28/11/2021 prédicaion Philippe PERRENOUD

28 novembre 2021   Carcassonne   

Luc 21, 25-38

 

            Nous nous réjouissons (je l'espère...) de ce temps qui commence, ce dimanche, avec l'Avent : temps qui nous annonce non seulement Noël (ce qui est déjà énorme !), mais la lumière,

la chaleur, malgré l'hiver qui vient... les perspectives de vies offertes par la venue de notre Seigneur, au cœur de notre humanité : « Dieu » descendu du ciel. 

Une présence à la fois si simple et infinie, dans notre monde.

 

            Le passage d'aujourd'hui ne ressemble toutefois guère à cela... 

            Nous pouvons être d'autant plus surpris que nous ne sommes guère familiers, habitués (dans nos Eglises, en particulier, je pense) à ce registre, à cette dimension apocalyptique... nous savons que cela existe, que cela fait partie de la Bible, comme une perspective finale. Mais nous avons tendance à insister davantage sur la dimension présente de la foi. Et aussi, pourquoi pas, avec une certaine part de raisonnements... Et voilà un texte qui nous parle avant tout d'avenir ; et bien plus : d'avenir hypothétique !...

Est-ce que cela donnerait raison à ceux qui cherchent dans différents mouvements, religieux en particulier, une fuite, un scénario tout tracé ? Ou, au contraire, cela justifierait-il ceux qui voient dans la foi une bonne dose de naïveté, ou même de crédulité... Car si on le lit ainsi, sans autre : le passage suggéré pour ce dimanche nous livre effectivement un certain nombre de difficultés, et même d'obscurités. Par exemple : le Christ annonce une apocalypse pour ses contemporains ; or nous y sommes toujours...

Dans ce chapitre 21, Jésus nous livre plusieurs signes. Une question, avant l'extrait de ce matin, pousse Jésus à tenir ce discours sur la fin des temps. Cette demande concerne un signe précurseur ; la question qui introduit notre passage est : quel sera le signe que cela va avoir lieu ? Est-ce une façon de se rassurer, en se disant que si on connaît le début de la fin, on peut s'y préparer ? Un peu comme si on pouvait connaître le moment d'un accident de la route, pour ne mettre la ceinture de sécurité qu'à ce moment-là... Ou, de façon pire encore : que ce monde est tellement difficile et négatif qu'on a hâte d'en connaître la fin ?

La foi serait-elle aussi terrible que cela ? D'autant plus que les réponses de Jésus ne sont guère réjouissantes... Ce n'est que dans un 2e temps qu'il conclut par une exhortation à la vigilance.

Faudrait-il ainsi obéir sous la menace ? D'autant plus que nous sommes avertis...

Car le début du passage est un vrai cataclysme ! Faut-il alors voir dans tous les malheurs de la terre, autant d'images de la colère de Dieu ?... Certains n'hésitent guère à le faire... Et il n'est pas rare que cela glisse subrepticement vers des délires ou intolérances intégristes, terroristes, et autres sectaires....

Bref, face à cela, nous avons envie de donner des explications historiques et rationnelles, dans le but de nous rassurer : nous rassurer sur ce qui  peut nous interroger, nous intriguer. Or ce serait bien sûr une erreur de repousser tout cela trop vite... Dès que quelque chose nous gène, nous avons tendance à évacuer (et cela correspond également assez bien à un fonctionnement actuel)...

Cette dimension des temps, avec leur « fin», fait bel et bien partie de notre foi chrétienne. Ne confessons-ns pas qu' il viendra de là juger les vivants et les morts ?

Nous vivons facilement dans l'illusion du définitif (les psy appelleraient aussi sans doute cela une manifestation de notre « Toute puissance » ; et/ou du déni, aussi ? ).

Or il faut si peu de choses pour que tout bascule, parfois très vite. Nous ne pouvons jamais être sûr de grand chose.... L'appel à la vigilance est déjà en soit une parole de salut.

En réalité, et nous avons toujours besoin qu'on nous rappelle nos limites, que nous évoluons dans le provisoire (voir grâce au provisoire...).

Ces signes ne désignent-ils pas simplement des réalités qui sont hors de portée de tout calcul humain ? De tout temps des croyants ont tentés de spéculer sur le jour ou l'heure de la fin du monde ; ce qui est la tentation d'encore plus de « Toute-puissance » humaine, là où il y a justement quelque chose qui nous marque une limite !...

            Et, alors, quelles leçons en tirons-nous ?

            Car, finalement, ai-je vraiment besoin de connaître, même dans mon existence actuelle, par exemple, même de connaître l'heure de ma mort ?? Pas moi ! Il me suffit de me souvenir que je suis mortel ! De façon plus générale, pourquoi ne pas entendre cet appel à la vigilance comme la volonté de s'inscrire dans une dynamique de vie ? sur le sens de nos vies ; à avoir la chance de se poser des questions.

Puisqu'on ne connaît pas l'heure, qu'on ne peut la connaître, cela signifie aussi que nous n’avons pas à nous poser cette question. La vie n'a-t-elle pas bien davantage de poids et de valeur en vivant chaque jour comme si c’était le dernier... ?

Bien plus : alors que des tas de gens faisaient (et font toujours...) des suppositions, qui occupent tellement d'énergie pour rien... Jésus nous dit : il existe une fin, mais ce n'est pas encore notre problème ! Le nôtre, pour l'instant, est bien plutôt de nous occuper du domaine qui nous est confié... ce passage passe donc du futur au présent, et de nouveau au futur...

La foi nous recommande de rester éveillés pour que le jour où l'épreuve (quelle qu'elle soit...) viendra, elle ne nous prenne pas au dépourvu.  Ne voyons-ns pas trop souvent des gens qui  malheureusement ne tiennent pas sous le choc de ce qui leur arrive ?

Il ne s'agit évidemment pas d'un appel à nous préparer à la mort !... ou à vivre la foi comme une attente passive. Il s'agit même pas d'un appel individuel ; la suite du récit parle bien d'une tâche communautaire dans un monde qui nous est confié.

Cette perspective nous rappelle qu'il y a des repères au-delà de ce que nous voyons, dans le temps ; et aussi, alors, communautaire : nous pouvons toujours construire nos vies et nos sociétés avec des murs, des individualités (personnelles ou de régions, de pays, etc.). Mais il y a une perspective qui nous dépasse chacun, et tous ; qui nous dit aussi, donc, que nous sommes tous dans la même barque !...

Un appel à être vigilant, donc, mais non passif : de se donner les moyens de remplir le temps autant qu'il est possible.

Cela fait peut-être partie de ces principes chers aux protestants, avec son lot de culpabilisations possibles... Alors qu'il est là pour nous dire ce que nous sommes : à la fois limités, mais appelés par Grâce...

Il nous rappelle notre rôle à la fois limité, en particulier parce que marqué dans le temps ; et immense parce qu'aimés, donc libre ; et même : responsables de la création. Un appel à la confiance donc malgré les difficultés de ce monde, il y a une fin qui nous dit aussi une justice.

Ne pas nous rassurer à bon compte donc, d'une manière ou d'une autre, mais prendre le monde tel qu'il est, et l’Évangile aussi :

l'un (le monde) est rempli de défi ; l'autre (l’Évangile) n'est pas un scénario catastrophe ou un chantage, mais une Bonne Nouvelle, nous apporte une confiance. Une confiance qui n'est pas là pour nous endormir, pas plus qu'elle pourrait nous faire suivre une voie toute tracée de revendeurs exclusifs, sectaires. Ne pas nous endormir, parce que nous sommes toujours dans le provisoire, et que nous avons bien besoin qu'on nous le rappelle de temps en temps...

            Un provisoire dans lequel notre Seigneur nous a rejoint, comme sa venue sur terre, avec sa naissance au cœur de notre humanité, nous le rappelle, nous le montre, en ces temps d'Avent et de Noël particulièrement... Malgré toutes les apparences qui pourront se présenter, l'obscurité, le froid, la vie qui semble bloquée, comme en hiver, n'en restera pas là !... L'avenir offert par Dieu n'est pas synonyme de catastrophes ; celui des hommes peut-être, parfois... Mais l'avenir de Dieu est annoncé comme un été : récolte, douceur, voir chaleur, etc.

            Devant nous, au-delàs des moments froids et tristes, durs, il y a des merveilles : ce temps de l’Avent qui s’ouvre nous le dit : tout bourgeonnement, pour celui qui a le cœur et les yeux ouvert, peut devenir une parabole du Royaume qui vient.

 

Amen