04/09/2022 culte Philippe PERRENOUD

Philémon 8-17            Carcassonne 4 septembre 2022

 

            L’apôtre Paul a rencontré, alors qu’il était en prison, un esclave en fuite, nommé Onésime. Or Paul connaît bien le maître de chez qui s’est enfui Onésime, qui s’appelle Philémon, puisque c’est lui qui l’a amené à se convertir. Paul renvoie chez son maître le fugitif, qui risque alors une grave punition. Paul s’opposerait-il alors à toute aspiration de l’homme à la liberté ??

            Bien au contraire, et il manifeste cela déjà par son attitude vis-à-vis de Philémon, à qui il ne veut rien imposer : il en appelle à sa responsabilité.

Car Paul souligne que lui aussi pourrait prescrire à Philémon son devoir. Mais il ne veut pas reproduire face à Philémon le même manque de respect de la liberté de chacun. Il lui adresse donc non pas un ordre, mais agit de préférence au nom de l’Amour ; et il précise bien qu’il n’a rien voulu faire sans ton accord. Il en appelle donc à la responsabilité de Philémon en tant que chrétien. Le chrétien, et donc le type d’hommes et de femmes, donc le type de société, n’apparaît alors pas comme un fonctionnement où on imposerait ; ni même où les choses s’imposeraient d’elles-mêmes… C’est devant des choix que nous sommes mis ; et comme pour Philémon, à découvrir et prendre conscience de nos responsabilité d’hommes et des femmes libres, adultes, respectueux des autres. La foi chrétienne ne fait pas retomber dans un esclavage d’un autre type, fut-il divin !... surtout prétendument divin !... La condition du chrétien est, au contraire, la liberté, donc la responsabilité, pour vivre ce à quoi la foi nous appelle.

            C’est pourquoi Paul, en faisant allusion au statut antérieur d’Onésime, celui d’esclave, le décrit comme inutile ; et comme Paul est confiant dans le sens des responsabilités que Philémon a désormais, par sa foi, il sait qu’il ne maintiendra pas Onésime dans son ancienne condition. Paul peut alors être assuré qu’Onésime sera désormais utile , car libre et responsable. Onésime, nous dit-il, qui jadis t’a été inutile, et qui maintenant ns est utile, à toi comme à moi. 

 

            Malgré cela, la question a été maintes fois posée sur le fait que Paul ait renvoyé à son maître cet esclave fugitif. On y a même parfois vu un refus de sa part de prendre position au sujet de l’esclavage. Et pourtant !! Il s’agit d’une condamnation plus profonde que celle de l’institution de l’esclavage au sens juridique : c’est un appel à la liberté et la responsable de tout homme, quelle que soit sa condition.

            Paul attaque ainsi le problème à sa racine : ce qui nous rend tous, quelle que soit notre condition, esclave, c’est le manque d’Amour et de foi. Car le droit, les lois, suivent les usages quotidiens. Le droit ne naît pas de façon abstraite, dans le vide, mais découle de la façon dont nous usons de notre liberté, de nos actions, habitudes, façons de voir et de vivre. Si on veut changer les choses, c’est aussi –et surtout- par là qu’il faut commencer ; le faire en profondeur, en notre cœur et tous les jours… Le reste en découlera normalement ; mais commençons par vivre de façon à la fois libre et responsable. Sinon, cela nous rend esclave, par rapport à nous-mêmes et par rapport aux autres. Ce qui n'empêche pas, bien sûr, de penser aux niveau structurels (comme le font la Cimade, l'ACAT, Eglise verte, etc...) ; mais en pensant toujours au niveau humain, justement...

            Illustration de cela (a contrario...) : les privilèges ont été abolie dès le début de la Révolution française. Ce ne devrait donc plus être notre naissance qui détermine notre condition sociale, nos conditions de vie, nos droits, etc. Or : que l'on naisse ici ou dans un autre pays, et continent : les conditions de vie et droits ne seront pas les même... et ceux qui veulent aller au-delà de cette séparations, en migrant, en sont généralement empêchés... C'est un simple (brutal même) constat...

            Paul renvoie Onésime : non plus comme un esclave, mais comme bien mieux qu’un esclave : un frère bien aimé. Onésime revient alors, mais dans de nouvelles conditions, qui n’ont plus rien à voir avec les anciennes. Il est parti, nous dit Paul, pour un temps, mais revient pour l’éternité. Car il revient comme un homme, comme frère, donc libre.

            En Christ, les frontières sont en effet abolies ; comme le dit la lettre aux Galates, il n’y a plus ni Juifs, ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres (…) car, tous, vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ. Ainsi, dans le Christ et à l’intérieur de la communauté qui naît de lui, tous sont égaux. L’unité dans le Christ s’inscrit au plus profond de nos êtres ; le reste en découle, et doit en découler… Paul fait ainsi de la communion au Christ l’acte fondateur de nouvelles relations humaines. Et cela est particulièrement vrai et révélateur dans le cas de l’esclave qui était considéré jusque là simplement comme une chose, sans valeur autre que marchande. Mais par le Christ, l’esclave acquiert désormais une dignité, et prend conscience de cette dignité. Et c’est sans doute pour cela qu'ils ont été nombreux à se tourner vers le christianisme, dès le début.

 

            L’esclave trouve ici une affirmation bien plus bouleversante et profonde qu'un simple changement de statut légal : c'est-à-dire une affirmation sur sa dignité humaine. Celle-ci ne concerne alors plus seulement l’esclavage du monde antique, mais tous type d’esclavages, même ceux d’aujourd'hui, si nombreux et variés : mépris, discrimination, gestions économiques, etc, etc ; car nous le voyons bien aujourd'hui : ce n’est pas parce que l’esclavage a été aboli dans le droit que le sort des hommes s’est fondamentalement amélioré… Au contraire, on a jamais autant torturé, et on est jamais autant mort de faim, dans la durée qu’en ces jours-ci. Un changement de vie et un changement de cœur sont bien nécessaires et inséparables… La foi est un travail incessant, toujours à reprendre, au plus profond de notre être, pour vivre de façon à la fois vraiment libre et parfois responsable…

 

            Amen