection » nous renvoie un imaginaire mystérieux alors que, dans le texte, c’est un mot tout simple et qui nous parle de « se mettre debout » comme on se lève le matin de son lit ou qu'on se lève de table. Et l’on pourrait récrire ainsi la phrase de Jésus : « Je suis venu pour vous redresser, vous mettre debout et vous faire vivre aujourd’hui une vraie vie, plus forte que la mort »

La résurrection dont parle ici Jésus est pour nous et pour nous aujourd’hui, nous dit ce récit.

Ce que Jésus entend par résurrection ; c'est un processus spirituel qui nous donne la vie.

Un processus qui nous permet de traverser des difficultés multiples, comme la peur, ou le sentiment que notre vie n’a aucun sens, ou une certitude de culpabilité, une souffrance, une solitude qui nous enferme, sans espérance, sans que nous arrivions à aimer ni à nous laisser aimer...

 

Vous allez justement vous poser la question : si la résurrection est une question spirituelle plus que physique, que vient faire ce récit de la résurrection ?

 

Certes, l’évangéliste Jean nous rapporte dans ce passage que Jésus ressuscite son ami Lazare qui est réellement mort. Cependant je parlerai plutôt de remettre Lazare debout, une sorte de  réanimation de Lazare, puisque Lazare mourra par la suite comme tout être humain.

Jésus le dit à deux reprises, remettre Lazare debout, est un excellent signe qui nous est donné pour que nous ayons confiance, et qu'en ayant confiance nous nous ouvrions à ce processus de résurrection. La résurrection est un événement à vivre dans ce temps présent.

Qu'importe, sur le plan de la vie éternelle, que le corps de Lazare soit vivant ou mort. Cela ne change rien à sa vie profonde, ce qui est vivant reste vivant, ce qui ne l'est pas ne l'est toujours pas. Cependant, en remettant Lazare debout, Jésus montre que la vie en ce monde a de la valeur pour Dieu. D'abord parce qu'il y avait des gens qui vivaient, eux, en ce monde et qui aimaient Lazare : ses sœurs, Jésus et ses autres amis, ce n'est pas rien. Et puis la vie en ce monde a pour vocation à être belle. Elle l'est par le seul fait de vivre, de respirer, elle l'est aussi les uns par les autres. C'est peut-être la meilleure raison qui pousse Jésus à remettre Lazare debout, la compassion pour ses sœurs, et puis aussi sa propre peine de perdre cet ami.

 

Mais, comme chaque événement raconté dans l'Évangile, remettre Lazare debout est le signe d'une réalité spirituelle.

L’évangéliste Jean l’affirme au dernier verset de son évangile (20,31): tout ce qu'il a écrit doit être compris comme un signe donné « pour que nous croyons que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant nous ayons la vie en son nom ».

Remettre Lazare debout a donc pour objectif de nous ressusciter nous-mêmes, comme Marthe ressuscite en faisant confiance à Jésus comme Sauveur, comme Fils de Dieu. D'ailleurs, comme Jésus le dit au début : "Cette maladie ne mène pas à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle."

La maladie et la guérison de Lazare par Jésus sont ainsi comme un signe de notre propre état de mort et de l'importance ultime du Fils de Dieu pour que nous ressuscitions maintenant, que nous recevions aujourd'hui cette vraie vie que Dieu donne à l’être humain, par amour.

 

Cette histoire est à comprendre comme un signe qui nous concerne directement, un signe d’une résurrection spirituelle qui nous est offerte, comme un signe extraordinaire, comme une chose inouïe que nous ne saurions espérer, mais que Dieu rend possible. Et Jésus de poser cette question clé : « Crois-tu cela ? » ou plus précisément: « Fais-tu confiance ? ».

 

Il est bien sûr difficile d'imaginer et à plus forte raison de croire à une vie éternelle, mais on peut plus facilement « faire confiance » en cette résurrection dont parle ici Jésus. Dieu est source de vie et d'élévation, ou source de relèvement quand nous sommes tombés. C'est donc possible, oui, de faire confiance en Dieu comme une force qui met et remet l’être humain debout. Le fait même d’avoir un début d’espérance est déjà une sorte de résurrection offerte par Dieu. Tout être humain qui croit au Ressuscité ne peut plus mener une existence sans espérance, sans amour, sans joie partagée. La vie d’un croyant est pleine de résurrection, pleine de vie, pleine de joie.

 

Devant les pleurs des uns et des autres, Jésus est lui-même « bouleversé d'une émotion profonde ». Et même, il pleure.

Jésus pleure... ce ne sont pas des larmes de crocodile; c'est bien le désarroi d'un homme devant la mort de son ami. Et c'est aussi, sans doute, ce que l'évangéliste veut nous dire et nous redire, et avec force: la pleine humanité du Christ. Jésus n'a pas fait semblant, il n'a pas fait "comme si".

 

Nos joies, nos peines, nos souffrances, et notre désarroi devant la mort, tout cela Jésus l'a vécu comme nous, exactement comme nous. Jésus a toujours été fort sensible à toute détresse humaine, plus particulièrement à la maladie et à la mort. Il a eu « compassion », il était pris aux entrailles pour Marthe et Marie.

 

« Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort »

Cette « la plainte » de Marthe et Marie (v. 21 & 32) ressemble à beaucoup d'autres dans la Bible, en particulier dans les psaumes... Une sorte de révolte ou de colère envers Dieu, je dirais même de « reproche » à Dieu, pour son silence et son absence.

Dans monde aujourd’hui, confronté à la menace d’un virus presque inconnu et difficilement maitrisable pour l’instant, avec toutes sortes de bouleversements et de drames, nous nous posons la question : « Où est-t-il notre Dieu ? Que fait-t-il ? Si Dieu avait été là ... » ! 

Ce cri de révolte, frères et sœurs, c'est déjà une prise de conscience, mieux encore, une prière de demande de secours de Dieu.

Notre Dieu n'est jamais lointain, il est « un ami » vers qui nous pouvons crier notre souffrance. Quand tout va mal, nous pouvons toujours nous adresser à lui : « Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur, Seigneur écoute mon appel ; que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière » (Ps 129).

Comme nous, Jésus ressent douloureusement la mort d'un ami et à travers Lazare, c'est aussi la détresse de toute l'humanité qu'il voit. Ce sont nos propres interrogations (et elles sont nombreuses) face au désarroi et à la mort.

 

Frères et sœurs, nous aussi, en ce jour, nous nous tournons vers Jésus, lui qui est « la Résurrection et la Vie » (Jean 11,25).

Au-delà du désespoir (dans le deuil de la famille de Lazare), devant la désolation que sème le convid 19, Jésus nous parle, il veut faire jaillir en nous l'esprit de résilience et de résurrection, pour « tenir debout » dans la foi et nous aider à être à côté des autres pour tenir debout.

 

En Lazare, c'est le Dieu des vivants qui se révèle au monde. Cette affirmation d'une vie nouvelle, d’une vie autre, ce n'est pas seulement pour après la vie sur terre, mais pour aujourd'hui.

C'est aujourd'hui, quand c'est encore possible, par celui qui est la « Lumière du monde ».

Jésus est source de tant signes dans nos vies car il est la résurrection et la vie aujourd’hui et maintenant.

 

Amen !