24/12/2021 prédication narrative de la veille de noël (Philippe PERRENOUD)

Les 3 Noëls de Cornelius

 

Voici un conte inspiré de celui que le pasteur Trocmé, co-fondateur du « collège cévenol » au Chambon-sur-Lignon, aimait y raconter dans les années '40...

 

            Cornelius était soldat romain. Il était en garnison dans la tour Antonia à Jérusalem.

C'était un homme sans pitié ; ni crainte, ni remords, jamais : il obéissait à César, un point c'est tout !!

Depuis son arrivée en Judée, le calme régnait ; et Cornelius, rongé d'ennui, astiquait ses armes, jouait aux dés...

            Enfin, par une froide nuit d'hiver, la trompe d'alarme réveilla les soldats. En un instant, ils furent rassemblés dans la cour. Le centurion donnait ses ordres : « une révolte vient d'éclater à Bethléem contre le roi Hérode. Les bergers ont proclamé roi un enfant nouveau-né. Cernez le village, pénétrez dans les maisons : tout enfant en-dessous de 2 ans doit être tué ! »

            Cornelius fut placé en sentinelle à la porte d'Hébron, qui regardait vers l'Egypte, et reçu la consigne d'arrêter tous fuyards.

Bientôt dans la nuit des cris s'élevèrent dans Rama, des pleurs et des grandes lamentations. Rachel pleurait ses enfants et ne voulait pas être consolée...

Le soldat frissonna : ce n'était pas là les exploits qu'il avait attendus ! Mais il se ressaisit...

            Or voici deux ombres qui cherchaient à se glisser hors de la ville. Cornelius le barra la route et cria : « Halte, au nom de César, montrez ce que vous portez ! » La femme entrouvrit son manteau et Cornelius aperçut un tout petit enfant qui le regardait. Il tendit la main. Mais la femme, d'une voix calme, lui dit : « N'y touche pas, soldat, c'est le Fils de Dieu ! »

Quelle faiblesse s'empara alors de lui ? Il ne le sut pas, mais... il laissa passer les fugitifs.

            Depuis ce jour, Cornelius n'était plus le même... Il avait suffi d'un regard de l'enfant de Bethléem pour qu'un cœur d'enfant prenne la place de son cœur de pierre. Il n'y pouvait rien : l'Amour était entré en lui...

            Ce fut le premier Noël de Cornelius.

 

 

            Une trentaine d'hivers se succédèrent. Cornelius était devenu centurion.

On l'avait envoyé à Capharnaüm, en Galilée, où il exerçait un commandement. Mais chaque fois qu'il était tenté d'abuser de violence, une voix intérieure lui disait : « n'y touche pas, soldat, c'est le Fils de Dieu ». Mais il restait un vrai Romain. La loi de Rome demeurait sa seule discipline !!

            Un jour, au début de l'hiver, son serviteur tomba gravement malade. Devant le lit de l'esclave paralysé, il fut pris d'une immense pitié. Ni les remèdes, ni les dieux de Rome, ne pouvaient rien contre la mort. Alors, il décida d'avoir recours aux Juifs, car il avait entendu parler de miracle chez eux. Il se mit à la recherche d'un Maître galiléen dont on parlait beaucoup.

            Quand il l'a trouvé, il lui dit : « Mon serviteur est malade, mais nous sommes non-circoncis et je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit. Mais dit seulement une parole, et mon serviteur sera guéri »

Le Maître leva les yeux sur le centurion et dit : « va, qu'il te soit fait selon ta foi ».

            Rentré chez lui, Cornelius trouva son serviteur guéri.

            Et de nouveau, son entourage le vit changer : la loi de Rome ne lui suffisait plus ; il s'efforçait de déchiffrer la loi de Moïse. Un seul regard du Maître avait fait naître en lui un nouvel homme. Il n'y pouvait rien : la foi, avec tant d'humanité, était entrée en lui...

            Ce fut le 2e Noël de Cornelius.

 

 

            Il était maintenant à Césarée, au bord de la mer. Il avait demandé à quitter Jérusalem, car il trouvait dans cette ville trop de souvenirs douloureux...

            Il ne croyait plus à la divinité de l'Empereur, mais avait continué d’exécuter ses ordres sanglants jusqu'au jour maudit... où il avait assisté, au Prétoire, à la condamnation de trois malfaiteurs. L'un d'eux, silencieux, lui inspirait de la pitié. Le voyant si faible, il ne pouvait s'empêcher (pourquoi ?) de penser à la faiblesse du nouveau-né de Bethléem. Cornelius avait conduit le condamné à mort au lieu du supplice et ordonné qu'on le crucifiât.

            Mais quand les clous avaient pénétré dans la chair, il s'était retenu pour ne pas pleurer. Et voici que l'homme s'était tourné vers Cornelius, disant Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font...

            Alors le centurion l'avait reconnu. Il avait retrouvé sous la couronne d'épines le regard de celui qui avait guérit son serviteur. Et il avait compris qu'il venait de crucifier le Fils de Dieu...

 

            Ici, à Césarée, il y pensait sans cesse, méditant la Loi et priant Dieu de lui pardonner. Mais comment pourrait-il lui pardonner ?... Dieu ne répondait d'ailleurs pas. Et une nuit, justement la nuit anniversaire de Bethléem et de Capharnaüm, Cornelius entendit une voix qui lui commandait : « Envoie des hommes, à Joppé, chercher Simon surnommé Pierre. » Il obéit.

            Deux jours après, Simon Pierre était chez lui. Et l'ancien pêcheur du lac de Tibériade raconta au centurion son histoire : comment il avait rencontré et suivi Jésus. Mais quand Pierre en arriva au récit de l'arrestation et de son reniement dans la cour du Prétoire, Cornélius se sentit submergé par le remord...

            Mais Simon ne s'arrêta pas là ! Il s'était levé, une lumière semblait irradier de tout son être : il raconta ce que Cornelius ignorait : le matin de Pâques, le tombeau vide, et la rencontre avec le Christ ressuscité...

« Cornelius, lui dit-il, Jésus est vivant, et il m'a ordonné de te dire que quiconque croit en Lui reçoit le pardon de ses péchés ».

            A ces mots, Cornelius crut. L'Esprit de Jésus était en lui, avec la foi, l'espérance et l'Amour...

Ce fut le 3e et merveilleux Noël de Cornelius