24/05/2021 (Pentecôte) prédication Jean Pierre Pairou

Lectures         Actes 2 1 à  13

                      Jean 20 19 à 23

 

Voici deux traditions de Pentecôte, ou plus exactement la version traditionnelle et une « oubliée ». Ces deux textes sont ils contradictoires ? s’agit-il de deux évènements différents. Une lecture « fondamentaliste » peut être embarrassée par ces deux évènements distincts situés pour l’un et l’autre après la mort de Jésus

Cependant ces deux textes peuvent être mis en relation par un thème qui leur est commun : celui de l’Esprit saint, du souffle de Dieu. 

« Ils furent tous remplis d’esprit saint »

« Il souffla sur eux et leur dit : recevez l’Esprit saint »

La notion de souffle leur est commune, nous y reviendrons.

 

Chez Jean, l’évènement se situe le jour de Pâques, dans le livre des actes, après l’ascension,  Tous deux jouent sur «  l’absence, sur le vide laissé par la disparition physique du Seigneur.

Cette absence chez Jean est remplie par une promesse : « Je ne vous laisserai pas orphelins ». Dans les actes, celle-ci est remplie par l’Esprit, le souffle de Dieu. « Ils furent remplis d’Esprit Saint.

L’absence physique de Jésus est « compensée » par la naissance de l’Eglise, assemblée des appelés. « L’Eglise est l’assemblée de ceux qui cherchent Jésus depuis qu’ils ont trouvé le tombeau vide » Louis Simon. Notion d’une « théologie de l’absence ». Celui qui n’est plus près vde nous physiquement et nous manque est bien plus présent dans nos vies que celui qui est près de nous chaque jour !

Mais cette absence, sans l’Esprit, sans le souffle de vie, suscite la peur et l’enfermement. « Chez Jean «  par crainte des juifs, les portes de la maison étaient verrouillées » Dans les actes «  ils se trouvaient réunis tous ensemble dans une maison » »Tous ensemble »image du replis sur soi qui est parfois le nôtre individuellement ou collectivement. Nos Eglises ne sont telles qu’autant qu’elles ne sont pas enfermées repliées sur elles-mêmes. « Donde est la iglesia ? ».

Ce repli sur soi est mis en cause par le souffle par ce que nos traductions habituelles nomment le « Saint Esprit »

Pneuma agios telle est la version grecque ! « Pneuma » qu’évoque ce mot ?

La septante, traduction en grec de l’ancien testament dit « Dieu modela l’homme avec de la poussière du sol (adama). Il souffla dans ses narines l’haleine de vie et l’homme devint un être vivant ». Les mots employés ont la même racine que le pneuma de la traduction « Esprit saint » Il s’agit du souffle de vie

« Seul l’esprit s’il souffle sur la glaise peut créer l’Homme » St Exupéry.

Ainsi l’Esprit ici nommé n’est-il pas de l’ordre intellectuel mais de celui de la Vie. Le vent est image de Dieu qui décoiffe, qui emporte. « Jésus souffla sur eux ». « Un vent violent venant du ciel ».

L’enfermement = mort, le souffle = vie.

 

Un autre symbole cosmologique et biblique est présent en particulier au livre des actes : celui du feu. « L’éternel parla du milieu du feu » « l’Eternel était descendu au milieu du feu » ex 18.19 « La lumière d’Israel deviendra un feu » etc.. Feu=Dieu lui-même théophanie

 

Ainsi les deux « pentecôtes » différent elles : chez Jean le souffle est collectif « Jésus souffla sur eux et leur annonce l’esprit saint.

 

Dans les actes les langues de feu s’individualisent « sur chacun d’eux ». L’esprit saint, le souffle saint, se manifeste sur une communauté, mais envoie des individus.

 

Ce texte aussi nous parle de langues de celles de feu d’abord qui fit d’eux des « allumés », des enflammés de Dieu, ce que nous devrions être si notre parole est vraie. Et puis de langues, non point étranges, pas même étrangères mais de langues compréhensibles par tous.

Ici se divisent nos options : il y a celle qui, par esprit de conformité au texte, veut que la prière, si elle est assez puissante, fasse venir le souffle et permette à ceux qui le peuvent, de parler une langue qui n’est hélas compréhensible par personne. C’est-à-dire qu’elle a l’effet inverse de celui décrit dans ce texte. On appelle cela du joli nom de « Glossolalie », c’est rassurant, mais j’allais dire peu « pentecôtiste », c’est-à-dire peu conforme à l’évènement.

Et puis il y a nos institutions traditionnelles qui, loin de s’abandonner à ces pratiques, tentent de parler au monde. Mais quelle langue parlent-elles ? Une langue, je le crains, bien sage, un vocabulaire qui, parce que traditionnel, se croit évident…Mais tentez un micro-trottoir en ville et demander aux passants ce qu’ils pensent du « salut par grâce », et vous serez édifiés sur l’efficacité de nos chers concepts.

Il est de notre responsabilité de savoir parler à quelqu’un selon son propre langage et ce n’est pas simple !

Par ailleurs, Le texte de Jean fait des disciples les responsables du pardon. Nous sommes responsables de l’annonce du pardon de Dieu. Il ne s’agit pas seulement de l’annoncer, mais de le manifester. Difficulté du pardon. E.M.Schmitt : «  L’on pardonne à une personne , on ne pardonne pas l’acte » Nul ne se réduit à son acte quel qu’il soit .

 

Jésus, puis le souffle saint, l’Esprit, envoient les disciples. Nous sommes envoyés, vers la difficulté d’être de vrais disciples, c'est-à-dire de sortir de nous-mêmes et de « l’entre soi » pour parler en langues, c'est-à-dire apprendre à dire notre foi sans doute dans des langages non « religieux » dans ce monde déchristianisé et en étant des facteurs, des faiseurs du pardon de Dieu

Il est difficile d’être chrétiens, mais que l4esprit, le souffle de Dieu nous y aide ! C’est en tous cas notre prière pour une vraie pentecôte !